Ça fait environ 2 heures que je suis assise sur mon lit, mon téléphone à la main. Je n'arrive pas à me forcer à écrire un message à Ambre. J'ai peur de sa réaction. Si elle refuse de me voir, je serais désespérée. Je sais que si elle ne veut pas entendre parler de moi, c'est de ma faute et qu'elle a toutes les raisons du monde ; mais j'ai vraiment besoin d'elle. Je prends mon courage à deux mains et avant qu'il ne parte se cacher, j'écris rapidement un message dans lequel je demande à la voir. Je pense qu'il vaut mieux que je lui raconte tout en face. Oh non. Je n'arrive pas à y croire, j'ai réussi à faire deux fautes d'orthographes. J'ai envie de jeter mon téléphone à l'autre bout de la pièce. Je me contente de le reposer, face contre le lit et mets mon CD de Nirvana à fond. Je danse, bougeant mon corps, très mal, en musique, les yeux fermés, portée par les notes. Quand les 42 minutes de musique sont passées, je m'arrête, épuisée et en sueur. Je tombe à la renverse sur mon lit et attrape mon téléphone. Là, sur l'écran d'accueil, une notification Instagram me calme d'un coup. Ambre a répondu. Et elle a accepté de me voir.
Le lendemain, je me réveille tôt et une pensée angoissante prend aussi tôt part dans ma tête. "Je vais voir Ambre". J'ai envie de me faire belle sans que ça se voit trop. Aussitôt, la petite voix de ma tête persifle : "Pourquoi te faire belle ? Ce n'est qu'une amie. Tu n'es pas attirée par les filles, Ju." Debout face à mon miroir, je lui dis de se taire et de ne pas m'appeler Ju, car nous ne sommes pas amies. J'enfile ma salopette en jean et la veste de costume qui me vient de ma mère. Ce sont mes vêtements préférés et Ambre le sait. Elle m'a fixé un rendez-vous à 11 heures : nous sommes toutes les deux du matin. Je me décide à y aller. Je préfère être en avance plutôt qu'en retard.
Quand j'arrive au café où elle m'a donné rendez-vous, Ambre est installée à une table, seule. La tête dans les mains, elle regarde par la fenêtre sans rien voir. Je me demande à quoi elle pense. Son regard se tourne et s'illumine en me voyant. Puis elle perd son sourire et me regarde arriver fixement. Elle me décoche un rapide "Hey" et me demande ce que je veux boire.
- Rien merci.
- Okay. Tu voulais me dire quelque chose ?Je suis étonnée qu'elle soit aussi brusque. D'habitude, elle est plus douce. Je réalise à quel point je l'ai blessée. Ambre éprouvait réellement quelque chose pour moi et j'ai tout gâché avec mes doutes et mes questions. J'aimerais revenir en arrière et tout changer. N'avoir jamais prononcé ces phrases funestes. Tout serait pour le mieux. Bien sûr, savoir que j'ai blessé Ambre profondément ne m'aide pas à me lancer. L'angoisse me tord le ventre. J'ouvre la bouche mais aucun mot n'en sort. La terminale s'en aperçoit et elle me fait un sourire doux. Elle comprend que j'ai peur. Les mots sortent tout seul, sans que je puisse les en empêcher. "J'ai besoin de toi." Ambre me regarde d'un air étonné. Je sens qu'elle est partagée entre l'envie d'en savoir plus et la peur de souffrir. Il faut que je lui dise. Je dois arriver à prononcer ces mots : "Je... Je suis..." Mais là, ça bloque. Je n'arrive pas à prononcer ce mot à voix haute. Je ferme les yeux pour ne pas voir son regard, étonné, impatienté et où brille une peu de pitié. Grave erreur. Je peux sentir l'insistance de son regard et, privée de la vue, je fais plus attention à mes autres sens, dont l'odorat. Elle a mis un peu de parfum. Elle sent vraiment bon. J'aimerais me pencher pour mieux le sentir. J'aurais ses cheveux dans le figure. Je peux imaginer la caresse de ses cheveux sur mon visage, qui me ferait rire et m'embêterait. Et là c'est trop : j'explose en sanglots. Ambre change de banquette et me rejoint sur la mienne. Elle me prend dans ses bras et me murmure de douces paroles réconfortantes, comme celles qu'on prononce à un enfant qui aurait perdu sa peluche. La chaleur que me procure son corps rajoutée à ses paroles, vides de sens mais réconfortantes, finissent par me réconforter. Mes larmes se tarissent et Ambre se décolle de moi.
-Ça va ? demande-t-elle, inquiète.
-Je suis au mieux de ma forme, affirmé-je.Elle rit doucement mais son regard brille d'inquiétude. Je la regarde. Je veux qu'elle sache ce qui se passe. Je vais avoir besoin d'elle.
"J'ai une longue histoire à te raconter."
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Straight
General FictionJuline est bi. Elle a fait 9 mois de psychothérapie et maintenant, elle en est sûre. Ou pas ?