D'accord ?

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Les perceptions et les images que l’on a de nous même sont très importantes dans notre processus de vie. Elles constituent l‘essence de notre existence. Avoir une confiance en soi même est loin d’être du narcissisme. Quand certains te prennent pour un imbu de ta personne, d’autres vont jalouser cette force intérieure que tu as, de pouvoir être maître de tes sentiments, de pouvoir t’apprécier toi même. Puisque c’est la base pour s’ouvrir au monde, se faire apprécier des autres.
C’est très difficile de vivre dans un monde où t’as l’impression que tout le monde te regarde. Et tout cela va dépendre en grande partie de notre éducation. Oui l’éducation que l’on a eue sera importante dans ces cas là. Car elle te forge, te préparant à l’avenir et au monde auquel tu devras être confronté  un jour. Quand nous sommes éduqué dans un milieu où rien ne nous sourit pratiquement, où il faut trimer pour s'en sortir. C’est un regain de force. Une éducation dans un monde où on t’apprend à ne jamais baisser la tête, à regimber les tentatives de détournement .Un environnement où on t'instille des valeurs qui te conditionnent et  t'éloignent de l'influence négative de l’autre. Là est l’une des matières de la vie. Et quand c’est le contraire qui se produit, le cataclysme personnel n’est jamais loin. D’aucuns se retrouvent avec une piètre aperçu de leur personne et dans ces cas là l’extérieur va être déterminant  dans sa capacité à impacter notre vécu . Et si on ne se forge pas une carapace soi même, on se retrouve entre les tenailles de la société, une société sans pitié dés fois.
Ma  cousine Aïcha fut une des nombreuses victimes de cette société. Elle était une fille que l’on pourrait qualifier de « grosse » avec des mensurations qui attiraient l'oeil. Et les personnes de son âge ne se gênaient jamais de lui rappeler qu’elle parvenait pas à faire un sprint de 50 mètres où alors qu’elle éprouvait d’énormes difficultés à descendre les escaliers de l’école. Ceci dépassait même le cadre de ses propres amis puisque même dans les rencontres familiales, presque tout le monde y allait de son petit commentaire : « on dirait un lutteur », « comment fait-elle pour prendre autant de graisse », « A chaque fois que je la vois j’ai l’impression qu’elle grossit de plus en plus »,  « Tu devrais te mettre au sport Aîcha ». Florilèges. En ces temps là chacun tentait tant bien que mal d’amuser la galerie friande de « ces blagues là ». Mais doit-on amuser la galerie au détriment du bien être d’une personne? Je me posais la question. Personne ne s’attardait vraiment sur son visage pour y déceler la gêne ,la colère et la détresse qui s’y lisait. Elle était là au milieu de tous ses gens abandonnés par ceux qui étaient sensés la soutenir. Elle se retrouvait piégée dans ce cercle vicieux où tout ce qu’elle détestait en elle était pointé du doigt. Personne n’avait essayé de lui venir en aide ,de la conseiller, lui dire que son poids ne devrait pas être une faiblesse. Elle rongeait donc son frein dans son coin où elle souffrait, se torturait l’esprit à longueur de journée. Et le pire c’est qu’elle n’avait personne à qui se confier. Moi qui la voyait et avec mon grand lot de problèmes je savais ce qu’elle vivait. Je savais qu’elle n’allait pas bien. Cependant j’était un enfant et je traînais également un énorme spleen. Un jour j’entendis finalement qu’elle s’était taillé les veines dans sa salle de bain. Un cliché finalement d’une société qui te martyrise à petits feux et que tu finis par craquer. Elle laissa également une lettre, la fameuse lettre.

Je m’en vais vers d’autres contrées, d’autres cieux beaucoup plus propices à ma vie. Je tourne le dos à ce monde plein d’aberrances où je n’ai peut être pas été à la hauteur. Mon but c’était juste vivre dans la tranquillité mais on ne m’en a jamais laissé l’occasion. A l’école ce fut d’abord mes amis et à un moment donné même le professeur de sport s’y mettait. Je me retrouvait recluse au fond de mon trou seule tout prés du précipice et loin de toute intention de m’en sortir. Je hurlais silencieusement ma peine et mon désarroi, personne ne m’entendait. A un moment je me sentais vide et surtout invisible aux yeux du monde. Je bringuebalais entre les deux mondes. D’un coup une once de révolte se manifestait et d’une autre je voulais juste mourir. Devant les gens, j’étais un scélérate, une bombe à retardement et mon choix fut finalement fait ,arrêter de lutter. Ma famille aidant avec leur mutisme qui me sidérait de plus en plus. Je voulais au moins avoir quelqu’un avec qui parler mais j’ai jamais trouvé. J’ai voulu être la personne qu’on prendrait comme exemple, la bigote au sacrifice qui passera à trépas pour permettre peut être à d’autres de vivre et ne pas être laissés pour compte.
Je m’en vais.

Cette lettre j’ai du la lire des milliers de fois puisque le jour où je suis allé chez elle je l’ai trouvé sur l’une de leur table de chevet. Curieux je m’en étais emparé et je l’ai plus jamais remise à sa place.
Chacun de ces mots me touchaient même si j’aurais voulu vraiment pouvoir être là pour elle et éviter cet énième drame. J’ai donc fait de ce combat là mien. J’avais une toute nouvelle mantra, celle de perpétuer le combat de Aïcha .Moi et mon lourd passé, je me chargeait maintenant de bien mener le combat de quelqu’un d’autre et cela me permettait de m’ouvrir un peu sur les autres ce que je faisais rarement. C’est dans ce sillage que j’ai crée une association pour venir en aide à des personnes en détresse victime de leur poids. Moi qui en fréquentait une, j’en avait également mis une autre sur pied.
J’avais tout fait pour retrouver la femme dont l’histoire m’avait tant touché lors de notre dernière séance de causerie. Et je n’avais pas le cran d’aller lui parler directement non seulement parce que j’étais trop introverti mais aussi parce que je bloquais avec les femmes. La solution que j’ai trouvée fut d’inviter tous les membres de la causerie au débat annuel que j’organisais pour une sensibilisation de toutes les masses. Les harcèlements devenaient monnaie courante que ça soit dans les écoles où même au sein des familles.
J'espérais vraiment qu’elle viendrait. Parce que pour me marier je ne devais pas choisir n’importe qui. Les prémices de mes problèmes étaient apparus beaucoup plus tôt. Et je n’avais aucune envie que mes problèmes se retrouvent à l’ordre du jour avec une femme que j’aurais mal choisie.
Mon problème était que je savais tout simplement pas comment courtiser une femme, comment les faire adhérer à ma cause. Qu’est ce qu’elles aiment, qu’est ce qui leur ferait plaisir je savais pas. Je m’imaginais des scénarios les uns plus sordides que les autres sur l’entrevue prochaine que je programmais avec elle. En ce moment j’aimerai juste être un peulh. Chez cette ethnie, de Bamako au Fouta ,là bas dans le chaud soleil les maris attendent tranquillement leur femme dans la chambre nuptiale. Nul besoin de courtiser une nymphe pour qu’elle soit sienne. Les mariages sont scellé dés que les hommes voient le jour dans certains cas. Et même les oiseaux qui défilent devant moi sur la fenêtre où je suis accoudé semble-être d’accord avec cette pratique. Que cela m’arrangerait en ce moment d’être un peulh. Ces valeureux hommes qu’un sérère taxerait de poltron, un homme qui détalerait devant un océan. Pourtant ces hommes règnent en maître au milieu de leur troupeau et se battrait contre quiconque essayerait de leur substituer une chèvre. Ils ont une culture à faire pâlir les incas de jalousie.
J’étais littéralement perdu dans mes pensées quand une voix les interrompît. La voix de la causerie.
-j’ai cru comprendre que t’étais l’organisateur de cette soirée et je viens te retrouver ici. Vue la cause que tu défends je pense que tu devrais être présent pour récolter tes lauriers.
On s’échangeait un regard et ce ne fut pas un regard amoureux, pas du tout. C’était un regard entendu,du moins de mon côté. Et là je saisissais une brèche dans laquelle je pouvais m’engouffrer et j’hésita pas à le faire.  Je savais que c’était le moment où jamais de me lancer. Etre direct et voir où cela allait me mener
-Je vais être franc mademoiselle, ce débat je l’organise très souvent mais pas avec autant d’invités. Ce soir je priais limite que vous soyez là puisque j’ai énormément de choses à vous dire et surtout une proposition à vous faire.
-A moi ? Je vous écoute.
-Et là je me suis étalé sur ma vie, mes démons...mon histoire sans oublier aucun détail.
La confiance est une marque de respect et de considération. On fait confiance parce que le vis a vis fait ostentation de toutes ces vertus et nous pousse à vouloir lui confier notre vie. C'est celà que je ressentais vis à vis de cette femme là. Une grande confiance.
-Et pourquoi vous ne preniez jamais la parole lors des causeries.
-Parceque je me sentais pas prêt.
-Tu le sera jamais je pense, il faut juste se lancer
-Je l'ai fait aujourd'hui.
-Et c'était quoi votre proposition ?
-J'ai besoin d'une femme à marier et c'est sur vous que j'ai jeté mon dévolu.
Je lisais le choc sur son visage. C'est vrai que j'ai été très maladroit sur ce coup là mais je savais pas comment m'y prendre et j'y suis allé à l'instinct.
-S'il y a une chose que personne n'a jamais pu changer en moi c'est ma sensibilité. j'en ai vécu des choses et mon coeur saigne encore quand je me ressasse tout ce que j'ai vécu. A force de réfléchir sur le sens à donner à ma vie mon esprit s'esquinte de plus en plus. Je suis humaine avant tout et au fond de mes entrailles ton histoire est entrée. Mais il n'y a aucune envie en moi friande de cette éventualité. Je vois en toi un homme que la vie n'a pas épargné et je compatis à tes peines. Cependant au delà c'est juste un mâle qui est en face de moi. Et ni ma conscience, ni mon coeur ne sont prêts à vivre avec un mâle. Ma morale personnelle,celle que je me suis dictée, celle de ne plus faire confiance à un mâle est toujours aussi vive. Je ne peux pas être ta femme.

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AbdallahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant