Amis.

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Un accord, c’est ce que je m’attendais à recevoir. Je pensais que tout serait si facile. Dans mes pensées les plus folles, j’avais pas du tout imaginé ce scénario. Ma confiance résidait peut être en mon manque d’expérience. Aussi difficile que fut mon vécu, son irascibilité me prit de cours. Sa rancœur était très tenace.
Comment se sent-on quand on vient de se faire débouter ? Pour moi, ce fut une énorme douche froide. Mais malgré ma surprise et ma déception, je parvenais à avaler la pilule . Aussi directe et tranchante qu'elle fut dans ses paroles, j’y ai senti une grande sincérité. Et cela diluait ma peine.
Debout sur cette fenêtre,la tête pleine de doute je m’interrogeais sur la suite à donner à cette croisade. Un grand choix s’imposait à moi. Il me fallait soit sortir des mots qui nous éloigneraient à jamais, ou alors essayer de poursuivre ce qui était dans ma tête une future relation,et m’imposais à elle au fur et à mesure. Et encore une fois mon instinct parla à ma place, même si chacun de ces mots avaient titillé mon égo. Je me mis juste à sa place pour comprendre sa position. Je m’aventurais dans un autre terrain faisant la sourde oreille sur ce qu’elle venait de dire et qui était susceptible de me décourager
-Alors Fatima ,si tu me le permets. C’est vrai qu’après coup, j’ai voulu en savoir un peu plus sur la suite de ton histoire? Puisque j’imagine bien que t’es pas restée chez ton père après l’incident.
-Nous ne sommes pas au centre mon cher ! plaisanta-t-elle détendant un peu l’atmosphère qui devenait délétère.
-Tu vois je viens de te raconter une partie de ma vie que seules deux personnes connaissaient jusque là. Je t’ai assez fait confiance pour m’ouvrir à toi alors je ne pense pas que cela soit trop demandé que tu en fasses de même.
-Hum! Tu sais, il y a une chose ancrée dans notre société. Même si tu es blanche comme neige, il suffit juste qu’une toute petite portion de noirceur s’immisce dans cette blancheur pour que tu sois égratignée. Ton crédit s’écroule comme un château de carte. Ce fut mon cas. De la fille parfaite, assidue et respectueuse de tous, je devins soudain la rebelle, la brebis galeuse, la fille facile pour certains, celle qui n’avait pas hésité à provoquer le meilleur ami de son père et l’accuser de viol. Ma mère était là,consternée je le savais car elle dépérissait à vue d’œil. Mais elle avait les mains liées ,elle était une femme à qui on avait inculqué certaines valeurs, à qui on a mis dans la tête que le mari, c’est comme un roi qu’il faut vénérer jusqu’à la mort. Même face à la détresse de sa fille, elle n’avait aucune envie d’être la première femme du village qui se mettrait en travers du chemin de son mari pour protéger sa fille. Ce sacrifice était trop lourd et elle n’y consentit pas. C’était une femme de la vieille école et le « mugn » était son credo. Donc je ne vivais plus, je survivais. J’acceptais tout sans rechigner. Mon père passait ses nerfs sur moi quand l’envie lui en prenait et les provocations des gens que j’avais jadis subies quand je fréquentais l’école me retombaient dessus. Et c’était pire car c’était mon honneur qu’on bafouait.
-Tu es restée dans cette situation sans rien faire? Où était passée la force dont tu avais fait preuves pour réussir tes études ? Tu en avait gagnés des combats difficiles pourtant ?
-Tu sais Abdallah, il y a des moments dans la vie où le blues est tellement profond, où on est plus proche du néant que d’autres choses. Des moments où le mal nous ronge à un point tel que vivre devient un véritable supplice. Et même les discours du même acabit que le positif se révèlent vaines. Une de mes rares amis me sortait souvent sa phrase fétiche : « On a qu’une seule vie. Il faut donc s’efforcer à la rendre la plus belle et la plus jouissive possible. ». L’effet ne pris guère. J’étais là, l’esprit boursouflé de pensées négatives et l’envie de me suicider commençait à pointer le bout de son nez.
-A ce point! Vu que tu es devant moi t’as pas sauté le pas.
-Non j’ai jamais essayé. Ah Abdallah le déclic, ce moment où tout change, on se réveille d’un coup d’un sommeil imaginaire, un sommeil qui nous avait plongé dans un autre monde et celui ci en perdait tout son sens. Comme le déclic du soûlard qui passant la majeure partie de sa vie à boire, faisant du mal aux siens, à la femme qu’il laisse à la maison avec de lourdes charges. Cette femme qui va souffrir du regard des autres et ayant le devoir d’assurer un avenir meilleur à ses enfants. Ce soûlard va à un moment de sa vie se lancer dans une supplique pour reprendre le fil de sa vie et tourner le dos à la bouteille et retrouver sa famille. Moi mon déclic est venu un soir dans la chambre de ma mère. Ce jour là, à ma grande surprise, mon père me convoqua après le dîner pour une petite discussion me dit-il. C’était la première fois qu’il m’adressait vraiment la parole depuis mon retour en dehors des éructions. Je fus appréhensive, mais j’allai le rejoindre dans la chambre de ma mère aprés le dîner. Et dés que j’entrai il attaqua :"Depuis ce matin  je ne fais que prier et louer allah. Enfin la honte dont tu m’avait couvert va être dissipée. Au moins tu pourras abroger ton erreur. Je serai très bref. J’ai parlé avec Mass hier et on a convenu qu’il viendrait demander ta main la semaine prochaine. J’ai accepté et je pense que tu n’y verrait pas d’inconvénients". Non repondis-je. Un non laconique,fade et surtout fusant. Je l’ai sorti d’un traite sans hésiter. Et ce fut comme si je me réveillais d’un long cauchemar. Ma léthargie venait de prendre fin et aussi surprenant que cela puisse paraître je remerciais intérieurement mon Père. Cet homme qui venait de sortir les plus grandes insanités que mes pauvres oreilles aient pu entendre de toute ma vie venait de me faire prendre conscience de la grande partie de ma vie que je laissais filer.
-Mass, c’est le pseudo meilleur ami à ton père ? Et tu as décidé d’épouser l’homme qui a tenté de te violer ?
-Abdallah, il y a trois sortes de pères dans cette vie. Le père poule qui ne refuse rien à son enfant, qui se plierait en quatre pour son bonheur. Un père qui ne s’élève pas au dessus de sa descendance, un papa à l’esprit libre qui ne fait qu’un avec son enfant dans la complicité et l’expression de l’amour. Un père bienveillant, présent capable d’organiser même des séances de prières au téléphone quand ses activités le retiennent. Moi j’ai rêvé de ce père là et je l’imaginait comme tel, je l’aurai voulu comme tel mon père. Ensuite il y a le père replié sur lui même, hermétique mais qui garde quand même en lui beaucoup d’amour et une volonté tenace de protéger ses mômes. Ce père n’a juste pas le pouvoir ni la capacité d’exprimer son amour. Je dirai pas non à ce père là également. Et enfin il y a le père qui met au dessus une honneur  archaïque, une confiance même rompue, ou encore sa posture sociale contre le bonheur de son enfant. Il est ce genre de père le mien. Il s’était construit une barrière immaculée et ce n’était pas une fille récalcitrante qui allait la tâcher. Il était décidé à me livrer à un loup et je comptais nullement être l’agneau de cette mascarade. Cette même nuit je décidais de partir. Enfin. Sur le seuil de la porte je croisais ma mère qui me sortit un discours poignant mais insuffisant pour réconforter mon coeur. Quand bien même il me libéra.
"Ma fille je ne suis pas là pour te retenir, je serais trop lâche en agissant de cette manière. Je n’ai jamais été à la hauteur d’une bonne mère, moi regardant ma seule fille que j’ai éduquée se faire traîner dans la boue, une boue dont je suis sûre qu’elle ne devrait ne serait-ce que s’y approcher sans lever le petit doigt. Un tel comportement n’est pas digne de la mère que je dois être pour toi. Sois sûre que dans mon âme dés fois j’implorais dieu de te donner la force de quitter cette maison. Je suis juste heureuse de te savoir loin de ce tumulte. Vas ma fille , tu as ma bénédiction".
C’est ainsi que j’ai quitté cette vie sans me retourner
-Donc tu as finalement mis les voiles?Je trouves que tu as été égoïste sur ce coup là. Tu savais que ta mère allait en payer les pots cassés.
-Et moi dans tout ça je devais me satisfaire de cette vie et me marier de surcroît avec cet homme. Non!Il était juste temps pour ma mère de jouer pleinement son rôle.
-je voyais pas les choses sous cet angle là. Et comment tu as fait sachant que tu connaissais pas grand-chose dans cette ville.Comment tu t’en es sortie?Je suis curieux.
-Cette discussion ne me dérange pas le moins du monde puisque c’est la première fois que je m’épanche si librement sur ma vie. Cependant il se fait tard. Voilà ma carte de visite. Tu peux m’appeler si tu veux parce que la fluidité de mes mots me surprends moi même.
-Oui tu recevras mon appel puisque j’ai envie d’en savoir un peu plus.
-Bonne soirée.
-A très bientôt et surtout attends mon appel.
Elle s’éloignait ainsi pour rentrer chez elle et moi dans ma tête je venais de saisir une toute nouvelle brèche que je n’avais pas vu venir. A défaut d’être son mari pour le moment je serai peut être son ami.

Le père de Fatima, quel genre d'homme il est?

Abdallah, amitié sincère ou volonté d'avoir plus?

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