Tempus irreparablie fugit

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Par un matin de givre, au froid, dans sa demeure

En planches décrépies, Alzire suit les heures

Comme un mendiant suivrait la route de l'espoir

Et saignerait des jambes pour marcher jusqu'au soir.

Comme un loup épuisé qui poursuivrait sa proie

Alzire est là, debout, vivant malgré le froid 

Et contemple cet enfer gris par la fenêtre

Ce vaste tombeau vide où l'on ne peut pas paître.

Vieille et triste Alzire, tu as cent ans déjà!

Echapperas-tu donc au tintement du glas ?

Tu es née bien fébrile parmi tes quatre frères

Dans la cabane en bois que construisit ton père.

La terre, le plancher, le fauteuil, toi, la mer...

Ce ténébreux cosmos que l'on nomme "la mer"

Qui tue à tour de bras et qui nourrit les hommes

Fait jaillir de son sein la somptueuse aumône. 

Par delà les flots noirs de l'entité en rage

Une ombre invisible s'approche du rivage.

Ce point dans l'horizon s'épaissit lentement

La vieille tout à coup, s'exclame en tremblant:

"Je vois venir vers moi une tâche terrible,

Qu'on me cache d'elle, je ne suis point sa cible!"

Sans essuyer ses pleur, elle tend ses pauvres mains

Vers les Cieux sans lueur de ce monde sans fin.

Pernicieuse et rapide, l'ombre atteint la grève.

Alzire condamnée, d'un seul geste se crève

Les yeux pour ne point voir sa Majesté la Mort

Qui s'en vient soulager tous ses cuisants remords.



Vers sur le ressentiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant