- 11 : La maladie d'Erwin -

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« Erwin, je voulais te parler de... »

Livaï était entré dans le bureau d'Erwin à grandes enjambées, mais s'arrêta net. Le major était allongé sur le canapé, une main sur le front. Il faisait très chaud dans la pièce. « Livaï, parle moins fort s'il te plaît... »

Livaï s'arrêta immédiatement, posa le document qu'il avait en main sur le bureau et demanda en parlant plus bas : « Erwin ? T'as quoi ?

- Rien, tout va bien... Juste un petit peu de... » Il toussa et ne put achever. Livaï, comprenant, se dirigea droit vers lui, écarta la main chaude du major pour lui palper le front. Il était brûlant.

« Je crois que t'es tombé malade. Ca doit être à cause de la bataille d'hier... C'est d'la faute d'Hanji, tout ça. Je vais la buter.

- Non... J'aurais dû prendre le temps de mettre une écharpe, au moins. C'est uniquement de ma faute.

- Ah ouais ? Et qui t'a fait couler de la neige dans la nuque, hein ? De toutes façons, elle n'avait aucune autorité pour m'interdire de punir les gamins et...

- On en a déjà discuté, Livaï... Je ne veux pas que tu...

- Attends, t'es malade par sa faute ! Autrement dit, j'ai une raison en or de me la faire, et j'en rêve depuis des années.

- Je ne savais pas... touss touss ! qu'elle t'intéressait... »

Livaï resta en arrêt un instant, puis une expression de dégoût complet se peignit sur son visage. « Pas me la faire dans ce sens-là, espèce de dégueulasse ! Ah, rien que d'y penser, ça me donne envie de gerber... »

Erwin eut un petit rire enroué. Livaï abandonna ses projets de meurtres et croisa les bras. « Bon, je suppose que puisque je ne peux pas aller tuer Hanji, il ne me reste plus qu'à m'occuper de ton cas... »

Erwin protesta faiblement, mais Livaï ne voulut rien entendre. « Déjà, hors de question que tu restes ici en plein milieu de ton bureau. Tu vas te recoucher, t'es pas en état de faire quoi que ce soit aujourd'hui et de toutes façons tu es en vacances. » Erwin comprit que son cher subordonné refuserait d'entendre ses protestations, et, à bien y réfléchir, l'idée de retourner se coucher lui parut plus séduisante que le reste. Il avait la gorge comme râpée au papier de verre, l'impression qu'un cheval galopait sous son crâne, et une fatigue considérable. Il retourna donc dans sa chambre et retira l'essentiel de ses vêtements, puis se mit au lit. Pendant ce temps, Livaï, qui était rentré après lui, fermait ses volets pour ne laisser filtrer qu'une lumière diffuse. Il alluma une bougie pour y voir un petit peu plus clair, une lumière un peu faible se dégageant de la flammèche pâle.

« Bon. Je vais te préparer un truc, en attendant tu restes là et tu te reposes. »

Erwin regarda Livaï sortir de la pièce. Celui-ci, dans le bureau, ouvrit la boîte de thé qu'Erwin et lui se partageaient généralement le soir, pour se tenir éveillés et pouvoir finir leur travail. Elle était vide. Tant pis, il descendit rapidement tout en bas du bâtiment, aux cuisines. Là, il savait précisément où trouver les boîtes de thé et laquelle prendre (en fait, c'était en partie lui qui alimentait les stocks avec sa propre paye, et il en était l'un des rares consommateurs). Il fit chauffer l'eau dans une bouilloire, prit un peu de thé en vrac dans l'une des boîtes et le mit dans un infuseur, versa l'eau bouillante dans une grande tasse et plongea l'infuseur dedans. Il le tourna un peu, et la couleur brune des feuilles séchées se diffusa dans l'eau chaude. Quand il jugea le thé suffisamment infusé, il jeta les feuilles dans une poubelle, rinça l'infuseur et le remit à sa place. Il hésita un moment, et se décida à ajouter une cuillerée de miel. Il avait tendance à considérer comme des barbares ceux qui sucraient leur thé, mais malgré tout, il savait que cela ferait du bien à la gorge d'Erwin. Il remonta enfin, en prenant garde à ne rien renverser. Il frappa doucement à la porte de la chambre du major, mais entra sans en attendre l'autorisation. « Tiens, bois-ça. Ca te remettra d'aplomb.

- Le thé, remède universel, c'est ça ? s'amusa Erwin.

- Tu peux toujours rigoler, en attendant j'en bois depuis toujours et j'ai jamais été malade.

- Je ne suis pas sûr que ce soit grâce à ta consommation de thé, plutôt à cause de ta force surhumaine... » glissa Erwin tout en portant la tasse à ses lèvres. Livaï ne releva pas.

« Oh, tu l'as sucré ?

- Ouais, j'ai commis ce sacrilège. Faut vraiment que ce soit pour toi... »

Soudain, ils entendirent des bruits indistincts dans le couloir. Vraisemblablement, deux personnes parlaient très fort. « Ca doit encore être ces foutus gamins, dit Livaï. Si j'en attrape un... » Il laissa sa phrase en suspens et sortit, laissant Erwin finir son thé.

Il passa par le bureau et ouvrit brusquement la porte. Eren et Jean, en train de vociférer à propos d'on ne savait quelle nouvelle dispute, se figèrent en un instant. L'expression de Livaï les réduisit au silence. Il s'adressa à eux en parlant bas, et en même temps comme s'il leur criait dessus, le tout sans perdre sa crédibilité - ce qui était un exploit digne d'être relevé.

« Erwin est malade et il a besoin de repos, alors vous allez vous la fermer et foutre le camp, si vous voulez pas que je vous dégage moi-même à coups de pied au cul ! »

Les deux garçons ne bougèrent pas d'un poil, trop surpris pour cela.

« EXECUTION ! »

Cette fois-ci, ils comprirent et s'enfuirent sans demander leur reste. Livaï dut se retenir de claquer la porte avec mauvaise humeur, et retourna à grands pas vers Erwin. Il tira une chaise et s'assit.

« C'était qui ?... demanda le blond

- J'avais vu juste, c'était Kirschtein et Jäger. Un jour, je vais devoir les forcer à se supporter l'un l'autre, sinon c'est moi qui risque de commettre un massacre. »

Erwin eut un petit rire et dit : « Merci, Livaï.

- Tch... Comme si ça m'enchantait de jouer les garde-malades, dit-il d'une voix qui manquait de conviction. Mais faut bien que quelqu'un s'occupe de ta santé puisque t'en est pas foutu par toi-même.

- Tu n'es pas obligé de le faire...

- Tu m'as déjà dit ça la dernière fois, et t'étais dans un état largement pire que maintenant. »

Erwin passa sa main sur son bras manquant d'un air pensif. « Je t'avais remercié, au moins ?

- Je crois. Mais c'est pas pour tes remerciements que je l'ai fait.

- Je sais.

- Tu peux dormir, je vais rester ici un peu pour lire. »

Erwin se laissa retomber sur son oreiller et regarda Livaï choisir un livre dans sa bibliothèque, et maugréant tout bas qu'« il n'y avait que des livres chiants ici. » Puis il ferma les yeux. Son mal de tête se dissipait petit à petit, tandis qu'il posait son attention sur la respiration légère de Livaï. La sienne ralentit progressivement, et il s'endormit.

***

Erwin ouvrit les yeux. Il avait un vague mal de tête qui se dissipa rapidement. La bougie s'était éteinte, et il dut habituer ses yeux à la pénombre ambiante, malgré la raie de lumière qui filtrait entre les volets. Son regard tomba sur Livaï. Toujours assis sur la chaise, il avait les bras croisés et le menton qui retombait sur sa poitrine, qui se soulevait à peine. Il avait une respiration calme et apaisée. Manifestement, il dormait. Quelques mèches de ses cheveux retombaient devant ses yeux. Erwin le regarda avec un sourire. Il n'osa pas se lever de peur de le réveiller : il savait que Livaï avait un sommeil d'une incroyable fragilité, et ne voulait pas l'empêcher de se reposer, pour une fois qu'il le faisait.

Et puis, si être malade était le prix à payer pour voir Livaï dormir avec un air si paisible, il voulait bien l'être plus souvent...

Le Sapin du BataillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant