Chapitre 2

724 154 54
                                    

Chaque année, au soir qui précédait d'une semaine le jour de Noël, Hope retournait, le cœur serein, à son atelier. Ce soir-là ne fit pas exception. De retour dans ce qu'il considérait comme son petit monde de magie et d'espoir, le jeune garçon poussa un soupir de bonheur. Comme il en avait pris l'habitude, il attendit la tombée de la nuit en vagabondant entre les longues rangées de statues de glace.

Il se souvenait de l'histoire de chacune d'entre elles. Toutes étaient nées de vœux sincères, toutes avaient été appréciées, mais aucune à sa juste valeur. Le lien n'avait pas été assez puissant, les êtres magiques qu'il avait créés s'étaient figés à jamais. C'était avec une fierté mêlée de nostalgie qu'il observait ce qui aurait pu rendre une vie meilleure : des garçons et des filles aux regards pleins d'empathie, des animaux de compagnie. Les restes de rêves qui, bien que sincères, n'avaient pas pu permettre à des êtres humains de trouver le bonheur.

Il suffisait à Hoseok de laisser son pouvoir s'exprimer pour créer ces statues : il entendait les vœux puis s'en laissait submerger et abandonnait son corps à la magie de Noël qui se chargeait de le guider. Alors seulement se formait la statue qu'il accompagnerait ensuite dans l'espoir de voir grandir la joie qu'elle procurerait à celui qui l'avait souhaitée.

Le jeune garçon laissa traîner avec délicatesse le bout de ses doigts sur le bras d'une élégante statue d'un bleu presque blanc au réalisme surnaturel. C'était une jeune fille au visage déformé par le chagrin, comme si elle s'excusait de n'avoir pas su satisfaire la personne pour qui elle avait été sculptée. La peine néanmoins était en vérité plus immense encore ; son histoire à elle avait été plus bouleversante que n'importe quelle autre aux yeux de Hoseok.

Chaeyoung avait été crée pour une certaine Lalisa qui avait souhaité, les larmes aux yeux, une amie pour lui tenir compagnie dans son insupportable solitude. Le lendemain au détour d'un couloir elle avait rencontré cette fille à peine plus âgée qu'elle et qui avait sans s'en rendre compte perdu une boucle d'oreille, tombée sous les yeux de Lalisa. Celle-ci s'était empressée de la ramasser et d'aller la rendre à sa propriétaire qui l'avait remerciée avec un sourire qui aurait pu faire pleurer son interlocutrice : ça faisait des mois qu'on ne lui avait pas souri avec une telle sincérité et une telle douceur.

Chaeyoung avait alors proposé à Lalisa de la remercier en lui payant un en-cas et une boisson à la cafétéria, ce que la jeune fille avait hésité à accepter, peu enclin à recevoir une si généreuse récompense pour une simple boucle d'oreille. Malgré tout elle avait fini par opiner avec bonheur. Les deux filles avaient fait connaissance et échangé leur numéro de téléphone. Hoseok les avait observées d'un œil ému.

Les jours qui avaient suivi, les deux filles s'étaient rapprochées plus vite que quiconque, devenant rapidement de véritables amies. Lalisa pouvait compter sur cet ange tombé du ciel pour la faire sourire, rire, pour lui faire oublier ses idées noires. Parce que le rose n'avait jamais teinté la vie de la jeune fille, du moins pas avant l'arrivée de Chaeyoung.

Prisonnière depuis sa naissance d'une maladie respiratoire, Lalisa était à l'hôpital pour ce qui était aux yeux de ses médecins les derniers jours de sa vie. Prise le soir du Réveillon d'une quinte de toux étouffante, Lalisa avait abandonné son dernier souffle de vie sous le regard de Chaeyoung qui avait, impuissante, assisté à cette tragédie en lui promettant malgré ses sanglots qu'elle serait toujours son amie, qu'elle ne l'oublierait jamais.

Aussitôt que le cœur de Lalisa avait cessé de battre, les mains de Chaeyoung qui tenaient les siennes s'étaient recouvertes d'une glace qui s'était lentement propagée à tout son être. C'était ainsi que s'était figée à tout jamais la jeune fille, le visage meurtri et duquel les yeux demeureraient à jamais bordés de larmes incapables de couler ; les mains tendues devant elle, serrant pour l'éternité deux mains qui l'avaient quittées.

En dépit de tout et même si la statue n'avait pas pu prendre vie, Hope savait que cette année-là il avait bel et bien réussi à réaliser un vœu qui avait rendu immensément heureuse celle qui l'avait formulé.

C'était probablement le souhait le plus significatif jamais exaucé par le jeune homme.

Hope leva les yeux en direction de la fenêtre de son entrepôt : il faisait nuit, il était temps que la magie agisse.

La magie de Noël [Namseok]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant