Achille la regarde partir. Il sait que sa réaction l'a blessé, et il s'en veut. Maintenant ça lui revient. L'année dernière, ce nom était sur toutes les lèvres, mais personne ne savait de qui il s'agissait. Aristoline. Sa mère était morte dans un accident de voiture. Comme tout le monde, il l'avait appris par la rumeur qui circulait au lycée. Ce soir-là, quand il est rentré chez lui, il avait serré très fort sa mère dans les bras.
À dix-sept heure le lendemain, il est soulagé de voir que le vélo rouge et bien là. Il s'installe à sa place, entre les racines, sort ses affaires mais ne dessine pas. Il la regarde. A son tour, elle lève la tête vers lui, et leurs yeux se croisent.
« Je suis désolé. »
Achille est sincère. Il est désolé. Pour sa mère, pour sa réaction. Pour le fait que personne, au lycée, n'ait cherché à la soutenir dans ce moment difficile.
Aristoline enlève ses écouteurs. La sincérité qu'elle a perçu dans sa voix la pousse à lui parler. Alors, elle parle.
« Elle adorait l'océan. »
Et puis, d'elles-mêmes, les paroles depuis trop longtemps contenues dans sa bouche trouvent le moyen de s'y échapper. Là, au sommet de cette falaise face à l'océan, elle raconte son histoire. Parler de sa mère la soulage. Aux côtés d'Achille, à qui elle n'avait jamais osé lancer un regard, elle se sent mieux que chez tous les psys que son père lui avait proposé de consulter.
Achille l'écoute. Il regarde son visage s'animer, ses mains bouger en même temps qu'elle raconte. Impressionné par la marque de confiance qu'elle lui accorde, Achille ne l'interrompt pas. Il sent qu'elle avait grand besoin de parler, de libérer ses pensées trop longtemps contenue à l'intérieur d'elle-même. Il trouve sa voix magnifique, et se laisse porter par sa douce mélodie.
Aristoline a fini de parler. Elle se sent idiote et a subitement honte de s'être autant dévoilé. Mais quand elle croise son regard, elle n'y décerne aucune moquerie. Il se met à son tour à parler. Il lui raconte lui aussi sa vie. En mettant enfin des mots sur ce qu'il ressent, il relâche la pression qui est accumulée depuis si longtemps sur ses épaules. Aristoline le comprend. Elle aussi, elle refuse de grandir. L'enfance, songe si doux où tout semble possible... Elle ne veut pas se réveiller.
Ils parlent alors du lycée. Aristoline imite avec brio leur prof d'anglais, et Achille rit aux éclats. Mais déjà, le soleil commence à décliner. Il est tard : elle doit rentrer. Elle n'a pas fini son dessin. Tant pis.
VOUS LISEZ
Parfum d'Été
Historia CortaC'est l'été. Il fait beau. L'océan, la falaise, la plage. Le vélo rouge, le camion à glace. Le bruit des vagues se brisant sur les rochers, les lointains cris d'enfants. La boîte à aquarelles, le carnet de pages blanches, les écouteurs enfoncés dan...