Chapitre 8

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Matthew


Matthew grogna lorsque la sonnerie de son réveil brisa le silence de son appartement, faisant voler en éclat les créations oniriques qui avaient envahi ses songes. Il tendit le bras et tâtonna un moment afin de faire taire l'objet de son calvaire. Il avait la désagréable impression d'avoir à peine fermé l'œil. Comment la nuit avait-elle pu se volatiliser sans qu'il ne s'en aperçoive ?

La vue encore brouillée par le sommeil, il se dirigea à l'aveugle jusqu'à la salle de bain. Il ne lui restait plus qu'à prier qu'une bonne douche puisse le sortir de son état de zombie narcoleptique sous somnifère.

Sous le jet brûlant, il tenta de mettre de l'ordre dans ses pensées et de faire un bref bilan des quelques jours passés. Il était plutôt fier du chemin parcouru durant ce laps de temps. Ce n'était peut-être rien à l'échelle de l'univers et personne ne pouvait témoigner de son accomplissement en dehors de Gabriel, mais pour lui c'était déjà un pas énorme qu'il refusait de minimiser. Évidemment, il n'était encore qu'au début de son périple, mais le premier pas était fait et n'était-ce pas le cap le plus difficile à franchir ?

Il lui avait suffi d'une seule personne pour s'accepter enfin. Il ne pouvait d'ailleurs retenir le sourire qui se dessinait sur ses lèvres, chaque fois que l'image de Gabriel s'imposait à lui.

Il se réjouissait d'être sur la même longueur d'onde que son partenaire. Tous deux avaient pris le parti de ne pas mettre de nom sur ce qu'ils étaient devenus l'un pour l'autre, préférant se laisser porter et voir où tout ça les mènerait.

Il n'avait qu'une certitude. Il se sentait bien avec Gabriel et avait juste envie de savourer leurs instants partagés. Il n'avait besoin de rien de plus et ne souhaitait surtout pas se poser de questions quant à un avenir commun hypothétique. Ce qui serait un véritable exploit pour son cerveau qui avait plutôt tendance à tourner à plein régime en permanence sur à peu près tout et n'importe quoi. Il savait cependant qu'il pourrait compter sur la force tranquille de Gabriel pour l'aider à ne pas se complaire dans ses travers.

Il profita quelques instants supplémentaires de la chaleur bienfaitrice de la cascade qui délassait ses muscles, puis entreprit de se sécher et de s'habiller d'un jean noir et d'un gros pull gris dans lequel il prenait toujours plaisir à se glisser. Simple et confortable, en d'autres termes : la tenue parfaite pour affronter le planning chargé de sa matinée et la grisaille qui planait sur la ville.

Avant de retrouver les plateaux de tournage, il devait se rendre à la salle de sport. Son rôle nécessitait qu'il reste en bonne condition physique et surtout que ça se voit, aussi devait-il se plier à des séances régulières de ce qu'il considérait comme de la torture.

Sauf erreur de sa part, il devait y retrouver Ethan et Kasey. Il avait une légère tendance poisson rouge, ce qui ne l'aidait d'ailleurs pas à retenir ses répliques.

Après avoir coiffé ses mèches humides en y glissant simplement ses phalanges d'un geste distrait, il récupéra son téléphone pour ensuite rejoindre la cuisine. Un petit-déjeuner copieux ne serait pas du luxe s'il voulait tenir le coup jusqu'à midi. Outre la dépense énergétique qui l'attendait, il ne pouvait pas risquer de rater une nouvelle prise. Zac avait été clair à ce sujet. Ils n'avaient que très peu de temps à y consacrer dans le programme du jour.

Alors qu'il se délectait de la fraicheur de son jus d'orange, il sentit une vibration contre sa hanche, accompagné d'une petite mélodie caractéristique de l'arrivée d'un nouveau message. Le sourire qui n'avait pas quitté son visage un seul instant s'étira un peu plus à la vue de l'expéditeur. Gabriel.


Alors pas trop dur le réveil ?


Si ! Horrible. Et toi ?

Qu'est-ce que tu fais déjà debout ?

Tu n'es pas au planning ce matin,

tu aurais pu te faire une grasse mat.


Avec Heather dans les parages ? Impossible.

Et puis tu sais que j'ai besoin de faire mon footing

matinal pour passer une bonne journée.


Ah oui ! J'avais oublié ton côté maso...

Je hais le sport ! Surtout si tôt...


Allez, courage. En tout cas, sache que

j'ai beaucoup aimé « discuter » avec toi hier...


Matthew sourit à son écran. Se mordillant la lèvre inférieure au souvenir de leur soirée, il s'échappa brièvement de la réalité avant de réintégrer son corps et de pianoter une réponse à son correspondant.


Moi aussi... infiniment. Bon allez je file.

Je ne veux pas prendre le risque d'arriver en retard

et de subir le courroux vengeur de Hannah

et sa série de pompes punitives.


Ne lui fais pas ce plaisir.

À tout à l'heure ;-)


Il hésita un court instant, puis se décida à envoyer une dernière missive.


On trouvera peut-être un peu de temps

pour « discuter » entre deux prises.


Il rangea son téléphone, les traits toujours illuminés de ce court moment de bonheur. Même si ce n'était rien de plus que quelques messages, il avait apprécié que Gabriel ait eu une petite pensée pour lui.

Il se demandait encore comment il parviendrait à camoufler ce trop-plein de joie de vivre face à ses collègues. Il n'échapperait pas à un interrogatoire en règle s'ils se rendaient compte de quoi que ce soit. Leurs rôles de flics leur collaient vraiment à la peau.

Il ne se souvenait pas avoir un jour été aussi heureux. Il se sentait si léger qu'il avait la sensation de flotter loin au-dessus du sol. Comme si le simple fait d'avoir accepté son attirance pour son partenaire de tournage l'avait libéré d'un poids.

Il prépara son sac de sport, complètement perdu dans ses pensées, puis attrapa distraitement ses clefs et son portefeuille qu'il avait abandonnés sur la console de l'entrée. Il eut, malgré tout, la présence d'esprit de vérifier n'avoir rien oublié avant de sortir, de verrouiller la porte, puis de se diriger d'un pas guilleret vers les ascenseurs.

Dans le taxi, et après mûre réflexion,il décida de se laisser aller à être heureux. Il trouverait bien quelque chosepour justifier sa mine réjouie. Il voulait garder le secret de sa relationnaissante avec Gabriel le plus longtemps possible, même de sa confidente detoujours. Le protégeant comme le plus précieux des trésors, pas par peur, maispar égoïsme et prudence. Leur histoire n'en était après tout qu'à sesbalbutiements et il voulait en savourer chaque nouveauté à son rythme, sanssubir la moindre pression. Pour vivre heureux, vivons cachés ? Peut-être pas,mais ils auraient tout le temps d'en décider plus tard... bien plus tard !

Perfect Illusion ( Nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant