Chapitre 8 : Dimanche 8 mai

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Le lendemain arrive vite. Je suis dans la salle de musique à treize heures, et Mina arrive vers 13h30. On n'avait pas convenu d'heure précise, on avait juste dit « après le repas ». On se fait la bise, et j'ai envie de rester un peu trop longtemps contre elle, mais je me retiens.

- Tu vas bien ?

Elle hoche la tête. Ce n'est pas un oui franc, mais c'est déjà ça. Elle doit se rappeler m'avoir parlé de sa rupture et ne veut pas mentir.

- Je suis stressée, me dit-elle doucement.

Je ris.

- De quoi ? De chanter devant moi ?

Elle hoche la tête.

- De chanter mes compositions surtout. J'ai peur que tu n'aimes pas. Ou pire, que je vois que tu n'aimes pas mais que tu n'oses pas me le dire.

Je nie du visage.

- Tu as une voix incroyable, je sais déjà que je vais aimer. Et si ce n'est pas le cas, même si ça le sera, je te promets d'être honnête.

Elle hoche de nouveau la tête, et souffle.

- Allez, en place, je la motive.

Je lui pointe le piano du doigt. Elle commence de monter les marches de la scène tandis que je me mets au deuxième rang de la salle, au centre pour bien la voir.

- C'est une chanson sur... Enfin tu sais, Luke.

Elle semble mal à l'aise mais j'acquiesce avec un sourire pour tenter de la mettre à l'aise. Je crois comprendre qu'elle n'aime pas particulièrement s'étaler sur sa vie personnelle, et je me sens tout-à-coup très privilégié à l'idée d'entendre une confidence musicale de sa part. Encore une fois, je raisonne avec égoïsme, mais quand il s'agit de Mina, je n'arrive pas à faire autrement.

Elle se positionne face au piano et pose ses mains sur les touches avec la même délicatesse que ce mardi 1er février où je l'ai rencontré. Elle est époustouflante et elle n'a même pas commencé de jouer. Je la vois souffler pour couper à l'anxiété qui l'envahit. C'est étrange de se dire qu'elle peut être aussi angoissée avec le talent qu'elle a. Et encore plus par rapport à la simplicité avec laquelle a improvisé sur Bad Dream devant moi.

♪ Tears of Gold – Faouzia ♪

Quatre accords arrivent. Puis sa voix murmurant par-dessus. Elle ne prononce encore aucun mot mais je me sens déjà voyager dans les ondes de sa composition. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer sur le chef d'œuvre qu'elle m'offre. C'est magnifique.

Les premières phrases arrivent avec poésie. Elle a la voix lente, grave, intense. Et sublime, comme toujours. Par rapport à ses autres morceaux, le piano est beaucoup plus calme, minimaliste. Elle ne pouvait pas faire de meilleur choix pour parler de sa peine de cœur. Mon esprit s'allège de toute ses pensées parasites, et je ne fais que penser à elle, sa douleur, sa confidence.

Ma gorge se serre en l'entendant mentionner l'impact de la rupture sur elle, ses ressentis, ses émotions. Elle est déçue, désappointée d'avoir été si naïve. Elle saigne intérieurement. Mais je sais que l'exprimer par la musique lui fait du bien. Je sais qu'en posant sur le papier ces nombreuses métaphores qui lui ont sûrement arrachées quelques larmes, elle a aussi pu apaiser ses ruminations et sa peine.

Sa voix monte à la fin du premier couplet et elle se lance dans ce refrain aussi magnifiquement bien chanté que profond dans les paroles. Elle clame avec harmonie qu'elle pleure des larmes d'or pour celui qui a brisé son cœur. Elle hurle l'amour qu'elle a donné sans jamais recevoir ce qu'elle méritait en retour, les sentiments qu'elle auraient voulu ne jamais ressentir.

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