La jeune fille sous la lune

Chapitre 13 : exécution publique ( partie 2 )

Il se redresse et prépare l'exécution. Toute la subtilité de la manœuvre est de tuer indirectement Ophélia, ou du moins pas sur le coup, afin d'éviter d'hériter de ses pouvoirs. Non seulement la contrepartie serait de perdre sa capacité innée, mais en plus elle n'apportera aucun avantage lors d'un combat.

D'un simple geste de la main, il ordonne sa mise à mort. Un homme s'avance et lui plante une lance dans le cœur avant de la retirer. La souffrance est insoutenable. Un cri pénétrant déchire les cieux. Ses bras, déjà engourdi et endolori, se crispent, retenus par les chaînes. Ophélia était déjà faible, elle n'a plus la force de crier. Le sang coule, elle perd peu à peu conscience de la douleur. Elle ne pleure pas, mais sa vision se brouille progressivement. La dernière chose qu'elle sent est une main qui soulève sa tête en la prenant par les cheveux et la dernière chose qu'elle entend sont les paroles d'Edgar.

- Qui aurait cru que l'esprit le plus fier mourrait à genoux ?

Au moment où sa tête retombe et où la mort est sur le point de l'emporter, ses chaînes se brisent. Lors de la pleine lune précédente, elle a érigé en secret une enceinte autour de son énergie mistique pour en conserver un peu, au cas où son partenaire se serait blessé lors de l'opération. La lance a brisé son œuvre et la muraille est rompue. Comme lors de sa dernière vie, l'énergie spirituelle s'infiltre dans tout son corps. Allongé sur le sol, l'esprit de la lune se dévoile, pour la première fois en plein jour.

Elle ne pourra plus retrouver sa forme humaine : son corps trop endommagé ne peut être soigné tant la mort la guette. C'est là le véritable inconvénient de son pouvoir : il ne peut être appliqué sur son utilisateur. Voilà la véritable raison pour laquelle obtenir cette capacité est considéré comme une malédiction. Dans son état, seule sa forme spirituelle la maintient en vie.

Ophélia sent son énergie circuler et s'échapper tout aussi vite. Sans la pleine lune au-dessus de sa tête, elle ne peut retenir son essence. Comprenant qu'il ne lui reste que quelques secondes, elle s'adosse à l'un des poteaux en attendant la mort.

Il n'y a qu'Edgar pour troubler le silence.

- Pour être honnête, j'étais un peu déçu de n'avoir jamais pu goûter à l'énergie d'un esprit.

Même plus la force de se mettre en colère ou de riposter, on dirait presque qu'elle n'a pas entendu.

- Ne t'en fait pas, dit-il en posant sa main sur sa tête, je te laisserai un peu d'énergie. Si tu venais à mourir directement par ma faute tu me refilerai ta capacité pourrie et crois moi, je ferai tout pour que ça n'arrive pas.

Alors qu'il retire sa main pour lui tirer ses dernières forces, c'est une lumière orangée qui reste dans son sillage. Retenu par l'esprit de la lune, celui du soleil a été libéré, comme si en se retenant à une énergie de la même nature que la sienne, il avait pu s'extirper de son pactisant.

- Tu pensais peut-être qu'un mortel comme toi pourrais devenir le réceptacle d'une essence spirituelle sans contrat ? se renseigne-il. Laisse-moi te dire une chose, tu es comme un vulgaire tissu au maillage grossier qui essaye de retenir une eau limpide. Reste à ta place et contente toi de la caillasse qui te sied à merveille !

- Calme toi mon frère, le prie Ophélia en lui prenant la main.

- Cet homme a été ignoble, dit-il en aidant sa sœur à se relever, pas seulement envers toi, mais envers tout ces gens. Et tout ça par ma faute, parce que je n'ai pas su faire preuve de discernement pour mon contrat ! Je ne sais pas comment me rattraper.

- Maintenant que tu es là, il n'est plus aussi fort qu'avant. La foule s'occupera de lui.

Ophélia devient de plus en plus transparente, son énergie s'estompe sous le soleil.

- Viens, dit-il en voyant cela. Rentrons chez nous.

Tirant Ophélia par la main, ils s'élèvent avant de disparaître dans le ciel.

À ce moment-là, Arlo arrive tout essoufflé. Il vient de reprendre connaissance et arrive juste pour la voir partir. Son monde s'effondre.