Chapitre 66

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Je n'ai aucun mot. J'ai l'impression d'être victime d'une caméra cachée et j'en viens même à regarder autour de moi pour m'assurer que ce n'est pas une blague. Mon cerveau fuse, des milliers de réflexions me viennent jusqu'à brouiller mes idées. Je regarde Liam, assis sur le canapé, la tête entre ses mains. Je suis certaine de l'avoir entendu renifler. Je me précipite vers lui et le prends dans mes bras sans rien dire. Aucune parole ne serai assez rassurante. Les simples yeux humides et reniflements se transforment en sanglots dès qu'il sent le contact de mon corps sur le sien. Mon cœur se déchire face à ses pleurs, jamais je ne l'ai vu dans un tel état. Du moins si, l'année dernière, le jour de l'anniversaire de mort de son frère Evan. Je m'évertue à ne pas pleurer à mon tour, mais les larmes menacent tout de même de couler. Il a besoin de quelqu'un de fort à ses côtés, il a besoin de soutien et ce n'est pas en pleurant à mon tour que je lui serais d'une grande aide émotionnelle. Il s'agrippe à moi comme s'il avait peur que je m'en aille à mon tour, et cette simple idée pousse quelques larmes à couler sur mes joues, silencieusement.

Ça doit-être un mauvais rêve, un simple cauchemar. Sally n'aurait jamais pu abandonner son fils. Je sais que c'est dur pour elle, on l'a tous vu ces dernières semaines qu'elle était à bout. Mais je n'aurais pas pensé une seule seconde à la possibilité qu'elle s'en aille. Je comprends mieux maintenant pourquoi elle insistait pour passer du temps seule avec Evan, elle voulait tout simplement profiter de ses derniers instants avec lui. Cela faisait des semaines, voir des mois qu'elle préparait son départ. Etre mère adolescente doit probablement être véritablement dur, surtout si cela n'a pas été voulu. Je n'ose pas imaginer ce que j'aurais fait à sa place, si j'avais donné naissance à un bébé lors de mon année de terminale. Abandonner mon enfant ne semble même pas une solution envisageable, mais après tout, je n'ai pas vécu ce qu'elle a vécu, je ne peux pas me permettre de la juger. J'aime beaucoup Sally, et même si une infime partie de moi comprend son geste, je ne peux m'empêcher de lui en vouloir pour avoir causé ce chagrin à Liam.

Après plusieurs longues minutes, Liam se calme un peu et ses larmes se tarissent. Je m'allonge sur le canapé, et le brun se couche à côté de moi en posant sa tête sur ma poitrine. Je lui caresse les cheveux tendrement et ose enfin à prendre la parole

« Je suis certaine qu'elle ne voulait pas te causer cette peine

-Non, certainement pas, répond-il d'une voix rauque. Elle ne peut pas être partie, c'est impossible

-Je sais que c'est difficile à croire, j'admets d'une voix douce.

-Elle va revenir, j'en suis certain, continue-t-il

-Liam, ce n'est pas que je suis défaitiste, mais il vaudrait mieux que tu acceptes la situation

-Non, tu ne comprends pas ! reprend-il en se redressant. Elle pense vouloir sortir de la vie d'Evan, mais elle en est incapable. Dans quelques jours seulement, elle se rendra compte que son fils lui manque trop, elle sera obligée de revenir

-J'aimerais que ce soit vrai, vraiment. Je sais à quel point Evan compte pour elle, et cette décision doit-être un vrai sacrifice pour elle

-C'est ridicule, s'indigne Liam. Ça n'a aucun sens, pourquoi abandonnerait-elle son bébé si elle l'aime vraiment ?

-Si elle a décidé de le laisser ce n'est pas parce qu'elle ne l'aime pas, mais justement parce qu'elle l'aime tellement qu'elle veut ce qu'il y a de meilleur pour lui, et elle est persuadée qu'elle ne l'est pas »

Liam n'ajoute rien, à part plusieurs jurons qu'il marmonne à demi-mots

« Liam, c'est tout à fait normal que tu sois en colère et que tu lui en veuilles, je reprends en posant ma main sur sa joue »

Il se lève brusquement et fait les cent pas dans le salon

« Mais comment a-t-elle pu faire ça ? s'exclame-t-il en haussant le ton de sa voix. Pour moi aussi c'est difficile, ce n'est pas parce que je n'ai pas décidé de prendre des cours à distance que je suis un mauvais père. J'ai passé mes soirées à lui donner des bains, lui faire des biberons, à me lever quand il pleurait au milieu de la nuit. Quand j'étais à la maison, je m'occupais de tout pour la soulager de ses journées, j'étais présent pour Evan mais aussi pour elle ! Tu crois que j'ai rêvé d'être père à 18 ans ? Tu crois que tout ça, c'est ce que je voulais ?

-Je sais bien Liam mais...

-Après tout, la situation est assez drôle non ? me coupe-t-il avec un rire nerveux. Le légendaire BadBoy, qui a passé son adolescence à jongler entres les filles, une nouvelle conquête par jour, se retrouve papa avant même de quitter le lycée, et se fait abandonner par la mère de son fils »

Il donne un immense coup de pied dans la table basse, le choc provoquant la chute d'un vase. Le bruit assourdissant des brisures de verre réveille Evan qu'on entend pleurer à l'étage. Liam commence à se diriger vers les escaliers mais je lui en empêche

« Non, je m'en occupe. Tu es beaucoup trop énervé »

Le visage de Liam se radoucit un peu, et il se contente de hocher la tête. Je monte les marches deux à deux et me laisse guider par les pleurs du bébé. Lorsque j'arrive dans la chambre d'Evan, à côté de celle de Liam, je m'approche du berceau et prend délicatement l'enfant dans mes bras. Je tente de le bercer pour qu'il se calme mais il n'y a rien à faire, les cris stridents d'Evan ne s'apaisent pas.

« Pauvre bébé, si seulement ta maman était là, je murmure les larmes aux yeux »

Je ne peux pas regarder Evan sans me demander ce que va être son avenir. Sally ne viendra-t-elle jamais le voir ? Essaiera-t-elle de prendre contact avec lui dans plusieurs années ? Et comment dire à un enfant que sa mère l'a abandonné quand il était bébé ? Tant de questions et pourtant aucune réponse, seul le temps et l'avenir nous le dira. Je décide de descendre retrouver Liam avec Evan dans mes bras, pensant que la présence de son père le calmera sans doute. Liam ramasse les derniers bouts de verre puis accorde toute son attention à son fils. Je lui mets Evan dans ses bras, et il va s'assoir doucement sur le canapé. Je dispose un coussin sur ses genoux puis il installe Evan dessus. Comme par miracle, le nourrisson s'arrête instantanément de pleurer et ancre ses yeux dans ceux de son père. J'observe la scène avec admiration, témoin du magnifique lien qu'il y a entre eux. Liam semble plus calme, il caresse doucement les minuscules mains d'Evan

« Ne t'inquiète pas petit bonhomme, chuchote-t-il. Moi je ne te laisserais jamais tomber »

BADBOY• Le cœur à ses raisons [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant