Chapitre 14

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Mounina

Une énième chanson d'amour résonne dans l'habitacle. Je ne sais pas si c'est un hasard ou s'il a mis cette playlist exprès. En tout cas, les déclarations s'enchaînent les unes après les autres.
Subitement, mon mari a décidé d'être romantique. Il est passé me prendre au bureau pour un dîner en amoureux.
Ça m'intrigue qu'on sorte de la capitale. Mais apparemment il a découvert un endroit splendide qu'il veut tester avec moi. D'où  l'intérêt de quitter si tôt pour pouvoir rentrer à une heure décente.
J'aurais préféré rentrer, prendre une douche et me faire une beauté. Sauf qu'on ne m'a pratiquement pas laissé le choix.
Le soleil est presque couché lorsqu'il se gare devant ce qui ressemble à des cabanes modernes. Les derniers rayons de lumière aidant, je devine un cocon entouré de verdure. J'aurais aimé apprécier tout cela à la lumière du jour. Tout ça m'a l'air bien charmant.
Ibrahima sort un foulard de sa boite à gants et me regarde malicieux.
- Tu vas fermer les yeux, je vais vérifier un truc vite fait et je reviens.
Sans me laisser le temps de protester, il me passe le bandeau sur les yeux.
- Je reviens tout de suite.
Euhhh...
- Ok.
J'entends ses pas s'éloigner de la voiture lorsqu'il descend. Puis, c'est le silence. En tendant l'oreille, je perçois le vent qui tourbillonne au gré de ses envies. Ainsi qu'un léger bruit de vagues.
Immédiatement, des images de dîner sur la plage avec un bataillon de bougies m'envahissent la tête. Peut-être est-ce ça la surprise.
Un petit sourire étire mes lèvres. Yasssss ! L'homme n'est pas fou à ce que je vois.
J'attends trois, quatre, cinq minutes. Plus peut-être. Je ne sais pas trop. Le temps est un peu déformé derrière ce rideau qui m'obstrue les yeux.
Des pas s'approchent à nouveau. Ma portière s'ouvre.
- Je suis là. Je vais te prendre la main et te guider, d'accord ?
- D'accord.
Je le suis précautionneusement. Il s'arrête brusquement et je me sens soulevée du sol.
- Khay ! Qu'est-ce que tu fais ?
- La tradition veut que l'on porte sa jeune mariée pour franchir la porte lors de la nuit de noces.
- Hein ?
Ses mots n'ont aucun sens pour moi.
Il fait quelques pas et semble monter des escaliers avant de me reposer par terre. Le bandeau défait, je cligne des yeux afin de me réhabituer à la lumière.
En lieu et place de la plage que j'avais imaginée, il y a une chambre parsemée de pétales de roses et de bougies décoratives.
- Je crois qu'il est temps pour nous de consommer ce mariage, tu ne crois pas ?
- Pardon ?
Je ris nerveusement. Il ne peut pas être sérieux, si ? D'où tu prévois un truc aussi important sans prévenir l'autre partie ? Ne serait-ce que pour que je me prépare mentalement.
- Tu... Juste comme ça ?
- Détends-toi. On est là pour tout le week-end. Tes sœurs t'ont préparé tes affaires, je vais te les chercher tout de suite. Surprise !
Je ne sais pas si c'est le choc mais j'arrive pas à trouver de mots.
- Tu n'aimes pas ? Je croyais que ça te plairait. On avait besoin de temps, seuls tous les deux. Je me suis dit qu'une petite lune de miel te ferait plaisir.
- Si. Je suis surprise, c'est tout. C'est super beau. Mais pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Si je te l'avais dit, tu aurais stressé, tu te serais pris la tête. C'est bien plus simple ainsi. Par contre, ce n'est pas la réaction que j'attendais. Je te sens réservée. J'ai eu tord ?
- Laaane ! Tu rigoles. J'ADORE. J'ai juste besoin d'une seconde. Ça y est !
Je lui tombe dessus comme une tornade, passant de zéro à cent en deux secondes. Je n'avais juste pas absorbé la chose. C'est vraiment une surprise. Il m'a eue.
Mes sœurs sont de vraies cachotières. Depuis quand est-ce qu'ils planifient tout ça ? Je n'ai vraiment rien vu venir. Un voyage de noces surprise. C'est fantastique, je n'en reviens pas. Je regarde tout autour de moi, admirant la décoration. Il y a une petite odeur de jasmin dans l'air. Ce qui ne fait qu'accentuer le sentiment de bien-être.
Après l'excitation vient brièvement l'appréhension. Je vais passer à la casserole ce soir. La dernière fois, c'était plus facile. Car je m'étais préparée psychologiquement.
Mais là, c'est un peu trop brutal pour moi. Ma virginité une fois qu'elle sera partie, il n'y aura plus de retour en arrière. It will be gone gone (Ce sera parti pour de bon). Je suis bizarre, je sais. Après tout, l'un des buts du mariage c'est justement de pouvoir faire l'amour légalement.
N'empêche, je me sens... nostalgique ? Nostalgique envers cet hymen dont l'existence n'est que vague dans mon corps.
Une fois qu'il a ramené nos affaires de la voiture, on passe à table.
- Tu es bien calme, ce soir. Tu es stressée ?
- Stressée à propos de quoi ?
- Du fait que je vais te beut aujourd'hui. (Percer)
J'avale de travers et suis prise d'une quinte de toux. Il me sert un verre d'eau en se moquant gentiment.
- Bul meu rousslo waay. Yow ma fogone ni thug ngeu ? (Tu me mets la honte. Je pensais que t'étais une guerrière)
- Mais je le suis. C'est toi qui me choque avec tes paroles, c'est tout. Sinon, je suis sereine moi.
- Ouais, c'est ça.
- Sérieux, dis-je faiblement.
- Ne t'inquiètes pas. Si tu n'es pas prête, je comprendrai.
Il me fait un sourire rassurant auquel je réponds sans grande conviction.
- Tu m'en veux toujours ?
Si je lui en veux ? Oh oui. Seulement, il fait des efforts et je n'ai pas envie de plomber l'ambiance.
- Ton silence veut tout dire.
- Ça va me passer.
- Je suis désolé de la façon dont j'ai géré les choses jusqu'ici. Ce qui est fait est fait et je ne peux pas le changer. Désormais, les choses seront différentes. Tu as ma parole. Tu me pardonnes ?
- Oui.
- Viens là.
Il me fait assoir sur ses genoux et finit de me nourrir. Aka jongué sama aladji bi. (Quel homme !)
Le dîner terminé, on va se laver à tout de rôle. Puis, il dirige la prière en rajoutant 2 rakka'a surrégatoires à la fin desquelles il fait des duas pour nous. Les «amine» me viennent du fond du cœur. Ça me remplit de légèreté de l'entendre psalmodier à mon endroit, à l'endroit de notre couple. Savoir que cet homme est mien, est l'un des meilleurs sentiments qui m'ait animée de toute ma vie.
Quand c'est l'heure d'aller au lit, je passe un très long moment dans la salle de bain à me préparer. Dans ma valise, j'ai trouvé de la lingerie traditionnelle et moderne. Les filles ont voulu me laisser le choix. J'ai craqué pour un ensemble en maille de couleur orange constitué d'un mini pagne et d'un haut aux mailles si lâches que I might as well be naked (que je pourrais tout aussi bien être toute nue)
Cependant, depuis que je l'ai passé, je n'arrive pas à sortir.
Ibrahima finit par toquer à la porte pour me demander si je suis toujours vivante. Je prends mon courage à deux mains pour aller l'affronter.
Je me retrouve nez à nez avec lui en sortant. Il me regarde de haut en bas.
- Tu es belle, dit-il intensément.
- Merci.
Me prenant la main, il m'entraîne vers le lit. Il saisit la bouteille d'huile sur la table de chevet et me demande de m'allonger.
Je sens ses mains défaire le nœud qui retient le top dans mon dos puis se poser à même ma peau. Mon corps se détend sous ses mains expertes. Il s'en faut de peu pour que je m'endorme.
Puis, je sens ses lèvres parsemer mon dos de bisous, et remonter jusqu'à mon cou. Un picotement inconnu mais agréable se manifeste dans le bas de mon dos. L'excitation.
- Retourne-toi.
Je lui obéis. Il fait glisser la maille sur mes bras et me masse la poitrine avant de conclure le tout par des baisers. Sur mes seins, sur mes lèvres... faisant de moi un être totalement alerte, à des lieux de la langueur dans laquelle m'avait plongée son massage.
À un moment, je le sens enlever son boxer. Inconsciemment, mon corps se raidit. Il perçoit aussitôt le changement dans ma posture.
- Je vais y aller doucement, c'est promis.
J'acquiesce de la tête. Mais dès qu'il se rapproche de mon entrejambe, je la couvre de mes mains.
- Tu veux qu'on arrête ?
Plus je vais attendre, plus cela me torturera. Tôt ou tard, j'y passerai. Autant le faire maintenant.
Je souffle un grand coup essayant de maîtriser les battements effrénés de mon cœur.
- Non, je suis prête.
Il scelle ces mots d'un baiser marquant ainsi le début de mon accession au statut de femme.



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