- 7 : Le pull le plus laid -

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Quand Sasha découvrit Connie ce matin-là, elle porta sa main à sa bouche et resta d'abord muette de stupéfaction indignée. « Connie ? Qu'est-ce que...

- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?

- Ce que tu portes...

- Ah, mon nouveau pull ? Je l'ai acheté récemment, il est super ! Il te plaît ?

- Il est si laid ! »

Connie se gratta l'oreille d'un air gêné. « Ha ha, à ce point-là ?

- Non, désolé, ce n'est pas comme ça que je voulais le dire, bredouilla Sasha en essayant de rattraper le coup. C'est juste que... Cette laine brunâtre qui bouloche... avec un motif de... patate verte écrasée ? Ah non, c'est un sapin, autant pour moi... Enfin bref, disons que c'est assez inhabituel.

- Inhabituel ? Tout le monde en porte, à cette période de l'année ! Tu n'as jamais vu de pull à motif comme ça ?

- Eh bien... Je pense qu'un seul sera suffisant. Sans vouloir le moins du monde t'offenser, moins j'en verrais et mieux je me porterai.

- Ah non, ça va pas du tout, ma vieille ! Viens, allons en ville, je suis sûr qu'on peut t'en trouver un. Je ne laisserai personne passer Noël sans pull en laine. Ma mère nous en tricotait un à tous chaque année, dans ma famille ! »

Sasha n'eut pas le temps de protester que Connie lui avait mis un manteau sur les épaules, avait pris sa bourse et était sorti. Et, au fond, pourquoi aurait-elle protestée quand son instinct lui soufflait que la journée en perspective pouvait se montrer particulièrement amusante ? »

***

Sasha et Connie, arrivés à Trost, marchèrent rapidement tant pour arriver plus vite à destination que pour se réchauffer. Quelques flocons tombaient, même si la neige était loin de couvrir le sol. Connie vantait la chaleur que lui procurait son horrible pull. Sa comparse, sans l'avouer, commençait à l'envier. Elle était peu couverte sous son manteau, et elle serait ses bras contre elle dans l'espoir de se réchauffer un peu. Heureusement, Connie savait où il allait, et il les conduisit sans faire de détour à une respectable boutique de vêtement. Plutôt jolie, sans être trop imposante, elle semblait proposer des biens adaptés aux bourses moyennes, aussi ne risquaient-ils pas de se ruiner. D'autant plus qu'aujourd'hui, ils ne s'intéressaient pas aux articles les plus onéreux comme les manteaux ou les ensembles, mais bien uniquement aux tricots.

Connie fit un aimable signe de tête au vendeur et tira Sasha par le bras, directement en direction du fond de la boutique. Une multitude de chandails colorés, pliés ou suspendus à des cintres, attendaient le consommateur. En dehors d'une jeune femme qui faisait essayer un bonnet et une écharpe à son fils, il n'y avait personne dans la boutique.

« Essayes-en un, maintenant, commanda Connie. Je suis sûr qu'il y a ce que tu veux. » Sasha, un peu réticente, parcourut du regard les motifs colorés qui s'étalaient sous ses yeux. Elle ne voulait pas vexer son ami en refusant, mais, même elle qui n'avait pas d'intérêt particulier en matière de vêtement les trouvait de vraiment mauvais goût. C'était invraisemblable qu'il existe une telle variété de motif, et qu'aucun ne lui plaise. Après de longues hésitations, elle en choisit un qui figurait une bûche de Noël -quitte à en pendre un, autant qu'il soit représentatif d'une bonne chose - et l'enfila sur son haut. Elle entendit Connie pouffer derrière elle et n'osa pas croiser son reflet dans le miroir. « Allez, regarde-toi ! » dit le garçon en la poussant de force devant la glace. Le résultat était encore pire que ce qu'elle avait imaginé. Non seulement le motif de bûche qui s'étalait sur tout son torse était parfaitement ridicule, mais la couleur criarde de la laine lui donnait un teint grisâtre et des yeux fades. Devant un tel résultat, elle ne put que se laisser gagner par l'hilarité de Connie. Le vendeur leur jeta un regard attendri, comme à un jeune couple, sans comprendre qu'ils se moquaient de sa marchandise. « Je ne veux même pas imaginer la réaction des autres s'ils étaient là, pouffa Sasha. Allez, je retire ça. » Elle commençait à enlever le pull quand Connie lui retint le bras. « Garde-le, je te l'offre !

Le Sapin du BataillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant