Je ne sais pas ce qui me fait le plus souffrir entre mes oreilles qui sifflent, mes yeux gonflés, mon nez qui me brûle et ma tête sur le point d'exploser. J'ai l'impression de m'être pris un coup de massue si fort derrière le crâne que ça a affolé tous mes sens. Seules mes papilles semblent encore en état de fonctionner, même si je m'en serais passée, le goût du sang étant loin d'être celui que je préfère...
Néanmoins, ce qui m'horrifie le plus dans tout ça n'est pas la douleur physique. Ce qui m'inquiète, c'est que je ne sais plus ni qui je suis, ni où je suis... Ça doit faire une vingtaine de secondes que je suis étendue sur le sol, sans oser bouger, à tenter de rassembler mes idées, mais rien ne vient. Tout est sombre. Je ne pense pas que ce soit mes yeux, car même si je ne vois pas grand-chose, je commence à m'accoutumer à l'obscurité ambiante et à distinguer les contours de certains meubles. Je suis donc vraisemblablement en intérieur, et la lumière est éteinte. J'imagine qu'il doit faire nuit dehors, à moins que les volets ne soient fermés et qu'aucun rayon du soleil ne filtre ? Dans tous les cas, je sais que je suis dans une maison. À moins que ça ne soit un appartement ? Serait-ce là où j'habite ?
Il va vite falloir que je me calme et que je trouve une solution. Tant que je ne sais pas ce que je fais là, je ne peux pas me permettre de rester immobile. Que je sois chez moi ou non, je ne peux ignorer l'état dans lequel je me trouve. J'ai peur. Et si je n'étais pas seule ? Et si l'on me voulait du mal ? J'ai chaud. Je suis en train de faire ressortir de sinistres angoisses du plus profond de moi-même... Comme si ça n'allait pas déjà assez mal ! Je suis de plus en plus terrifiée, je ne dois pas rester plantée là.
D'un coup d'un seul je me redresse sur mes jambes et manque de retomber aussi sec. Mes membres sont encore engourdis, ils peinent à me porter, mais je devrais pouvoir en tirer quelque chose. Malheureusement, je ne parviens toujours pas à voir plus que les murs et les gros objets qui m'entourent. Et encore, je dois me concentrer pour ça. Puisant dans mes ressources, je me déplace lentement sur la droite, sans avoir aucune idée de ce vers quoi je me dirige. J'espère simplement que je ne regretterai pas cette décision. Sans vraiment le vouloir, j'évite de justesse de me prendre un mur en pleine face et encaisse le choc dans mon bras gauche. Rien de grave. En tâtonnant, je constate que je me trouve tout bonnement au niveau d'une porte ouverte. Je la franchis sans trop m'aventurer histoire d'éviter les mauvaises surprises.
Qu'est-ce que je fais ? Plus précisément, que suis-je censée faire ? Il doit logiquement y avoir un interrupteur, soit à droite, soit à gauche de la porte... mais est-ce une bonne idée que d'allumer la lumière ? Si jamais je me trouvais dans une chambre et que je réveillais quelqu'un ? J'essaie de me concentrer quelques instants, espérant — ou plutôt n'espérant pas — entendre une quelconque respiration. Mais le seul son qui parvient à mes oreilles est une espèce de bourdonnement désagréable. Un réfrigérateur ! Ça doit forcément être un réfrigérateur... Les mains en avant, à l'aveugle, je finis par sentir sous mes doigts ce qui me semble être le fameux interrupteur. Rassemblant le peu de courage qu'il me reste, je l'actionne.
En un quart de seconde mes yeux se ferment instinctivement, éblouis par le plafonnier qui diffuse à présent une lumière d'autant plus agressive que je viens de passer une éternité dans le noir. Mes maux de tête refont surface et mes oreilles reprennent leur concert cacophonique de sifflements. Je me laisse le temps de m'adapter à ce nouvel environnement et j'ouvre enfin doucement les paupières. Je suis effectivement dans une cuisine, je ne me suis pas trompée. Elle est des plus classiques : une table, un frigo donc, un plan de travail, un placard, une horloge au mur...
Soudainement mon cœur s'arrête. Derrière moi, provenant vraisemblablement du haut de l'escalier, se font entendre des bruits de pas et la voix inintelligible d'un homme. D'un réflexe rapide j'éteins la lumière. J'espère qu'il n'a pas perçu le claquement de l'interrupteur ! Je n'ai pas le temps de réfléchir à la bonne attitude à adopter ; d'ici quelques dizaines de secondes, peut-être moins, il sera là. Ni une ni deux, je me précipite vers le placard que j'ai remarqué plus tôt et m'y engouffre en prenant soin de ne pas faire trop de bruit en ouvrant et refermant la porte. Fort heureusement, il est suffisamment profond pour que je tienne dedans. Autrement, j'aurais été perdue.
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L'écho du silence (Nouvelles)
Short StoryVivre après la mort, se souvenir de ses vies passées, jouer avec la vie d'autrui... Ce recueil regroupe des nouvelles de différents genres (Thriller, Science-Fiction, Humour noir...) avec pour thème central la mort, ses divers aspects et les répercu...