S'entraider

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Ambre m'écoute sans m'interrompre. Lui dire tout me soulage. Je sais qu'elle m'écoute vraiment, que chaque parole que je prononce est analysée, comprise et enregistrée. Je dis tout : mes doutes, ma peur, la voix de mon esprit. J'ai envie de lui dire que si je sais tout ça, que si j'ai besoin d'elle, que si tout s'est aggravé, c'est parce que je suis tombée amoureuse d'elle. Mais le moment n'est peut être pas très bien choisi. Quand je finis mon récit, Ambre me prend longuement dans ses bras, sans dire un mot. 

- Je ne sais pas trop quoi te dire, commence-t-elle. Je vais tout faire pour t'aider, mais je n'ai jamais eu à affronter ce genre de problèmes.
- Moi non plus.
- Je sais que ça ne suffira pas à ce que tu ailles mieux, mais tu dois être fière de l'attirance que tu peux ressentir pour des filles. Ce n'est pas bizarre ou dénaturé.
- Je ne pense pas ça. Je ne sais juste pas si c'est moi. Je suis peut-être juste hétéro.

C'est dingue comment ce mot sort facilement. Hétéro. 

"Juline... Est-ce que tu es déjà tombée amoureuse ?"

J'ai envie de répondre oui. Mais je ne pense pas que lui avouer mes sentiments juste après avoir déversé toute ma morve et abimé son pull soit la meilleure idée que je n'ai jamais eu.

"Ce que je veux dire, reprend-elle, c'est : est-ce que tu es déjà tombée amoureuse d'un garçon ?"

Je prends conscience que non. C'est la première fois que je suis tombée amoureuse, et c'est d'une fille. 

-Juline ?
- Non. Je ne pense pas.
- Alors... Comment peux-tu être sûre d'être hétéro ? Pourquoi tu ne te poses pas de questions sur ton hétérosexualité ?

Je n'ai aucune réponse à donner. Ce qu'elle dit est vrai, mais ça ne peut pas être aussi simple. Non, cela doit passer par des questions incessantes, une torture permanente, des mois de réflexion. [l'auteur s'emballe]

- C'est... Tu n'es pas sûre d'être bisexuelle, parce que tu n'es jamais tombée amoureuse, mais c'est pareil avec les mecs, Ju. Tu en es au même point pour les filles et les garçons. Tu as imaginé les embrasser et cela ne t'as pas déplu. Que cela soit pour les filles ou les garçons, tu as aimé l'idée. Tu n'es jamais tombée amoureuse d'un garçon, ni d'une fille. Il est temps de te poser des questions. Si tu n'aimais que les filles ?

Je ne sais pas si elle se rend compte que je suis encore plus perdue. Nous restons silencieuses un moment, puis Ambre se lève et annonce : "Je dois y aller. J'ai rendez-vous." Elle paye et s'en va. Je ne tarde pas à sortir aussi du café, encore plus perdue qu'avant.

Quand je rentre à la maison, mes parents sont dans le salon. Ils m'appellent et je les rejoins. Je m'installe face à eux dans un vieux fauteuil en cuir. Mes parents se regardent d'un air inquiet puis mon père prend la parole, doucement, comme on s'adresse aux personnes âgées ou malades.

-Chérie... Ta mère et moi voyons bien que tu ne vas pas très bien en ce moment. Tu es perdue...
-Ce que ton père veut dire, l'interrompt ma mère, c'est que tu es lunatique de nature, mais que en ce moment, tu sembles encore plus loin que d'habitude. Sur une autre planète, hors de notre système solaire et qui est, pour nous, inatteignable. 

Mon père lève et les yeux et se retient de répliquer, préférant reporter son regard sur moi. Je parie qu'ils seraient capables de se disputer maintenant. 

-Juline... ta mère m'a raconté ce qui s'était passé hier matin, reprends mon père. Tu ne voulais pas aller voir ta psy, et tu en es rentrée toute chamboulée.
-On veut t'aider mon cœur. Mais pour ça, il faut que tu nous parles.

J'ai envie de répliquer vertement que, peut-être, je ne veux pas de leur aide ; mais quand je lève les yeux et voit leur regard inquiet sur moi, je me dis que mes parents sont des humains, pas parfaits, mais ils m'aiment. Je n'ai pas la force de combattre seule.

"Je vais avoir besoin de vous. Je ne peux pas encore vous dire pourquoi, mais vous allez devoir me soutenir. Parce que ma vie là, c'est pas tip top."

Et pour la deuxième fois de la journée, je pleure tout mon soûl. 

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On approche de la fin ! 

J'ai écris ce chapitre y a longtemps et j'ai l'impression d'avoir complètement changé de style d'écriture (j'ai vraiment commencé à écrire écritorial... 😅)Du coup ça fait bizarre.

Hé ! J'essaye d'écrire une histoire à 3, c'est n'importe quoi, on y arrive pas du tout. J'espère quand même pouvoir vous la poster un jour. En plus j'écris avec des gens que je trouve douées, donc ça sera bien...

Enfin bref, on se retrouve pour la suite bientôt, et en attendant bon courage pour la vie. (un peu énervant le COVID nan ?)

Bonne vie,
Capsuleur.

StraightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant