Chapitre 1

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Aujourd'hui.


Nathan rangea son arme de service, à la place qui lui était destinée, et s'installa derrière son bureau. Comme chaque vendredi, il s'attelait à la noble tâche de classer et trier les différents dossiers des enquêtes en cours afin de pouvoir partir en week-end sereinement.

Lorsqu'il avait intégré son école de police, il n'avait pas suspecté que la partie administrative représenterait la majorité de son travail. Il adorait, plus que toute autre chose, aller sur le terrain et être au cœur de l'action, si bien qu'il s'arrangeait pour repousser cette corvée aussi longtemps que possible.

Il soupira de découragement face à la montagne de travail qui l'attendait et ne put ignorer le petit ricanement de Roman. L'homme d'origine asiatique était son binôme depuis quelques années maintenant et la cohabitation dans la pièce qu'ils partageaient était généralement au beau fixe.

Abandonnant la retranscription d'un témoignage tout bonnement illisible, Nathan se passa une main lasse sur le visage et, levant les yeux au ciel, accrocha brièvement le regard intéressé de son collègue.

Les paumes innocemment croisées sur son torse, Roman faisait pivoter sa chaise, d'un côté puis de l'autre, sans quitter des prunelles l'objet de toutes ses attentions.

Son bureau, contrairement à celui de Nathan, était parfaitement rangé et il semblait ne rien faire d'autre qu'attendre la fin de la journée. Ce qui fit plus encore enrager Nathan. Il enviait son organisation presque militaire. Il avait essayé, pendant un temps, de suivre son exemple, mais avait rapidement renoncé face à toutes ces contraintes stressantes au profit de sa procrastination chronique. Et chaque vendredi, il regrettait son oisiveté.

Il fallait se rendre à l'évidence, feindre l'ignorance ne faisait pas disparaître par magie le travail accumulé. Distrait par les yeux chocolat, ne cessant de le scruter, il posa son stylo et en interpella le propriétaire.

— Si tu n'as rien à faire, tu peux peut-être me filer un coup de main ?

Le sourire que Roman lui servit fit brusquement accélérer les battements de son cœur.

— Impossible ! Je suis très occupé.

— Et à quoi, exactement ? Ça fait au moins vingt bonnes minutes que tu te balances sur ton siège.

— Je suis en pleine étude d'une créature extrêmement rare dans son environnement professionnel. C'est passionnant de voir comme il répète inlassablement les mêmes erreurs malgré les conseils avisés de son plus proche congénère.

Nathan ne se retint que difficilement d'échapper un rire tonitruant face à l'imagination débordante de Roman. Sa joie de vivre disparut cependant dans un nouveau soupir quand il avisa devant lui la pile de travail qui le narguait de toute sa hauteur.

Il reprit son sérieux, ayant d'autres projets pour sa soirée que de rester ici. Le silence se réinstalla dans la pièce, seulement troublé par le bruit des papiers qu'il consultait.

Satisfait de son compte-rendu, il referma le dossier, le posa sur le coin droit de son bureau et en attrapa un nouveau. Mordillant par habitude sa lèvre inférieure tandis qu'il se plongeait dans ses souvenirs pour replacer les événements de l'enquête, il fut brusquement déconcentré par les marmonnements de Roman.

— Tu disais ?

— Arrête de faire ça!

— Quoi, ça ?

L'homme ne lui répondit pas et se contenta de glisser un regard intense et profond dans sa direction. L'étincelle de compréhension se fit enfin dans l'esprit de Nathan qui ne put se retenir de jouer la carte de la provocation, bien conscient que cela n'arrangerait en rien la situation.

— Oh ! Ça ?!

Lentement, et sans se départir de son sourire taquin, il agrippa sa lèvre inférieure entre ses dents et la laissa s'en échapper tout aussi doucement. Jubilant intérieurement, il ne put que remarquer les prunelles brillantes de désir le contempler comme une friandise particulièrement appétissante.

— Tu sais que tu joues à un jeu dangereux là ?

— Ah bon ?!

— Oh non, pas de ça avec moi ! Ton petit air naïf ne prend pas. Tu sais parfaitement ce que tu risques à...

Il ne le laissa pas terminer sa phrase et lui répondit de façon si innocente qu'il ne lui manquait que l'auréole pour accompagner son visage d'ange.

— Oh, mais je ne risque absolument rien puisque nous sommes sur notre lieu de travail et que les règles que nous devons suivre sont parfaitement claires.

— Les règles sont faites pour être outrepassées et je n'hésiterais pas à le faire si tu continues à me provoquer de la sorte.

— Et Lincoln se ferait un malin plaisir de te virer. Tu sais qu'elle n'est pas vraiment tolérante et compréhensive envers ceux qui bravent son autorité.

— Ma carrière est entre tes mains alors, ou plutôt entre tes...

Le fracas monstrueux de la porte heurtant le mur stoppa brutalement leur petite joute verbale. Liam, inconscient d'avoir interrompu leur conversation, effectua ce qui semblait être un salut militaire avant de s'exprimer enfin.

— Williams, Pleyel, la grande inquisitrice exige la présence de tout son petit personnel en salle de réunion dans cinq minutes précises.

Les deux interpellés se levèrent de concert. Il était évident que, malgré le trait d'humour de leur collègue, l'urgence était réelle. Nathan s'apprêtait à dépasser le joyeux luron pour accéder au couloir quand la main de Roman se referma sur son poignet, le forçant à s'arrêter.

Sans égard pour les sourcils froncés de son prisonnier, Roman planta ses prunelles chocolat dans celles, toutes aussi interrogatives, de Liam.

— Pars devant, on te rejoint, j'aimerais voir un truc avec Nathan. Garde-nous de bonnes places et ne joue pas les balances auprès de Lincoln.

Liam les observa tour à tour suspicieusement avant de masquer le fin sourire qui se dessinait sur ses lèvres par un profond soupir.

— Faites vite alors !

La porte se referma bien plus doucement qu'elle ne s'était ouverte, laissant à nouveau les deux hommes seuls dans la pièce. Nathan se dégagea de l'emprise de Roman et se planta face à lui, les bras croisés sur le torse, pour s'enquérir de ce truc qui ne semblait pas pouvoir attendre la fin de la réunion.

— Tu m'expliques ?

Roman se contenta de tendre la main afin de verrouiller la porte du bureau, sans répondre à la question de celui qui le dépassait d'une petite dizaine de centimètres. Réduisant l'espace déjà restreint entre leurs corps, la paume de Roman s'accrocha sans la moindre hésitation à sa nuque tandis que ses lèvres, étirées dans un sourire victorieux, se pressaient avec douceur contre celles de Nathan.

— Et... coupez. On la vérifie et on enchaîne.

Perfect Illusion ( Nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant