Chien qui aboit ne mord pas

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Ce dimanche en début de matinée, le temps est déjà bien ensoleillé. Cette nuit a été encore rude pour moi. Ne trouvant le sommeil qu’à l’aube, mes yeux me suppliaient de fermer les rideaux et de poursuivre ce que je n’avais pas terminé. Je pose ma tête contre la fenêtre de ma chambre qui a été chauffée au préalable par le soleil lui-même. Les yeux clos, la chaleur sur mon visage, ce petit instant de repos se révèle extrêmement relaxant.

Cette nuit le temps m’a semblé si long. Lorsque je m’assoupissais, les mêmes cauchemars en rapport avec ma mère ou moi, je ne sais trop reconnaître qui, tombant d’une falaise dans un
contexte lugubre, me réveillaient. Mon front perlé de sueur, mes mains tremblantes, la pièce autour de moi semblait se rapetisser, ce n’est qu’au bord de l’épuisement que mon
corps réussit à prendre le dessus vers 5h. Ce matin, je croise Anntoin qui est à son jardin, l’air passionné. En sortant du cottage, je manque de tomber à cause de Teddy toujours dans mes pieds. Elle jappe joyeusement, tout en tournant autour de moi, avec sa langue pendante.

- Bonjour mon oncle, qu’est-ce que tu plantes ?

Je pointe de l’index les herbes qui dépassent de la terre. Teddy vaque entre mon oncle accroupi et moi, devant la porte d’entrée.

- Ce sont des herbes aromatiques !

Il me tend un petit bouquet et reprend :

- Voilà de l’aneth, sens-moi ça.

En effet, j’aime bien l’odeur.

- Le bouquet que tu tiens est séché, il date de l’année dernière, là, j’en sème de nouveau, le mois d’avril est parfait pour ça.

Il ne lui reste que trois mois à vivre mais il plante dans son jardin, comme si rien de tragique n’allait arriver. Il ne sera bientôt plus là pour s’occuper de ses herbes aromatiques qui le passionnent. Cette idée me fait monter une larme que je contiens assez difficilement. Je m’accroupis près de lui, et l’aide à creuser de petits trous dans la terre, ensuite il y dépose les graines.

- Anntoin ?

- Oui mon ange ?

- Est-ce que, lorsque maman est morte, tu as eu des doutes sur quelqu’un ? Sachant qu’elle a été assassinée, je n’arrive plus à regarder nos amis et nos voisins, sans avoir des doutes.
Peut-être que tes éclaircissements pourraient m’aider à ne pas les voir comme des assassins.

Je regarde toujours la terre, tandis que lui s’arrête net. Je fais en sorte de poser ma question de façon à ne pas lui montrer que j’enquête, bien au contraire. Il semble en douter mais n’en parle pas.

- Ecoute, ta mère était une brave femme mais elle avait de nombreux secrets et très peu de confidents.

Je réfléchis à ces paroles.

On dirait qu’il sait quelque chose mais il ne veut pas en parler. Pourquoi ? A-t-il peur de ce que je pourrais penser ?

- Pourquoi tu ne me dis pas tout Anntoin ? S’il y a quelque chose que tu ne veux pas me dire, ce sera pire car j’essaierai de le découvrir par moi-même.

- Je ne veux juste pas te mettre en danger pour quelques révélations datant de dix ans.

- J’ai le droit de savoir, arrête de vouloir me protéger, je suis une adulte !

Mon ton commence à monter, je me radoucis aussitôt, repensant aux trois mois qui nous restent à passer l'un avec l'autre. Teddy est dans le champ en face de nous autour des brebis, à des
années lumière des problèmes que nous avons.

- Je ne pense pas qu’on en voulait à ta mère. Je pense qu’on a voulu me faire du tort, à moi, personnellement.

Tout devient confus dans mon esprit. Anntoin sait-il qu’il est le suspect principal de l’enquête ? Que ça s’est joué à peu de choses, qu’il soit incriminé ? Et si le tueur avait voulu
se servir de ça pour attaquer mon oncle ?

Passé dévoiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant