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Lorsque l'ennui est présent, la plus petite étincelle peut provoquer un brasier.
- R.

*

    Je suis en train de batailler avec ma housse de couette — véritable épreuve du parcours des combattants — lorsque quelqu'un toque à ma porte. Je m'arrête, les sourcils froncés. Qui est-ce que ça peut bien être ? En dehors du propriétaire, personne ne connaît mon adresse. Et si...? Non, impossible. J'ai changé d'identité trop fréquemment pour que l'un ou l'autre ait pu me retrouver. Peut-être que mon caprice de toujours conserver un prénom avec un R m'aura grillé auprès des personnes que je fuis.

    Non, non, non. Ils sont trop cons pour faire le rapprochement. Enfin, Thomas a dû se cramer les neurones avec la coke et son dealeur... Je ne sais pas s'il s'est remis de son passage à tabac et n'ai jamais voulu me pencher sur la question. Je préfère le penser mort que de l'imaginer surgir pour m'enlever à ma nouvelle vie. Même si cela signifierait que j'ai tué un homme. Après que le choc soit passé, je me suis attendue à être prise d'une culpabilité étouffante, mais ça n'a pas été le cas. Ni à l'époque, ni hier, ni aujourd'hui. Est-ce que ça fait de moi une mauvaise personne ?

    Du bruit provenant du couloir m'arrache à mes pensées. Ah, oui, c'est vrai. J'abandonne ma besogne et pars ouvrir. Je me retiens de justesse de ne pas refermer aussitôt en découvrant mon voisin. Il a troqué son haut blanc contre un marcel noir qui fait ressortir les muscles de ses bras puissants et tout aussi couverts d'encre que son cou. Ah ouais. Quand même. Un raclement de gorge me rappelle à l'ordre. Zut ! Prise sur le fait !

    Je relève timidement les yeux vers son visage. De près, il est s-p-l-e-n-d-i-d-e. On pourrait croire qu'un sculpteur a sacrifié sa vie pour lui faire justice en le taillant dans le marbre.

    — Tu t'appelles comment ? me demande-t-il soudainement.

    Je le fixe, certaine de passer pour une idiote. Nous nous sommes croisés deux fois et à deux reprises, je l'ai observé comme s'il était une sorte d'apparition divine.

    — Je sais que t'es pas sourde parce que tu m'as répondu toute à l'heure, donc accouche, ajoute-t-il d'un ton hargneux.
    — Ro-rosalie, bégayé-je.

    Pourquoi m'intimide-t-il autant ? Et surtout, pourquoi je me trouve encore devant lui alors que j'aurais dû l'envoyer paître tout de suite ? Je n'ai vraiment pas apprécié son comportement de tout à l'heure, même si, dans le fond, il m'a aidée. Enfin, il s'est plutôt débarrassé de moi si j'en crois ses paroles.

    — T'avais cinquante piges quand t'es née ou quoi ? se moque-t-il en s'appuyant contre le chambranle.

    Encore un peu et il sera carrément à l'intérieur de mon studio. Dégage-le, il pue les emmerdes. Oui, mais... Le dégage-pas, j'aime bien comme il te mate. Si ma raison et mon désir se disputent le terrain, vivre ici risque d'être plus compliqué que prévu.

    — Euh...

    C'est tout ce que j'ai à répondre, alors qu'il est en train d'insulter mes choix ?

    — Bref, j'aime pas. Je vais t'appeler chaton, décide-t-il en me décochant un sourire qui doit faire tomber toutes les filles.

    Dans d'autres circonstances, il m'aurait certainement émoustillée, mais là, je reste surtout interdite devant son audace. Il veut aussi choisir comment je m'habille pendant qu'on y est ?

    — Vraiment, ne te sens pas obligé de m'appeler, rétorqué-je en lui lançant un regard mauvais. Je ne sais pas pour qui tu te prends, mais je te trouve un peu trop à l'aise avec moi.

Ranger Blade : Le mec de la porte à côté [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant