La légende de la Chevalière

Forêt de flammes

La princesse se tenait juste au bord du lac, ce beau morceau de ciel tombé là, en plein milieu de la forêt. Assise dans l'herbe, très concentrée, elle détachait un à un les pétales d'une fleur blanche.
-Je l'aime... Un peu, beaucoup... Passionnément ? À la folie ? Et elle recommençait tant qu'il y avait des pétales.
(Soupir). Ivan lui manquait, il n'était toujours pas revenu ? Cela faisait maintenant deux jours qu'il était parti. S'il était passé par le village et qu'il ne l'avait pas trouvé il devrait forcément se douter qu'elle était là. "C'est notre lieu favori", songea t-elle. Il finira bien par revenir, se dit-elle. La princesse reprit alors sa fleur et :
-Je l'aime, un peu, beaucoup, passionnément... La princesse se surprit à étirer un grand sourire alors qu'il ne restait plus qu'un seul pétale. Alors qu'elle s'apprêtait à le détacher tout en prononçant les mots "À la...". Le dernier pétale tomba en poussières. La princesse bouche-bée, prononça le dernier mot dans une expression abasourdie. "Folie... ?". De la poussière... Non. Des cendres, que cela voulait-il dire ? Mais son incompréhension fut très vite engloutie par une plus grande encore, car la jeune princesse sentit tout à coup une odeur infecte. L'odeur de la fumée noircissant et polluant toute l'atmosphère, mais pas seulement, il y avait quelque chose en plus dans l'air, la princesse la sentait, et elle en était terrifiée, une odeur de haine... Et de violence... Extrême. La princesse se leva brusquement, tourna la tête dans tout les sens, il y avait du feu quelque part. Elle vit d'abord cette grande fumée noire envahir le ciel. Soudain l'angoisse remonta dans la gorge de la princesse, elle se trouvait en plein milieu d'une forêt... La jeune femme était sur le point de s'engouffrer entre les arbres pour rentrer mais des flammes menaçantes lui barrèrent le chemin. Elle recula, tenta à un autre endroit puis recula encore, jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle était prise au piège. Les flammes se rapprochaient à une vitesse effrayante et la princesse n'avait aucune issue. Plus les flammes se rapprochaient, plus la fumée l'engloutissait. Des arbres en feux commençaient à tomber autour d'elle et dans le lac. Rongée par le feu la forêt était en train d'être réduite en cendres. Mais à ce rythme la, la princesse allait mourir étouffée bien avant d'être atteinte par le feu. La jeune femme que les cendres commençaient à noircir s'écroula, désespérée, les yeux au bord des larmes devant ce spectacle apocalyptique de la forêt en flammes. La princesse, impuissante chercha encore une fois une issue au beau milieu de ce désastre, en vain. Aliénor retira sa bague et la serra précieusement contre elle pour y trouver le réconfort de l'amour et faire une dernière prière... Allongée sur le peu d'herbe restant, entourée par les cendres et par le feu, la jeune princesse était là, se raccrochant à ce qui comptait le plus pour elle, la bague de son bien-aimé entre les doigts. Au cœur de l'enfer, une faible lueur qui ne résisterai plus très longtemps. Quand soudain, à travers la pierre noire de la bague, Aliénor entendit résonner une voix dans une langue qu'elle n'avait jamais entendu auparavant mais qu'elle comprit parfaitement : "Suis moi". Ainsi, apparut un loup pile en face d'Aliénor. Un grand loup blanc impressionnant aux yeux verts perçants. La princesse fut immédiatement captivée par le regard de cet animal, un regard grave, d'une certaine autorité, mais en aucun cas hostile, au contraire. On aurait pu le comparer au regard d'un père envers son fils, autoritaire mais bienveillant. Soudain le loup fit demi-tour et sauta dans les flammes. La princesse envahie d'une étrange confiance le suivit sans hésiter. Elle courrait au milieu des flammes, suivant exactement à chaque pas près, le trajet du loup. La princesse avait de plus en plus de mal à respirer, elle toussait de plus en plus mais à chaque fois qu'elle ralentissait le loup l'attendait pour ne pas la perdre. La princesse courrait interminablement entre des arbres en feu qui ne tenaient même plus debout. La princesse entendait les bruits des flammes et des arbres qui s'écroulaient mais elle ne voyait plus rien, plus rien à part ce loup, ce loup à quelque mètre d'elle qui courrait lui aussi sans relâche. Elle n'avait aucune idée d'où elle allait, comment le loup lui-même aurait-il pu savoir où il allait ? La fumée noire et les flammes empêchaient quiconque de voir plus loin que le bout de son nez. La princesse fixait toujours le loup, courant, enjambant, sautant à gauche à droite, la jeune femme n'en pouvait plus. Elle sentait que ses dernières minutes de lucidité approchaient. Quand enfin elle s'écroula tête la première dans l'herbe... Quoi !? De l'herbe ? Et... De l'air ! La princesse avait finalement réussi à s'extirper de ce gouffre de flamme. Elle tourna alors et retourna la tête dans tout les sens pour retrouver le mystérieux loup blanc qui lui avait sauvé la vie mais à sa grande déception elle ne le vit nulle part. La jeune femme se trouvait maintenant en sécurité, tellement de choses s'étaient passées en si peu de temps qu'elle avait l'impression d'avoir rêver. Mais l'immense forêt de flammes survolée par ce terrifiant nuage noir en face d'elle l'empêchait d'oublier ce cauchemar. Le feu n'avait pas encore atteint l'endroit où la princesse se trouvait. Le loup l'avait conduite pile au bon endroit pour échapper aux flammes. La princesse elle-même ne savait pas très bien où elle se trouvait, elle n'était jamais sortit de la forêt par ce chemin. Cependant le village ne devait pas être loin. Un mauvais pressentiment lui murmurait qu'il fallait qu'elle rentre de toute urgence.