Passé dévoilé

Le passé, un monstre assoiffé de temps

Installée à l'arrière d'un van, depuis vingt minutes, comme un vulgaire sac à patates, j'écoute attentivement le moindre bruit, le moindre morceau de conversation. Oui, parce qu'on m'a certes enfilé entière dans un tissus me cachant à la vue de tous, mes autres sens n'en sont pas moins tous en éveil. 

Je savais que je n'aurai jamais du rester seule. Les trois hommes de cromagnons vont s'en mordre les doigts à vouloir me protéger à l'excès. Tiens, c'est comme quand on prend un soin excessif à vouloir ranger des objets qui nous tiennent à cœur. Ils sont tellement bien rangés qu'il n'y a plus moyen de remettre la main dessus. Je ne sais pas pourquoi je m'assimile à un objet mais vous avez compris l'idée. Baptist et mon père ne sont pas prêts de me retrouver. Je vais devoir me dépatouiller toute seule de cette situation. 

Enfin, les pneus crissent et la voiture s'arrête. Mon palpitant refait des siennes dans ma cage thoracique. Je tente de préserver une profonde et calme respiration en restant attentive. 

Un malotru commence à poser ses mains sur moi et je réagis aussi sec. Je bouge dans tous les sens pour qu'il enlève ses sales pattes dégoûtantes. L'inconnu s'énervant, il n'hésite pas à m'enfoncer son poing dans mon ventre. J'étouffe un cri de douleur en plantant mes dents dans mes lèvres. Le goût métallique du sang se repand dans ma bouche.

-Eh tout doux Steave !! Faut qu'on la ramène en un seul morceau, sans une seule égratignure, sinon on se fait allumer. Rappelle-toi ce qu'ils ont fait à Loïc la dernière fois.. 

L'autre grogne en guise de réponse tandis que je suis projetée sur l'épaule d'un géant, toujours saucissonnée dans mon sac. 

Ce qu'ils ont fait à Loïc ? Est-ce qu'ils parlent de ce soir là au cottage quand un dingue m'a roué de coups ? Si je vais dans l'entre de l'homme qui m'a infligé ça, je donne pas cher de ma peau. 

D'un coup on me pose sans ménagement sur une chaise pliante et on me retire mon masque d'obscurité. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir mais la lumière du jour ne m'agresse pas les yeux, comme je me trouve dans un hangar miteux qui ne laissent traverser que très peu les rayons de lumière. 

-Doucement !! râle l'acolyte du fameux Steave. T'es vraiment un rustre mec ! 

-Désolé poupée, lance l'homme à mon encontre. 

Comment se fait-il que j'ai droit à un si joli accueil exactement ? Quoi que, après tout, c'est moi la meurtrière de l'histoire, c'est à eux d'avoir peur de moi en fin de compte. J'essaie de me convaincre de cette idée quand je repense à Pierrick pendu dans son bureau. Ok, c'est sûrement un suicide. Quoi que je n'en vois pas très bien les raisons. Et si on avait déguisé son meurtre à lui aussi ?

Je ne réponds rien, trop curieuse de détailler l'endroit où je me trouve. La pièce est grande et délabrée, au-dessus de nos têtes il y a quelques lampadaires qui diffusent une lumière bien trop faible dans cette pénombre. Les volets sont fermés,  quelques voitures garées. Des van similaires à celui qui m'a embarqué quelques minutes plus tôt.

Je sors de mon exploration en entendant le vrombissement d'un moteur venir à notre rencontre. Quelques hommes vont ouvrir une énorme portière coulissante pour laisser entrer un autre de ces van noirs. Les vitres sont teintées et je ne peux malheureusement pas voir qui se trouve à l'intérieur. 

Je trépigne d'impatience et d'angoisse. Est-ce que Baptist, papa et Alan vont bien ? Ils devaient se retrouver devant le Ketchatar quelques minutes plus tôt. Ont-ils réussi à découvrir de qui il s'agit ? Est-ce qu'ils l'ont suivi jusqu'ici et vont venir me sortir de là ? Je ne peux pas compter sur un miracle en cet instant. Cet homme est réputé pour toujours avoir des coups d'avance sur les autres. Je vais devoir me sortir toute seule de ce pétrin.