Je marche lentement dans la rue, laissant le temps à mon cerveau de traiter les informations reçues durant l'heure écoulée. Devant moi, ma mère parle dans ses écouteurs. Elle travaille, encore. S'il y a une chose de laquelle je suis admirative, chez ma mère, outre ses yeux violets dont je n'ai évidemment pas hérité, c'est sa façon de déconnecter ses pensées. Comment peut-elle travailler après ce que je lui ai dit ? C'est comme si elle avait un bouton off, qui lui permettait de réguler ses pensées, celles passant la barrière, étant celles dont elle a besoin pour travailler. Elle a de la chance. Moi je suis incapable de faire ça. Ce sont plutôt mes pensées qui me contrôlent. Je peux rester plusieurs heures sur mon lit, à penser. Ma mère raccroche et se tourne vers moi.
- Juline, s'il te plaît, marche plus vite. Je dois préparer votre déjeuner avant de partir. Autrement dit, je suis pressée.
- Maman... Je suis censée manger au MacDo avec des potes. Tu m'as dit oui.Je la vois hésiter. Je sais qu'elle est partagée entre le fait que je ne mangerais pas sain et celui qu'elle ira plus vite sans moi. Elle finit par sortir un billet de 20 euros et me le tend.
-Bien. Mais sois rentrée à 16 heures, tu as encore des devoirs. Bye chérie.
-Bye maman.Je la regarde s'éloigner et je sors mon casque que je connecte à mon téléphone. La musique m'a toujours aidé à réfléchir. Je n'hésite pas longtemps et je lance ma playlist consacrée à Girl in red. Les accords de Homecoming envahissent mes oreilles et je pense à tout ce qui vient de se passer.
Une heure plus tôt
-Bonjour Juline, bonjour madame Desfougères.
-Bonjour madame Bloirat, réponds ma mère.
-Si vous voulez bien, je vais m'entretenir avec votre fille une dizaine de minute avant que vous ne veniez.Ma mère s'installe en salle d'attente et je rentre dans le bureau de ma psychologue, qui referme la porte derrière moi. J'ignore le canapé de velours bleu et m'installe dans un des deux fauteuils qui font face à son grand bureau de bois. Madame Bloirat me sourit.
-Tu es prête à tout dire à ta mère ?
-Tout c'est beaucoup, objecté-je.
-Tu ne comptes pas lui dire que tu es lesbienne ? s'enquit ma psy en levant un sourcil interrogateur (chose que je ne sais absolument pas faire, ça me fascine).
-Bi.
-Excuse-moi.
- De toute façonn je ne suis pas sûre de moi.
- Juline... se décourage ma psy.Nous restons silencieuses 5 bonnes minutes, puis madame Bloirat rompt le silence.
-Juline, je ne veux te forcer à rien, et tu as d'autres choses à lui dire. Simplement, cela fait 9 mois qu'on parle de ça. Mais si tu as un autre sujet de conversation, je vais chercher ta mère.
- Merci... mais j'ai ce qu'il faut.De quoi est-ce que je vais bien pouvoir lui parler ? Mme Bloirat se lève et se dirige vers la salle d'attente. Mon cœur bat la chamade et mes paumes sont moites. Je les essuie sur mon jean. Les deux femmes reviennent dans la salle et chacune s'installe dans leur fauteuil respectif. Ma mère pose son sac, lisse son pantalon de tailleur du plat de la main, et réarrange une mèche de cheveux. Elle est vraiment belle. Pas dans le sens où elle ne fait pas ses 45 ans, mais ses années l'embellissent, la maturité de l'âge la rendant plus belle encore. Elle se tourne vers moi avec un regard interrogateur. Les mots sortent de ma bouche sans que je puisse les arrêter : "Tu travailles trop maman." Elle se crispe. Je n'arrive pas à croire que j'ai relancé ce sujet sur le tapis.
-Développe, enjoint-elle.
-Tu ne t'occupes pas de nous. On ne te voit jamais. C'est toujours moi qui aide Jules pour ses devoirs, qui le console quand il fait un cauchemar...
-Parce que c'est ton rôle de sœur ! m'interrompt ma mère.
-Non ! Je suis censée jouer avec lui, pas m'en occuper !
- Si je travaille autant, c'est pour vous. Pour vous offrir la vie que vous avez. Vous êtes si chanceux !
-Je sais Maman, mais on serait aussi heureux avec plus de toi et moins d'argent.Ma mère est une personne formidable. Elle est belle, talentueuse, intelligente, gentille et passionnée. Mais parfois, je me demande si je l'aime en tant que mère. Parfois j'ai l'impression que j'aime ma mère en tant que personne, car elle géniale, mais pour une mère, elle est nulle. Alors est-ce que je l'aime en tant que mère ? Je suppose, oui. J'aurais aimé qu'elle soit une vraie mère. J'aurais aimé regarder des séries avec elle, lui raconter des choses. Pour ma mère, mon frère et moi restons des énigmes. Des choses mystérieuses dont elle ne connait rien. Ça me désole de la voir demander à mon frère s'il veut faire une partie de foot alors que Jules déteste le foot.
La conversation continue, et à aucun moment je n'arrive à faire preuve de courage et à lui dire que je suis bisexuelle. Je me sens lâche. Mais je ne sais pas comment elle va réagir. Je la connais si peu. Quand vient l'heure de quitter les lieux, je n'ai rien réussi à faire d'autre que mettre ma mère en colère pour une chose qui, au final, m'importe peu.
Le flot de mes pensées est interrompu par une masse de cheveux bruns qui m'envahit la figure. Eliane, ma meilleure amie, a un petit air d'Hermione Granger. Elle me piaille quelques mots que je finis par traduire par : "Alors, comment ça s'est passé ? Ça va ? ". Je ne lui réponds pas car je ne tiens pas à ce que les autres nous entendent. Les autres, ce sont Adélie, Paul, Nicolas, Josépha et Sacha. Mes amis m'accueillent avec des sourires et des bises. L'espace de quelques secondes, je m'imagine leur dire que j'aime les filles, mais l'idée est risible. Ce n'est pas qu'ils sont homophobes, mais ils prendraient peur. Eliane en particulier. Je ne peux pas songer à le perdre. 4 ans que nous sommes meilleures amies. Le premier jour de 6ème, avec ses chaussettes avocats et mon jean recouvert de pastèques, nous avons décidé que nous étions faites pour nous rencontrer. J'ai lu pas mal de livres sur des filles et des garçons qui n'arrivaient pas à faire leur coming-out. Je n'aurais jamais pensé que cela puisse m'arriver à moi, qui suis si à l'aise avec le regard des autres (haha). J'aurais du prendre des notes.
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Hello ! Je suis contente de vous présenter ma nouvelle histoire, et j'espère que vous êtes content-e-s de la lire. Je voulais vous dire de me corriger s'il y a des fautes d'orthographes/grammaire. Voilà voilà.
Byye !
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Straight
General FictionJuline est bi. Elle a fait 9 mois de psychothérapie et maintenant, elle en est sûre. Ou pas ?