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Une bête féroce restera toujours une bête féroce.
- R.B.

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Assise sur mon matelas une place, je fais face à mon nouvel appartement. Ou alors devrais-je qualifier cet endroit de studio ? Le salon fait office de chambre et est ouvert sur la minuscule cuisine, tandis que la salle de bain et les toilettes sont séparés par une cloison. Ce n'est pas spacieux, mais suffisant pour une personne. Je ne pouvais pas vivre éternellement à l'hôtel, surtout qu'ils ne permettent pas tous de rester pendant trente-cinq jours. Alors après huit mois passés sur la route entre chambres chaleureuses et moquettes aux tâches suspectes, j'ai pris la décision de m'installer à Rock River, suite à une publicité vue dans un magazine.

La ville est vendue comme un havre de paix avec des montagnes enneigées en hiver et un lac qui attire les touristes en été. Les maisons en bois sur les photos m'ont donné envie, bien que je savais qu'en louer une ne rentrerait pas dans mon budget. Ce ne sont pas les petits boulots que j'ai fait à droite et à gauche combinés à mes économies qui me permettraient de vivre dans un chalet. Pas plus de deux jours en tout cas.

C'est, certes, petit, mais c'est très lumineux et ça me fera du ménage en moins, ce qui n'est pas négligeable pour une paresseuse comme moi. Lorsque j'aurais trouvé un travail, je pourrais faire un tour au magasin de meubles et décorations, parce qu'en dehors d'ustensiles de cuisine et ce matelas qui ne conviendrait pas à une personne mesurant plus d'un mètre quatre-vingt laissés par l'ancien locataire, et mon sac qui ne déborde pas de vêtements, je n'ai rien. Je n'ai aucun souvenir de mon ancienne vie. Tout est resté chez Thomas. Les habits que je possède aujourd'hui ont été achetés au fil des semaines qui se sont écoulées depuis cet épisode cauchemardesque.

Je renâcle en passant une main dans mes cheveux fraîchement coupés. Si je n'avais pas fait attention, la coiffeuse à l'œil de verre m'aurait tout rasé. Je me retrouve donc avec une coupe à la garçonne qui ne m'enlaidit pas, donc je suppose que c'est plutôt réussi. Ça me change. Avant, on me disait souvent que je ressemblais à une poupée avec mes joues roses, ma peau de porcelaine et mes boucles blondes aussi dorées qu'un épis de blé. Et pendant longtemps, je n'ai été plus que l'ombre de moi-même. Ça ne fait que depuis quelques jours que je suis parvenue à sortir la tête de l'eau et que j'ai décidé de prendre un nouveau départ. Je refuse de laisser les actes de Thomas pourrir mon existence, il a déjà causé trop de dégâts. Je me suis fait la promesse de ne plus jamais laisser qui que ce soit dicter ma vie.

Mes doigts se posent automatiquent sur la fine cicatrice qui me traverse le menton, marque issue du combat de cette nuit. Je retiens un haut-le-cœur et prends une grande inspiration. Le passé reste au passé, je ne dois plus penser à ça. Mais c'est difficile lorsqu'il y a toujours quelque chose pour nous remémorrer nous souvenirs aux moments les plus inopportuns. Combien de crise d'angoisse ai-je eu en croyant apercevoir l'un ou l'autre de mes démons ou entendu une voix qui leur ressemblait un peu trop ? Je ne supporte ni l'odeur de l'essence, ni celle de cigarette. Travailler dans un bar a été un vértaible supplice, mais les pourboires étaient assez conséquents pour me pousser à prendre sur moi. Néanmoins, si j'ai le choix à Rock River, je resterais loin des fumeurs et des stations services.

Et si je sortais faire un tour ? Après la nuit agitée que j'ai passée dans le car qui m'a conduite ici, ça me ferait du bien de prendre l'air. J'en profiterai pour trouver des pistes d'emploi, faire quelques courses et acheter des draps. Autant le matelas paraît propre, autant je n'ai pas très envie de coller mon visage dessus.

J'attrape mon tote bag crème, plus si crème que ça, et sors en vérifiant à trois reprises que j'ai bien mes clés. Ça m'est déjà arrivé de penser les avoir alors qu'elles se trouvaient encore à l'intérieur. Ce n'était pas très grave puisque Thomas était là pour venir à ma rescousse. Oui... Thomas a souvent été là pour me sortir du pétrin, jusqu'à ce qu'il m'y mette sans plus de considération pour moi. C'est du passé.

Ranger Blade : Le mec de la porte à côté [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant