Chapitre 3

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Aissata

Le Prophète Muhammad (PSL) a dit : « S'il l'un d'entre vous se met en colère, qu'il se taise ». Ce hadith prend tout son sens. Si je l'avais appliqué, je ne serais pas dans cette situation.
Mon DRH se serait arraché les poils du nez s'il m'avait entendue m'adresser à Mr Dème de la sorte. Moi même, j'ai envie de me les arracher en y repensant.
Je sais reconnaître quand j'ai fait une erreur. Mon attitude était déplacée et grossière. Non seulement en tant que patronne, mais en tant qu'humain aussi. J'étais en colère et j'ai passé mes nerfs sur lui.
Je devrais savoir me contrôler pourtant. En terme de pression, j'ai vécu bien pire. Seulement, il y a de ces moments où on craque pour un rien.
Je sais aussi assumer mes erreurs. C'est pour cela que je me dirige vers le bureau de Me Dème actuellement. Pour m'excuser. Heureusement que les cubicles alentours soient déjà vides. Parce que assumer aussi ça a des limites. J'espère juste qu'il est toujours là.
Soufflant un bon coup, j'avance la main et toque.
- Entrez.
Il fronce les sourcils en me voyant puis son visage se durcit.
- Je vous dérange ?
- Non.
- Je voulais m'excuser pour tout à l'heure. Mes propos étaient inappropriés et discourtois. J'étais énervée et vous étiez juste sur mon chemin. Ce qui ne me  justifie rien. Aussi, je vous présente mes plus plates excuses. Ça n'arrivera plus.
- Ok.
- Ok ?
C'est tout ?
- Oui. Excuses reçues.
- La moindre des choses ce serait de les accepter.
- Je suis moi-même énervé en ce moment et je n'ai pas envie d'être gentil. Chose que vous comprendrez aisément, j'en suis sûr.
Je n'ai rien à répondre à cela. 1-1 là pour le coup.
- Je vois. Eh bien je ne vous dérange pas plus. Bonne soirée.
Il ne répond même pas le goujat. J'ai envie de le secouer comme un cocotier. Sauf que c'est moi qui ai commencé. Alors je vais devoir faire avec.
Avec un peu de chance, dès demain, ce sera déjà de l'histoire ancienne. Tout ça à cause de Jamila. Cet enfant va me rendre folle.
Je retourne à mon bureau et prends mes affaires, décidée à rentrer. Il n'est que 17h mais je sais que je ne vais plus être productive.
Comble de malchance, je tombe sur Mr Dème devant l'ascenseur. Galant, il me laisse rentrer en premier.
- Ça va mieux ?
- Pardon ?
- Je demande si vous vous sentez mieux.
- Oui, ça va merci.
- Désolé d'avoir été malpoli. Je n'ai pas du tout apprécié l'insulte tout à l'air.
- Je sais, je suis désolée.
- Pour être honnête, je n'étais pas énervé quand vous êtes venue me voir. Je voulais juste vous faire comprendre que tout le monde peut être désagréable sous l'effet de tourments internes. Il faut apprendre à se contrôler.
- Oui, je sais..
- Je sais comment vous pouvez vous faire pardonner.
La porte de l'ascenseur s'ouvre.
- Comment ? Demandé-je perplexe
- Dinez avec moi.
- Pardon ?
- Je vous invite à dîner. Qu'en dites-vous ? En passant, je pense qu'on pourrait se tutoyer, non ?
- Oui, bien sûr.
- Super. Samedi ? 21h ?
- Non, je voulais dire bien sûr, on peut se tutoyer.
- Trop tard. À samedi.
Il me fait un clin d'œil et se dirige vers sa voiture.
Mais ?
On a un rencard là, du coup ? Okaaaaayyy.
Mi-confuse, mi-amusée, je m'installe dans ma voiture.
Dès mon arrivée, je vérifie avec Ndaté que Jamila est rentrée à l'heure prévue. Puis je prends une douche et fais une sieste de 30mns. Ensuite, je me remets au boulot jusqu'à l'heure du dîner.
C'est à peu près cette routine qui se poursuit jusqu'en fin de semaine. Une fin de semaine que j'accueille à bras ouverts. Chaque semaine, je me dis que ce  week-end ci sera celui où je me détends. Et je finis toujours par me retrouver à travailler d'une manière ou d'une autre. Heureusement que les filles sont là et que parfois, elles improvisent des plans. Sinon ma vie serait d'un ennui mortel.
Même si je n'ai rien de spécial de prévu, je suis quand même soulagée qu'on soit vendredi.
Un coup à ma porte me fait lever les yeux.
- Entrez.
- Bonsoir.
Tiens, Ahmadou Dème. Que peut-il bien me vouloir ?
- Bonsoir.
- Comment ça va ?
- Bien et toi ?
- Ça va, merci. J'avais oublié que je n'avais ni ton adresse ni ton numéro de téléphone. Et bon, je crois qu'on va en avoir besoin pour coordonner demain.
- Euh... C'était sérieux cette histoire ?
- Très.
Malgré moi, de petites ondes d'excitation se propagent en moi. J'ai douté toute la semaine. On a pas eu l'occasion de se parler depuis le parking. Et plus important : il n'avait pas mes coordonnées. Avec le silence radio, j'ai essayé de me faire une raison.
Maintenant qu'il se tient devant moi, je suis mitigée. J'ai envie de sourire. Mais d'un point de vue réaliste, il y a peu de chances que ça aboutisse à quoi que ce soit.
Il me remet son téléphone afin que j'y tape mon numéro. Neuf chiffres plus tard, il me bipe afin que j'ai le sien. Et me demande si je peux lui envoyer ma localisation une fois à la maison. Je propose de le rejoindre directement au restaurant mais il insiste. Comme quoi les gentlemen passent prendre leur date. Hum.
Je finis par capituler et il s'en va en me souhaitant une bonne journée.
Inconsciemment, je commence déjà à passer mon dressing en revue. Je ne sais même pas si c'est un rendez-vous galant ou tout simplement un dîner entre collègues.
Me faisant violence, je me concentre à nouveau sur l'écran de mon PC. Ce n'est pas le moment de rêvasser.

SistersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant