Cette deuxième session avec Violette m'avait vraiment permis de tourner une page. Au moins j'ai réussi à m'en convaincre pendant plusieurs semaines. Son souvenir vivace et précieux m'accompagnait lorsque l'absence de Laura était trop pénible. Et cela suffisait à me garder en équilibre. En apparence.Jusqu'à ce que Laura et moi décidions de partir ensemble en déplacement professionnel. Nous ne faisions pas le même travail, mais nous nous rendions toutes les deux régulièrement à Lyon. Elle pour y dispenser des formations et moi pour y rencontrer mes clients. Lorsque nous nous sommes aperçues que nos emplois du temps concordaient, je lui ai proposé spontanément de profiter de ma voiture pour faire le trajet. Non seulement c'était plus convivial mais cela lui permettrait de gagner au moins 2h de transports. Nous sommes donc parties vers 6h30 ce jour là pour être sur place vers 9h. Laura était comme d'habitude pétillante et sa bonne humeur communicative a vite transformé les bouchons, les kilomètres et les mauvais conducteurs en autant de calembours et d'éclats de rire. Cette escapade à deux fut un pur moment d'amitié et de complicité, et j'étais fière et soulagée de n'avoir presque aucune arrière pensée en partageant ce trajet avec elle.
Je l'ai déposée devant son lieu de rendez-vous avant de me rendre au mien, à peine quelques centaines de mètres plus loin. Heureusement que la journée avait bien commencé car mon client m'a donné du fil à retordre. Il lui manquait des dizaines de justificatifs, ses papiers étaient dans un désordre total, et en plus il contestait chacune de mes demandes. Bref mon rendez-vous s'est éternisé. Vers 17h, Laura m'a informée que sa formation était terminée, j'ai pris quelques minutes pour la retrouver et lui donner les clés de la voiture en lui promettant d'expédier mon lourdingue le plus vite possible. Néanmoins il m'a fallu pas moins de deux heures supplémentaires pour m'extirper de ce bureau étouffant.
En arrivant devant la voiture, j'ai d'abord cru que Laura n'y était pas. J'ai quand même actionné la poignée de la portière conducteur, qui s'est ouverte. J'ai glissé la tête à l'intérieur. Une forme était allongée sur la banquette arrière et j'ai perçu un souffle régulier, révélateur d'un sommeil profond. Elle s'était assoupie en m'attendant. Je me suis installée derrière le volant, et je l'ai observée à travers le rétroviseur. Ses lèvres rosées expiraient doucement. Ses yeux clos faisaient ressortir ses longs cils. Son chemisier entrouvert laissait deviner le haut de sa poitrine. Ma vision s'est troublée quelques instants. Y-a-t-il une fossette sur sa joue ? Je ne sais plus. Des images d'un autre corps dénudé allongé sur cette banquette se sont superposées à celles de Laura. Ce corps avait des lèvres rouges et désirables, des seins fermes et ronds, aux pointes serrées dans l'attente de mes baisers. Une saveur mentholée semblait persister au fond de ma gorge. Je me suis penchée pour recueillir sur mes lèvres son souffle régulier, et lui rappeler que dans cette voiture, sur cette banquette, elle est mienne, totalement, irrémédiablement.
Mon front cognant contre le rétroviseur m'a ramenée brutalement à la réalité en même temps que le bruit de mon juron l'a réveillée.
Elle est repassée sur le siège avant en grommelant, et j'ai du me cramponner au frein à main pour résister à la tentation de l'attirer contre moi.
Le trajet retour fut un supplice. Je ne pouvais plus m'empêcher de vouloir la toucher, je glissais régulièrement des regards vers elle, et au lieu de m'apaiser cela ne faisait que me donner plus envie de l'embrasser. Je voulais de nouveau sentir ses lèvres répondre à mon étreinte, ses mains crispées dans mon dos, la douceur de sa peau sous ma joue. Laura a mis mon silence sur le compte de la fatigue, ce qui était en partie vrai, et me permettait au moins de sauver les apparences.
Pendant les jours qui ont suivi, j'ai de nouveau tenté d'oublier les sensations qui s'éveillaient de plus en plus souvent en moi. Mais j'ai dû accepter rapidement que je n'y arriverai pas seule et que j'avais encore cruellement besoin de Violette.
Néanmoins, depuis le voyage à Lyon, je ne voulais plus associer ma voiture aux expériences délirantes que je tentais avec elle. De plus, le froid et l'humidité automnale n'étaient pas des plus engageants pour ce genre d'exercice. J'ai donc fini par décrocher mon téléphone.

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Murmurer ton nom
ContoAnna est une jeune femme active à qui la vie réussit. Mais elle est rongée jour après jour par son irrésistible et incompréhensible attirance pour son amie Laura. Pourtant elle sait que cet amour n'aboutira jamais. Dans une tentative désespérée pou...