8. Epilogue

1K 78 60
                                    

Inutile de préciser que mon entraînement n'a pas beaucoup progressé ce jour-là. Mais en contrepartie nous avons construit ensemble les fondations d'un amour inaltérable.

Une fois la surprise de mon vrai prénom digérée, Anna et moi avons passé la nuit et tout le week-end qui a suivi à discuter, faire l'amour, rire, refaire l'amour, prendre des forces en grignotant ou en dormant dans les bras l'une de l'autre, et faire l'amour encore. Nous étions assoiffées l'une de l'autre. Non seulement sexuellement mais aussi psychologiquement. Nous voulions tout savoir de l'autre, son histoire, ses pensées, ses blessures, ses joies, ses douleurs, ses amours. C'est ainsi que j'ai raconté mon cheminement à Anna.

Notre première rencontre a été assez banale pour moi, hormis le fait qu'elle soit une femme. J'avais l'habitude des demandes bizarres, que je refusais la plupart du temps. Je ne sais toujours pas bien pourquoi j'ai accepté celle-ci. Son regard douloureux, la voir abandonner si facilement, son côté un peu coincé, ou sa beauté ... déjà ? Sans doute un mélange de tout cela. Et le cruel besoin d'argent bien sûr.

Le vrai bouleversement, ce fut notre premier baiser. Et le fait qu'elle murmure mon prénom avec une voix si sensuelle et déchirante. Sur le coup j'ai cru qu'elle s'adressait réellement à moi, et je me suis sentie totalement confuse. « Laura, laisse-moi entrer encore un peu plus en toi », ces mots m'ont complètement fait disjoncter. Cela faisait des années que je n'avais entendu des mots si excitants, qui me semblaient directement adressés. Je me suis laissée aller alors que j'avais prévu de ne donner à cette proie naïve que le strict minimum. Mais comme elle le dit elle-même, ce jour-là, elle a ouvert la boîte de Pandore ... Pour nous deux.

À partir de là, j'ai espéré et attendu nos rencontres avec une impatience de plus en plus grande, même si je savais que je perdais un peu plus pied à chaque fois. Quand elle prononçait mon prénom avec ses intonations pleines de passion et d'amour, mon esprit se déconnectait de la réalité, et je n'avais plus en tête que le besoin d'être avec elle, encore plus proche, toujours plus proches. Et je devenais de plus en plus avide d'elle, de ses mots, de ses caresses, de mon nom répété inlassablement par sa voix chargée d'émotions. J'avais l'habitude de marcher au bord du gouffre, mais ce gouffre là semblait m'offrir l'infini plutôt que le chaos. Petit à petit, sa présence m'est devenue indispensable.

J'ai fini par redouter de ne pas pouvoir retenir mes gestes, en particulier lorsque nous avons dormi nues l'une contre l'autre. Enfin dormir est un bien grand mot. En ce qui me concerne j'ai passé une bonne partie de la nuit à lutter pour ne pas la caresser ... et plus encore. Et une autre bonne partie à essayer de me convaincre que ce n'était qu'une attirance purement sexuelle, et que les battements affolés de mon cœur n'étaient dus qu'à la fatigue et l'abus de café.

C'est sans doute le manque de sommeil et de lucidité qui m'ont poussée à lui raconter mon histoire le lendemain matin. Une histoire que je tentais d'enterrer depuis longtemps mais qui me détruisait irrémédiablement. J'ai longuement pleuré en rentrant chez moi ce jour-là, et j'ai compris que je ne voulais plus retourner dans le bois. Pour la première fois depuis longtemps, je voulais me sentir digne de me tenir aux côtés de quelqu'un. J'avais affronté ma cicatrice pour elle, ce n'était qu'un premier pas. Elle ne m'avait pas rejetée au contraire, elle avait même eu des mots tendres et doux. Pour la première fois je me disais que je pourrais peut-être parvenir à me pardonner, peut-être à m'aimer suffisamment pour ... accepter qu'on m'aime.

A partir de ce moment je me suis sentie habitée d'une énergie que j'avais cru oubliée. J'ai recontacté d'anciennes amies, qui ont toutes été d'une gentillesse et d'une aide insoupçonnables. Elles s'inquiétaient pour moi et m'avaient vu sombrer avec impuissance pendant toutes ces années. Elles ont toutes eu des mots d'encouragement et une chaîne de solidarité s'est formée en quelque jours pour m'aider à sortir la tête de l'eau. L'une d'entre elle m'a mise en relation avec sa belle sœur pour trouver un petit boulot. Une autre m'a donné l'idée de me lancer dans la chorégraphie, et m'a donné des contacts dans les écoles. Bref je me suis rendue compte que le bonheur était encore possible, et que je m'étais suffisamment punie. Non, ma culpabilité, mes remords et les blessures ne partiraient jamais, ni mon amour pour mon compagnon décédé. Mais je devais me servir de cela comme une force pour me porter vers l'avant et non comme un poids qui m'entraînait vers l'abîme. Je devais reconnaître les cadeaux que la vie m'offrait malgré mes erreurs, au lieu de les piétiner inutilement. C'est ce qu'il aurait voulu pour moi. C'est ce que je voulais pour elle.

Murmurer ton nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant