Me voilà sinistre dans cette ville froide
Que le vent perce et fait craquer
Les branches de bruyères et les feuilles nomades
Qui non plus, ne peuvent durer.
Le Temps même s'ennuie en ces heures moroses.
Saturne, seul et abdiqué
Prend congé de ses œuvres. Puis lentement, il pose
Son redoutable sablier.
J'entends les arbres frémir, l'eau dans les gouttières,
La pluie lourde battant les toits;
J'écoute, et je compare en mon âme légère
La veille à cette journée là.
Je m'endors parfois, sentant mon cœur croupir
Qui me murmure avec tendresse:
"Songe aux belles heures qui m'ont vu refleurir
Chargées de vie et d'allégresse."
L'espoir arrive, lance une brève étincelle
Au vide, au sombre, à la noirceur;
Et je la saisis, la blottissant sous mon aile,
Elle qui luit sur ma douleur.
Quand ai-je donc enterré mes beaux jours de gloire ?
Est-il quelqu'un de ma saison ?
Que peut-il bien rester de mes rêves illusoires,
De la vigueur de leur passion ?
Tout m'a donc quitté ? Je me sens lasse, éreintée;
Et sur mon front la nuit s'étend.
Ville dont le brouillard atténue la clarté
Suis-je la rose et toi le temps ?
Je sais la mémoire si propice aux regrets !
Je sais qu'aux remords tout me mène !
Et qu'il n'est pourtant plus question de s'attarder
Au bord du gouffre de mes peines.