Chapitre 1 : Harper

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Je contemple les verres vides face à moi depuis plusieurs minutes déjà. J'imagine la tête que je dois avoir et je plains les autres clients du bar, forcés de contempler ce pauvre spectacle. Mon téléphone vibre encore une fois et je décide de l'éteindre définitivement. Je n'ai envie de voir ou d'entendre personne, de toute façon je serai une bien triste compagnie. D'un trait, je termine ma Margarita et fais signe au serveur de m'en servir une autre. Je ne sais plus à combien j'en suis, je sais seulement que je veux effacer ce début de soirée catastrophique.
25 ans. 25 ans et célibataire le soir de mon anniversaire. Quelle vie épatante je mène.
J'essuie furtivement une larme qui s'est échappée furtivement de mon œil. Je ne pleure pas, les filles comme moi ne s'autorisent pas à laisser transparaître leurs émotions en public. Mais ce soir, le masque craquelle et laisse entrevoir ma nature si fragile et profondément enfouie d'ordinaire. Aujourd'hui on fête mes 25 ans mais également mon mois post rupture. A ce rappel douloureux, j'enfile une nouvelle gorgée de ma boisson. Comme si l'alcool pouvait effacer non seulement les événements des ces derniers jours mais également l'équivalent de trois années d'heureux souvenirs.

Doucement mademoiselle, je crois qu'il faudrait ralentir un peu la cadence ! Me conseille gentiment le barman.

Il s'agit d'un grand barbu, approchant la quarantaine, les cheveux et la barbe déjà grisonnants. Je lui souris faiblement, hochant la tête. Son visage respire la gentillesse mais c'est tout ce que dont je suis capable de répondre tant la tristesse et l'amertume m'assomment. Il a l'air bienveillant mais à vrai dire, même ma mère ne serait pas capable de m'arrêter ce soir.
C'est marrant quand on y pense, tout ce temps que l'on accorde à une personne, notre loyauté, notre amour... Sans jamais savoir, sans même jamais se douter que tout peut prendre fin en une fraction de seconde. On est tellement naïf d'y croire, on se donne corps et âmes, faisant confiance aveuglément. J'ai donné tellement de pouvoir, tellement d'énergie et maintenant que tout est terminé, je me sens vide. Épuisée, sans une once d'énergie. Comment peut-il se permettre de me voler mon propre bonheur ? Une boule s'est formée au creux de mon estomac, elle y loge depuis le début de la journée et ne semble pas vouloir disparaitre. Quelques minutes. C'est tout ce qu'il lui a fallut pour réduire à néant mes espoirs, mes rêves et mes projets. Depuis combien de temps y songe-t-il ? Je suis vraiment la dernière des imbéciles, comment n'ai-je pu rien voir venir ? Des questions qui tournent en boucle depuis plusieurs semaines sans trouver de réponses. Je jure que je pensais aller mieux. J'ai supprimé ce faux compte insta pour espionner les story des traitres, j'ai arrêté de me regarder nos photo le soir et la journée je me noie dans le travail pour faire passer le temps. Mais l'idée de passer mon anniversaire seule alors que l'avenir me paraissait radieux il y a encore quelques semaines me donne la nausée. Il a aussi fallu se  rendre a l'évidence que nos amis mutuels me considéraient uniquement du fait de ma relation avec leur grand gourou n'a pas été chose facile à accepter. Depuis je n'ai ni mec, ni pote.

Et pourtant, je me trouve ridicule. Tant de choses plus dramatiques se passent au moment même où je noie ma peine. Mais ce soir, plus rien ne semble avoir de sens. Je n'ai même pas annoncé à mes proches la terrible nouvelle, si bien qu'ils croient tous que je dois passer une soirée merveilleuse en compagnie de mon petit ami qu'ils adorent tous évidemment. Un des meilleurs amis de mon frère, je me demande bien comment il compte le lui annoncer d'ailleurs, mais c'est le cadet de mes soucis.
Je lui en veux tellement. Jamais je n'aurai dû le laisser prendre autant de place dans ma vie et croire qu'il y resterait pour toujours. Je m'étais promis de ne jamais dépendre d'un homme et  me voilà incapable de relever la tête : seule et triste comme les pierres.
Je vide d'un trait mon verre et supplie celui qui s'est improvisé gardien des bonne mœurs du regard. Je n'ai vraiment pas la force d'essuyer un refus, je veux seulement atténuer la douleur qui me lancine le ventre.
Ma mère m'a toujours dit « Ne place jamais ton bonheur dans les mains de quelqu'un d'autre que toi » et aujourd'hui plus que  jamais, je comprends cet adage. Cameron représentait tout pour moi, j'avoue m'être un peu perdue dans cet amour que je pensais éternel. La simple idée de devoir construire ma vie sans lui me soulève le cœur.

Et si la fin n'était que le début ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant