Du soleil plein les yeux, il tentait désespérément d'oublier la cacophonie déchirante des fêtes. Dans un brouillard épais où les rires devenaient des flots déchaînés, il se savait suffoquer sans pouvoir le ressentir. Aveuglé, il pût à peine comprendre d'où venait son vertige. Pourtant c'était très clair, les discussions l'étouffaient. Les voix se transformaient en vagues et se brisaient sans merci contre des rochers de confusion, dans un brouhaha fracassant qui engloutissait le jeune garçon. Silas se noyait.
Silas avait dix-sept ans, une assise peu gracieuse et un visage rempli d'étoiles rousses. Il fuyait comme il le pouvait son inconfort en plongeant le regard sur son téléphone. Silas avait la mauvaise habitude de fuir ses peurs, et une peur irrationnelle de tout. On lui répétait pourtant des idioties comme quoi, à son âge, on ne craint rien. Comme quoi on ose tout. Soit. Silas n'avait que faire des remarques inoffensives de gens qui de toute évidence étaient certains d'avoir raison. Il n'avait que faire des remarques en général. Comment aurait-il pu y prêter attention quand il menait un combat acharné contre le soleil trop lumineux, le bruit des tramways dans sa ville et les volutes de vide amer dans sa poitrine ? Sa guerre pour ne pas sombrer dans la folie le tenait à l'écart de tout sentiment, particulièrement la rancœur ou la haine.
Silas ne haïssait personne. Il n'aimait personne non plus. Il ne détestait rien, avait peur de tout, paraissait être un enfant qui ne sait pas encore ce qu'aimer ou ne pas aimer signifie. De toute évidence, c'était ce qu'on lui reprochait le plus. Il n'avait pas d'avis, pas d'autre opinion que son effroi envers la foule et envers cet effronté de soleil qui continuait de déverser son poison aveuglant. Mais plus que tout, Silas ne supportait pas le bruit. Son malaise augmentait proportionnellement avec celui-ci. Et se trouver au beau milieu d'un repas de famille, dans la sienne en particulier, faisait partie des événements les plus inconfortables pour le blond.
<< Silas, ton téléphone, pas à table ! >>
Une remarque de sa mère était tout ce qui manquait pour rendre cet après midi encore plus éprouvant. Cette simple phrase suffit à submerger entièrement le garçon. Étourdi à cause de la lumière qui s'acharnait dans ses yeux, à la merci d'un océan enragé et l'esprit embrouillé, Silas se leva. Il voulait juste être ailleurs.
Il s'éloigna rapidement de la table et quitta le jardin, frissonnant malgré la chaleur. Personne ne remarqua son absence, ça leur était bien égal. Personne ne remarquait jamais sa présence non plus. C'était sans doute ça, le plus dur, au fond. La solitude. Le silence. C'était comme mener une guerre contre un ennemi surarmé et se retrouver seul, complètement désemparé, au milieu d'un champ de bataille désert. Et en face, son attaquant colossal en grondait de plaisir. Derrière lui, les voix insinueuses de sa famille semblaient se moquer de lui mais au fond, Silas savait très bien qu'aucune ne lui était destinée. Elles ne lui étaient jamais destinées.
Si Silas avait toujours été très solitaire, il avait surtout été très seul, et il s'y été habitué malgré lui.
À peine fut-il réfugié à l'intérieur qu'un immense soulagement s'empara de lui. La luminosité étant à présent raisonnable, il pût enfin réfléchir de nouveau sans que le soleil ne sème un boucan diffus dans son cerveau. Être conscient, enfin, de ses moindres pensées était comparable à une longue inspiration après une apnée infinie. Ici, loin de tous ceux qui l'ignoraient avec application, il se sentait moins seul. Silas respirait. Enfin.
Pourtant, un vide flou s'empara de ses poumons alors qu'il s'allongeait sur son lit. Certes, il y avait moins de solitude dans le silence agréable de sa chambre. Mais il s'ennuyait terriblement. C'était le genre d'ennui qui devenait évident au bout de quelques secondes, celui qui mettait en lumière l'absence de désir du garçon. Qui laissait immédiatement place à une angoisse inexpliquée. Dans un mouvement instinctif, il avança son bras pour saisir son étui, mais laissa finalement retomber sa main. Non, aucun désir de jouer ne l'animait. Non, aucune envie, rien, à croire qu'il n'y avait aucun juste milieu entre la panique et l'ennui. Et alors qu'il pensait être à l'abri dans la tiédeur sombre et silencieuse de sa chambre, la peur qui l'y attendait se glissa dans sa gorge pour envahir ses poumons.
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L'appel Du Vide
Teen Fiction" Silas 𝚊𝚟𝚊𝚒𝚝 dix-sept 𝚊𝚗𝚜, 𝚞𝚗𝚎 𝚊𝚜𝚜𝚒𝚜𝚎 𝚙𝚎𝚞 𝚐𝚛𝚊𝚌𝚒𝚎𝚞𝚜𝚎 𝚎𝚝 𝚞𝚗 𝚟𝚒𝚜𝚊𝚐𝚎 𝚛𝚎𝚖𝚙𝚕𝚒 𝚍'é𝚝𝚘𝚒𝚕𝚎𝚜. Auphelius 𝚊𝚟𝚊𝚒𝚝 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝 𝚊𝚗𝚜, 𝚍𝚎𝚜 𝚢𝚎𝚞𝚡 𝚛𝚎𝚏𝚕é𝚝𝚊𝚗𝚝 𝚞𝚗 𝚝𝚊𝚕𝚎𝚗𝚝 𝚒𝚗𝚏𝚒𝚗𝚒 𝚎𝚝 𝚞�...