PARTIE 1 - PROLOGUE

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La confiance est le plus doux des poisons.
- R.B.

*

    Je dévisage Thomas, le garçon pour qui j'étais prête à tout. Celui que je considérais comme l'homme de ma vie. Comment a-t-il pu...? Ses yeux bleus autrefois si joyeux sont injectés de sang, son nez rougi à cause de ses frottements réguliers et ses traits tirés. Comment n'ai-je pas pu me rendre compte de ce qu'il était devenu avant aujourd'hui ? Avant qu'il ne me trahisse ? Alors depuis le début, je suis la seule à aimer l'autre dans cette histoire ? Toutes ces paroles qu'il m'a susurrées au creux de l'oreiller étaient fausses ? Des injures me brûlent les lèvres, des mots acerbes me démangent la langue. Pourtant, je reste silencieuse et prostrée, là, devant lui, les larmes coulant silencieusement sur mes joues froides.

    Quelqu'un attrape mes cheveux pour me tirer en arrière, me projetant dans une réalité effrayante et cruelle. Mon corps tombe comme une pierre. Je porte les mains à mes cheveux et y rencontre des doigts larges. Des doigts d'homme. C'est comme si on était en train de m'écorcher vive, mais la douleur que je ressens tandis qu'on me traîne contre le goudron n'est en rien comparable à la peur et la révolte qui me déchirent les entrailles. Je crie, je hurle, j'appelle à l'aide, mais les personnes me faisant face ne bougent pas d'un pouce. Au lieu de ça, lâches, elles se détournent. Thomas me tourne le dos et s'éloigne dans une démarche macabre, emportant mon cœur avec lui.

    Lorsque la pression sur mon crâne se relâche, mon être tout entier est en feu et je peux sentir le sang affluer dans mes membres comme s'il voulait s'en échapper. Les secondes qui suivent s'écoulent dans un silence effroyable, invitant l'appréhension à m'écraser toujours un peu plus. Un courant d'air me fait frissonner. Je ne porte qu'une simple robe, la plus belle de ma maigre penderie, parce que Thomas m'a fait croire que nous allions au restaurant. Mais non. Il voulait que je me fasse jolie, non pas pour notre soirée en amoureux, mais pour... Oh mon Dieu. Je ne peux pas y croire.

    Soudain, un pied enfermé dans une grosse chaussure s'écrase contre mon ventre. Je vomis instantanément.

    — Je vais un peu m'amuser avec toi.

    Plutôt mourir. La voix de cet homme est glaciale. Morte. Tout le contraire de celle de Thomas qui est chaleureuse, aimante, vivante. Thomas... Pourquoi ? Je me recroqueville sur moi-même en sanglotant. Au secours...

    Quelque chose d'humide coule sur mon bras. Ça ressemble à de la salive. J'entrouvre les yeux. L'endroit où nous sommes, éloignés du pont sur lequel Thomas s'est garé plus tôt, est peu éclairé, mais je réussis vaguement à distinguer le visage de mon agresseur. Jamais je ne pourrais l'oublier. Il me hantera, j'en suis certaine.

    Lorsqu'il se penche au-dessus de moi, une odeur de tabac froid et d'essence m'agresse les narines. Il me touche la joue. Écoeurée, je me crispe. Il fait glisser ses doigts jusqu'à ma mâchoire, effleure ma poitrine, mon ventre, puis remonte jusqu'à mes lèvres. Par pitié, aidez-moi... Je suis prisonnière de mon propre corps.

    — T'es bien belle, Thomas aurait dû te garder pour lui. Mais ce type est trop con. Il serait prêt à vendre sa mère pour un peu de coke. M'enfin, je m'en branle. Ça m'arrange bien.

    Il plaque sa bouche contre la mienne en même temps qu'il découvre ma poitrine. Je grimace. Non. Non, non, non. Non. Non ! J'essaie de respirer, mais je n'y arrive pas. Il se dirige plus bas, lentement, de sorte à mieux me torturer. Je tremble. Non. J'étouffe. Non. Rain, réagis. Réagis, réagis, réagis. Bon sans, mais réagis !

    — On va voir qui te fait le plus venir entre ce junkie et moi.

    Je tente de me débattre, mais sa force surpasse largement la mienne. Mes paumes raclent le sol poussiéreux. Je me coupe contre quelque chose, je n'y prête pas attention. Et puis là, je découvre une pierre que je m'empresse d'attraper et d'abattre sur son visage avec toute la puissance dont je dispose. Ça le déstabilise assez pour me permettre de le repousser et de rouler loin de lui, tant bien que mal.

    Gagnée par un flot d'adrénaline, je me hisse sur mes jambes, puis bondis sur lui, la pierre à la main. Mon premier coup s'abat sur son nez, puis je frappe. Encore et encore. Il grogne, gémis, m'insulte. Me protéger. Je frappe. Survivre. Je frappe. Il me griffe. Je frappe. Je ne m'arrête que lorsque je ne sens plus aucune résistance de sa part.

    Je me retrouve à califourchon sur un corps inerte, insensible devant la vision de son visage ensanglanté. Fuir. Tu dois fuir.

    Tel un automate, je me lève et commence à courir. Je cours aussi vite et loin que je le peux. Je m'enfonce entre les arbres de cette forêt de malheur, dans le froid mordant de cette soirée de Saint-Valentin.

    Partir. Survivre. Me protéger. Je dois disparaître. Pour toujours.

❤️

Publié le 15 novembre 2020

Ranger Blade : Le mec de la porte à côté [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant