cette nuit-là

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La honte me consumait de l'intérieur.Comme quoi la fameuse nuit de noce n'est pas que redoutée par les femmes dans certains cas.Elles condamnées sous le joug de la dignité.Il le faut.Il faut s'en sortir immaculé.Imaculée comme la femme qui s'est préservée jusqu'au jour redouté,car la parole des uns et des autres pèse aussi lourd que nos résolutions sur la vie.Elles ont beau se dire qu'il faut vivre sans se préoccuper des autres.L'angoisse de la nuit de noce est là omniprésente,pesante et crainte.Dans une société qui juge et qui condamne au premier faux pas il ne faut surtout pas donner donner le bâton pour se faire battre.
Moi ma préoccupation était tout autre je me devais de rester digne devant cette femme et devant toutes les autres personnes qui attendaient impatiemment le fameux pagne tacheté de sang et symbole de nos ébats intimes entre ces quatre mûrs.Ce pagne simple objet,mais avec une grande importance.Pas seulement la preuve de la chasteté d'une femme,il représente aussi celle de la virilité du mari.
Pourquoi ces fameuses coutumes ?Pour exhorter les femmes à se respecter,se préserver?Pour montrer aux yeux de tous qu'un homme vient de s'emparer de la pureté d'une femme?Je ne saurai y répondre mais dans tous les cas ce sont ces coutumes là qui me condamnent aujourd'hui.Ces coutumes obsolètes qui mettent plus à nue des secrets qu'on aurait dû enfouir qu'autre chose.
J'ai essayé encore et encore mais rien n'y fit j'y arrivais pas.J'arrivais pas du tout à remplir mon rôle dans cette scène que tout le monde regardait sans la voir.
Ce nasse imprévisible venait de me clouer encore au plus bas.Devrais-je prévoir tout cela? J'y ai jamais pensé en tout cas.
Je m'imaginais pas du tout ce scénario là en ce jour.je me disais que tout irait bien dans le meilleur des monded.je m'étais trompé.
La seule chose qui rythmait encore mon existence et donnait du sens à ma vie, c'était la quête du bonheur de ma mère.Elle s'est peut être rendue compte de ses manquements durant mon enfance et a tenu à ce que je ne sois pas trop impacté par la situation avec mon père.Elle menait son combat.Le combat d'une mère qui cherche à rattraper le temps perdu.Je lui en voulut jamais.
Et aussi loin que je me souvienne,cette péripétie commune de nos vies scella en même temps un pacte entre nous deux:la protection mutuelle.Je vivais donc littéralement pour elle.J'étais casanier même durant mon cursus universitaire.Je disais non à la chambre qu'on m'octroyait à chaque rentrée.Non pas parce que je tenais compte des échos qui m'arrivait souvent concernant les chambres universitaire.Qu'on s'y entasse comme des sardines alors qu'il est toujours possible de construire de nouvelles habitations.Je voulais juste continuer à vivre avec ma mère.
Ainsi,je laissais de côté une autre partie sensée être très importante dans ma vie.Je me devais un jour de trouver une femme et de prolonger ma lignée.Mais.cela serait-il possible si je m'ouvre pas un peu plus aux autres?Cette question elle me revenait souvent.Mais dans ma quiétude et auprès de ma mère,ce fut un petit cocon,un havre où je me sentais en sécurité loin de toutes ces tumultes que ma peur pouvait engendrer.Car oui j'avais peur,peur de perdre encore des personnes que j'aime,peur de ne pas être à la hauteur.Après tout que pouvait bien donner une personne qui s'est fait torpiller moralement par une tante?Une personne que son père n'a même pas jugé digne de recevoir son héritage?
J'avais donc une piètre opinion de ma personne.
Des alertes il y'en a eues,plusieurs d'ailleurs.Ma mère était castée et d'après mes échos personne n'avait voulu d'elle dans la famille de mon père.Elle est une "geweul",chanteuse de louanges.Une personne qui n'était amenée qu'à recevoir.Dans notre société il y a des couches sociales,une société hiérarchisée à la façon des empires féodales.Du haut de leur piédestal et nobles par le sang,des personnes se considèrent au dessus de la mêlée dignes des uns et pas faits pour les autres.Une société où l'hypocrisie et l'argent sont rois.Une société où l'on voit des "sang pur" ployer leur dignité sous la lourdeur d'une enveloppe venant d'un être inférieur.Paradoxale.Dés lors impossible qu'elle ait la paix dans son ménage avec de nombreuses crasses de tout part.Quand la maladie terrassa mon père,il décida d'aller "mourir" dans sa famille comme il l'avait annoncé alors qu'il avait déjà passé une année sous les soins de ma mère.Quelle façon horrible de la remercier!
Mettre fin à mes jours, j'y ai pensé.Et c'est  dans ses moments là que je remerciais le plus Mère Soda.Même du ciel elle avait toujours une grande influence sur mon existence.Le coup de grâce à ma vie périclitante serait un suicide.Mais quand je pensais à cette mère spirituelle et aux leçons de vie qu'elle me donnait je revenais à la raison.
Mère Soda une éternelle flegmatique.Elle avait tant et tant enduré et pourtant elle est toujours restée digne jusqu'à la délivrance.Elle a vécu dans un ménage à 5 et a connu le lot de toutes ces femmes abandonnées à la vue d'une chair plus fraîche.Son mari avait mis sur elle 3 autres femmes qui elles étaient fécondes.Elle n'avait jamais connu le goût de l'enfantement.Et quand ses coèpouses peuplaient la maison d'une rimanbelle d'enfants,elle restait "stérile",la femme incapable de mettre au monde un fils. Même quand les langues se déliaient sous son nez,elle ne répliquait jamais.Elle subissait sans broncher jusqu'à la mort de son mari.
Elle m'avait appris qu'il fallait avoir foi à la vie,que c'était l'essence même de notre survie.Les épreuves se mettront sur notre chemin mais le meilleur d'entre nous c'est celle qui passerait outre.Elle me disait souvent que la vie c'est comme une soif, qu'on ne pouvait jamais l'étancher éternellement.Il fallait donc se lever tous les jours pour trouver de l'eau,s'abreuver et remettre en marche la quête.L'acquisition d'une plénitude totale n'est qu'une chimère et les équilibres sont fragiles.A chaque fois que je voulut flancher,une simple pensée pour elle me revigorait et surtout me dissuadait.Je pensais aussi quand je me réveillais à celui qui ne le ferait plus jamais,au malade cloué au lit,au père de famille qui se lève toujours dans l'espoir de trouver de quoi nourrir ses enfants, à la femme persécutée dans un ménage qu'elle ne peut guère quitter pour ses enfants.
Le destin est parfois figé, qu'on l'appelle ou pas.Moi j'ai jamais voulu convoquer ce jour là.Je me passais de femmes durant la majeure partie de mon adolescence et même quand je suis devenu adulte.Je me rappelle que dans une soirée de fin d'année à laquelle j'avais décidé de participer, j'avais pas voulu qu'une femme m'approche.Dans ma tête je me disais que c'était un traumatisme passager qui allait à coup sûr disparaître avec le temps.
Je me souviens de l'ami de promotion qui essaya pour la première fois de me mettre devant le fait accompli.El Hadj trouvait ambigu ma méfiance vis à vis des femmes et surtout mon indifférence.Il m'invita à un dîner avec une autre femme qui s'était mise en tête l'idée de me séduire.On finit tous les deux seuls et elle se risqua à me toucher.Ma réaction me surprit moi même !Je la repoussais si violemment qu'elle termina aux urgences.je n'en tenus pas rigueur à cet ami qui s'en sortit plus sceptique que jamais.
J'arrivais sur mes trente et cinq ans et comme tout homme le devoir de me marier s'imposait.Ma mère me mettait clairement la pression.Toutes nos discussions tournaient autour de cela.C'était normal car elle savait pas,elle savait pas ce qui me rongeait,elle savait pas que j'étais pas prêt à arpenter un nouveau chemin,avec une femme autre qu'elle dans ma vie de surcroît.
Mais elle insistait mettant en avant son envie de voir au moins un de ses petits fils.Tout cela me mena directement à cette nuit.
J'étais là plongé dans les pensées et mes souvenirs quand la voix de la femme qui était devenue "mienne" il y a quelques heures me fit sursauter.
-Abdalah,ton histoire je la connais.Et si aujourd'hui j'ai décidé de refaire confiance à quelqu'un c'est grâce à toi.J'avais perdu tout espoir de pouvoir retrouver un jour goût à la vie,donner ma confiance.Je serai ingrate si je fais disparaître le bouclier avec lequel tu m'as couvert durant tout ce temps.On dit de l'amour qu'il peut guérir n'importe quelle blessure.Avec celle que je te porte je compte les panser une par une.Le bout du tunnel c'est ensemble qu'on la verra.Il y a toujours une solution et je t'assure que c'est la tête haute que tu sortira de cette chambre...

AbdallahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant