Chapitre 28

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Madina

Je suis exténuée. Entre les courses pour le mariage et le boulot, ces deux dernières semaines ont été surchargées. Pourtant, tout est allé si vite pour le mariage de Mouna. C'est à croire que, plus on a le temps pour préparer un événement, plus il y a de choses à faire, plus on est indécis concernant les choix à faire.
Cet après-midi, j'ai rencontré la mère et la sœur de Cheikh Omar. Elles ont été très gentilles. À eux trois, ils forment un trio soudé. J'espère juste que je vais pouvoir m'intégrer. D'autant plus que je vais devoir vivre avec elles. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais. Ce n'était absolument pas dans mes projets de vivre avec ma belle-famille. Et je me retrouve avec un homme qui rechigne à abandonner sa mère âgée et sa petite sœur mineure.
Cela me stresse énormément. Nous avons des modes de vie différents, des habitudes différentes. Mais comme le mariage est fait de compromis, j'ai accepté de vivre dans leur maison familiale temporairement. Le mot clé étant temporairement.
Après ça, je suis passée voir ma décoratrice pour de légères modifications. De ce fait, je viens à peine de rentrer à la maison. Je viens à peine de me poser sur mon lit qu'on me demande de répondre. À ma grande surprise, je trouve Baïdy dans mon salon. J'avais même oublié son existence lui. Décidément, c'est une habitude pour lui de débarquer sans prévenir.
- La lâcheuse !
- Baïdy. Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je viens te voir puisque tu m'as ghosté.
- Moi ?
- Toi ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter que tu ignores mes appels et mes messages ?
- Rien. J'ai juste eu beaucoup de choses à faire.
- Je vois. Et bien sûr, je ne fais pas partie des priorités.
Ah copain, je ne vais pas te mentir hein.
- Tu me brises le cœur, dit-il en se tenant la poitrine.
- T'exagères.
- Tu vas bien sinon ?
- Oui et toi ?
- Je vais très bien. J'étais dans le coin et je suis passé te faire un coucou. Tu es belle là, c'est comment ?
- Bayil togn.
- Rafett dang ko kepp rk ni do ko bokk ak ken. (Tu as le monopole de la beauté)
- Baïdy, laisse-moi tranquille, dis-je en souriant malgré moi.
- Alors ça va mieux ?
- Mieux ?
- La dernière fois tu me disais que tu sortais d'une rupture etc. Le moral est bon là ?
Si tu savais...
- Ah si. Ça va très bien.
- Je suis heureux de l'entendre. Du coup, j'espère que tu es en train d'étudier mon dossier?
- Quel dossier ? Cheu Baidy, ne ramène pas ça sur le tapis. De toute façon, mon ex et moi, on s'est remis ensemble.
- Ça, c'est pas un problème. Tu le quittes c'est tout.
L'effronterie ??
- Madina. Toi même tu sais que ça a toujours été splendide entre nous. On s'entend sur tous les plans. Tu peux honnêtement me dire que depuis, tu as été aussi fusionnelle avec un homme que tu l'as été avec moi ? Je ne comprends toujours pas pourquoi on s'est séparés. Et même quand on a rompu, je me suis toujours dit que c'était temporaire. Moi je ne veux même pas sortir avec toi, ça ne m'intéresse pas. Ce que je veux c'est t'épouser.
Ihhhh
- On n'a pas besoin du protocole, on sait déjà que ça marche. La preuve, la dernière fois, on a passé un super moment alors que c'était juste un foot avec mes potes. Yow tu sais que je t'aime. Et moi, je sais que begno ma. Sinon, te connaissant, je ne serais pas là à t'en parler.
- Assalamou alaykum.
Je tourne la tête et tombe sur Cheikh Omar. Eh Seigneur. Pourquoi l'univers aime les problèmes ? Mon cœur s'accélère alors que je n'ai rien fait de mal. J'espère juste qu'il n'a pas entendu le je t'aime. Parce que sinon, ça va être chaud pour moi.
On répond à son salut puis je les présente brièvement.
- Cheikh Omar, Baïdy. Baïdy, Cheikh Omar.
Ils se saluent vite fait sans plus.
- Ça va ? Je ne savais pas que tu allais passer.
- Je t'ai appelée plusieurs fois.
- Ah, mon téléphone est en haut. Désolée.
- T'inquiètes.
Un silence gênant s'installe. Dans ma tête, je prie fervement pour que Baïdy s'en aille et alléluia, il entend ma prière sourde.
- Bon Madina, je vais y aller. C'était un plaisir de te voir, comme toujours, dit-il en se levant.
Je me lève pour le raccompagner en faisant savoir à Cheikh Omar que je serais de retour sous peu. Dans le couloir, Baïdy a l'audace de me demander si c'est son rival. Comme je suis pressée de me débarrasser de lui, je ne relève pas.
Je reviens m'installer près de Cheikh Omar avec un sourire.
- Mon amour...
- C'était qui ça ?
- Un ami...
- Pourquoi cette hésitation ? C'était pas lui qu'on avait croisé une fois déjà ?
- Si si.
- C'est ton ex khana ?
- Oui.
- Et tu me dis que c'est ton ami ?
- C'est aussi un ami, écoute.
- Ne jouons pas sur les mots, veux-tu ? Qu'est-ce qu'il faisait là ?
- Il était passé me voir.
- Ça, j'ai vu. Mais pour quoi faire ?
Et voilà, ça commence.
- Apparemment, il était dans le coin. Et après, il a commencé à me parler de sentiments et je ne sais quoi. Quand on avait rompu toi et moi, il avait réapparu brièvement et m'avait dit qu'il voulait qu'on se remette ensemble. Et là, il a ramené ça sur le tapis.
- Je vois. Tu lui as dit qu'on allait se marier ?
- Je n'ai pas eu l'occasion, tu es arrivé.
- Et je peux savoir pourquoi tu ne m'as pas présenté comme ton fiancé ?
Pourquoi tu cherches les problèmes monami ?
- Euhh...
- Euhh quoi ?
- À vrai dire, je n'y ai pas pensé.
- Tu n'as pas pensé à présenter ton fiancé en tant que tel. Ok.
- Chiii. Wa balma. C'était une erreur de ma part.
Il ne répond pas mais son faciès serré me fait comprendre qu'il est irrité.
- Tu es fâché ? Mais ne te fâche pas toi aussi.
- Je rentre, dit-il en se levant.
- Mais pourquoi ? Tu viens d'arriver.
- J'avais envie de te voir. Je n'ai plus envie de te voir.
Aïe.
- Dis pas ça, toi aussi. On ne va quand même pas se disputer pour ça.
- S'il y a une chose que tu dois savoir à mon propos, c'est que je ne partage pas. Et si tu m'as menti, c'est que tu dois avoir quelque chose à cacher. Si tu as des sentiments pour lui, il...
- Je t'arrête tout de suite. Je n'ai absolument aucun sentiment pour lui. Et je ne t'ai pas menti.
- Ça fait deux fois que tu me le présentes comme ton ami au lieu de ton ex. Ce n'est pas un mensonge ça ? Mey wax mounane je t'aime !
- En quoi ça t'avance de savoir que c'est mon ex ? Il n'a plus aucune importance pour moi. Mais, okay, j'ai eu tort. Ça ne veut pas dire que je cache quoi que ce soit.
- Si tu le dis.
Il s'avance et je le retiens par le bras. Il regarde son bras, puis moi. Je m'empresse de le lâcher.
- Je suis désolée, ok ? Ne pars pas, s'il te plaît.
Il reste sur sa position fermée alors j'insiste.
- S'il te plaît.
Il se rassoit. Je prends place à côté de lui.
- Cette bague, je la porte avec fierté. Et j'ai hâte de me marier avec toi. Tu n'as même pas idée. Depuis que je t'ai vu, je n'ai d'yeux que pour toi, Ba poulo. Binga nima djak la sago diekh. Meuneu touma deim ni pneu bou creux, tank yi bagn lamign bi dameu. Ma mudj fa nek di deureude deure. I am yours you are mine, in this love,  forever. You're the only one, that I need.
- Inutile de m'amadouer avec une chanson.
-  Wa souris, dis-je en battant des cils.
Il finit par rire en disant que je l'énerve. Et là, je sais que c'est tout gagné.
- Am nga chance. Benene yone je vous niouss tous les deux. (La prochaine fois, je vous casse la gueule à tous les deux)
- Imam dangey saga ?
Il me regarde mal, je fais mine de fermer ma bouche à clé.
- Lève-toi, on sort.
- On va où ?
- C'est une surprise.
- Kon merr bi diex na ? (Tu n'es plus fâché du coup ?)
- Dama koy bayi dé. (Je vais laisser tomber hein)
Je me lève et m'en vais chercher mon sac.
Il nous emmène à ce qui ressemble à un hangar ce qui m'intrigue sérieusement. D'autant plus qu'il y a de petits avions à l'intérieur.
- Cheikhou Omar ! S'écrie un homme en apparaissant.
- Babi !
Ils tombent dans les bras l'un de l'autre.
- Ça me fait trop plaisir de te voir.
- Et moi donc !
- Je te présente Madina, ma fiancée. Madina, Babi. C'est un ami d'enfance.
Aïe aïe aïe. L'entendre me présenter comme sa fiancée me donne envie de bomber le torse mdrr.
- Fiancée, hein ? Tu as changé, imam, se moque-t-il.
- Enchantée, Babi.
- Plaisir partagé. C'est donc toi qui a fait perdre la tête à mon ami jusqu'à il fait le romantique.
- T'as vu, non.
Je fais genre alors que de nous deux, c'est moi qui ai perdu la tête.
- Je te tire mon chapeau. En tout cas, tu es très belle.
- Merci.
- Arrête de faire le con et allons-y.
- Je n'ai même plus le droit de faire des compliments ?
- Non.
- Non mon gars est piqué nak. Allons-y avant que tu ne me frappes. Tu es prête Madina ?
- Prête pour quoi ?
- On va faire un tour en avion, m'annonce Cheikh Omar.
- Sérieux ???
- Oui, dit-il en souriant.
- J'ai trop envie de te sauter dessus.
- Je sais.
En lieu et place, je me mets à applaudir sur place comme une petite fille.  J'ignorais qu'il était possible de faire cela à Dakar. Je suis extatique. Alors ça, pour une surprise.
Nous suivons Babi et prenons place dans l'avion. Je comprends que Babi est le pilote. How cool is that !
Quelques minutes plus tard, nous sommes dans les airs. Je découvre Dakar by night au vrai sens du terme. Ses bâtiments, ses lueurs.  C'est magique de partager ce moment avec Cheikh Omar. Dakar est si belle, vue d'ici. Entre toutes ces lumières vues de haut, et toutes ces étoiles dans le ciel, je flotte d'excitation. Ressentant le moindre soubresaut du cockpit, mon adrénaline est à son comble. Mais c'est un détail que je relègue au second plan. Ce sur quoi je me focalise, c'est la vue. J'ai du mal à décoller le nez du hublot tellement la vue est splendide.
- C'est magnifique.
- C'est toi qui es magnifique.
Je me retourne et croise son regard. Pendant que je bois le paysage, lui me regarde en souriant. Eh kii jongué neu anh !
Un sourire béat se dessine sur mon visage. Cheikh Omar a le don de me faire me sentir importante. La façon dont il me regarde, la façon dont il me hype. Cet homme, je l'aime.
On longe la côte avant de retourner au point de départ. Avant d'atterrir, Babi s'est même permis deux accrobaties, mettant mon cœur à l'envers. Ces 45 minutes viennent d'entrer dans le top 5 des meilleurs moments de ma vie. Entre les décharges l'adrénaline et de dopamine, j'ai été servie.
- Alors les tourtereaux, vous avez passé un bon moment ?
- C'était sensationnel. Merci, Babi.
- Merci, bro, répète Cheikh Omar en lui faisant une accolade.
- Inutile de me remercier. Tu sais bien que je vais te le faire payer.
- Je sais. On s'appelle ?
- Sans faute. C'était un plaisir de te rencontrer, fiancée.
- Tout le plaisir était pour moi. À très bientôt, j'espère.
- Incha'Allah.
Je crois bien que c'est la première fois que je prononce c'est mots et que je les pense vraiment.
On retourne à la voiture et je ressens le besoin de m'arrêter et de remercier mon fiancé.
- Merci, mon amour. C'était super. J'ai A-DO- RÉ ! Ndeketé nii nga romantiqué (je ne savais pas que tu étais aussi romantique).
- J'ai plus d'un tour dans mon sac.
- Je vois ça.
- Je suis trop trop contente.
Mon seul regret, c'est de ne pas pouvoir le serrer dans mes bras afin de lui communiquer physiquement tout ce bonheur que je ressens en moi.
- Sa surprise bi am na maana tropp. Lii mom faut que ma feyou ko. (Ta surprise a été à la hauteur. Il faut que je te rende la pareille)
- Toi rk tu es une surprise au quotidien.
- La disqueeeette ! Cheikh Omar Ba, tu sais trop comment me parler.
- We aim to please. (Nous visons votre satisfaction)
Les papillons qui se promenent dans mon ventre depuis un moment, redoublent de vigeur. Si c'est possible, je viens de tomber à nouveau amoureuse de lui.



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