Aristoline est seule face à l'océan. Son vélo rouge est posé contre un arbre, en bordure de la piste cyclable. C'est les vacances d'été, son père travaille. Elle vient chaque jour ici pour dessiner l'humeur de l'océan. L'année prochaine, elle rentre en terminale. Ça lui fait peur. Pression abyssale sur les épaules, elle n'a pas envie de grandir. 

          Achille est sur son vélo. Il a un petit job d'été chez le glacier de la plage. Tous les jours, il passe par cette falaise avant de descendre vers la station balnéaire. Tous les jours il la voit, assise face à l'océan, ses cheveux roux retenus par un chignon dont quelques mèches rebelles s'échappent et se balancent au gré du vent. Il se demande ce qu'elle fait là, seule, au lieu de profiter de la saison estivale comme tous les ados. Il croit la reconnaître. Oui, c'est sûr, elle est dans son lycée. Il ne se souvient plus de son nom. En fait, il ne l'a jamais su. Il remarque le fil blanc de ses écouteurs, et son aquarelle posée à côté d'elle. Il ne savait pas qu'elle aimait dessiner. Ça leur fait un point commun. Alors un matin, sur un coup de tête, il décide de prendre son tout nouveau carnet à dessin et ses aquarelles que ses parents viennent de lui offrir pour son anniversaire. Quand il dépasse le col, il est encore tôt, et il espère de toutes ses forces qu'elle viendra cet après-midi, à l'heure où il termine.

La journée fut longue, et le soleil cuisant. Achille a mal aux joues à force de se forcer à sourire aux touristes qui ne lui adressent ni un bonjour ni un merci. Après une dernière glace fraise-chocolat, il est dix-sept heure. Il est libre : quelqu'un d'autre vient le remplacer. Il prend son sac, lance un « bonne journée ! » auquel le glacier répond par un grognement et enfourche son vélo. Dans la montée il pédale vite. Il est en sueur et se traite d'imbécile : il voulait lui faire bonne impression... Achille alors distingue le vélo rouge posé près d'un arbre : elle est là ! Il s'arrête, le cœur battant. Assise vers l'océan elle dessine. Elle ne le remarque pas, elle n'entend que sa musique. Ses cheveux sont retenus par son chignon décoiffé par l'embrun. Il laisse tomber son vélo à côté du sien. Il ne sait pas vraiment comment agir. Finalement il s'avance et, sans un mot, s'assied à quelques pas d'elle, sort ses affaires et commence lui aussi à dessiner.

Parfum d'ÉtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant