Putain de Campagne

PR1V3

Je l'ai regardé d'un air benêt pendant quelques instants :

-Hein ?

-J'ai dit-

-J'veux dire, j'ai coupé, pourquoi ? D'où ça sort ? Comment ? Z'êtes pas censé me convaincre d'l'inverse, justement ?

-Il faut croire qu'avoir enfreint mon devoir une fois aujourd'hui me pousse du mauvais côté, il lorgna le châtain -sans que ce dernier ne le remarque. Si je me permets ce genre d'écart pour des prétextes sentimentaux, pourquoi pas toi ? Je suis d'accord. Mais il me faut une solution et de quoi convaincre Eloy pour ça. On ne peut pas laisser une créature dans la nature comme ça. Et si nous forgeons un nouveau contrat, il faut quelque chose de bénéfique pour tous. Très bénéfique

J'ai mis mon cerveau à carburer.

Mais là encore, je n'étais pas le point fort intellectuel de la bande.

J'ai donc lancé mon meilleur regard « help » à Alwin.

Nos yeux se rencontrèrent enfin et il capta ma détresse.

Il mena sa main à ses lèvres, je compris que c'était synonyme de réflexion en approche, et je ne pus m'empêcher de sourire en grand en l'embrassant mentalement.

-Déjà, fit-il doucement, il faudrait savoir... Comment il voit la chose. En soit, le- la- renvoyer Evy est un travail en plus. Théoriquement, il est déjà plus apte à-

-Non, coupa soudainement le presque-succube, nous surprenant tous. Ne vous embêtez pas. Il prendra grand plaisir à me renvoyer de là d'où je viens.

Ouch.

J'avais cru le comprendre, mais l'entendre fit quand même couler mon cœur dans mon estomac.

-Pourquoi cela ? l'autre fronça les sourcils, n'ayant de toute évidence pas remarqué la dent de l'adulte contre elle (mais pouvais-je lui en vouloir quand il avait dû gérer une certaine révélation en plus ?).

Elle releva enfin les yeux pour me regarder, et je compris que les paroles m'étaient uniquement destinées :

-J'ai travaillé contre lui. Une des membres de « l'organisation » était conservative et souhaitait prouver qu'on ne pouvait faire confiance aux hommes pour leur donner autant de connaissances. Je devais le séduire pour rendre compte de ses faiblesses afin qu'elle les exploite et l'humilie. J'aurais même pu voler ses travaux. Si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas par bon cœur, je me suis simplement faite attrapée avant. Je devrais peut-être avoir honte -et peut-être même est-ce ce que je ressens légèrement, mais je ne peux m'empêcher de me dire que ça valait le coup, d'être restée aussi longtemps à la surface, d'avoir autant été libre. Le contrat était un des meilleurs que j'ai jamais eu. Je suis rarement employée par des femmes.

Ouch fois deux.

Je me suis gratté la joue en essayant de tordre toutes ces infos dans l'espoir de trouver quelque chose de positif :

-C'était... quand ?

-Il avait vingt-deux ans.

-Et... toi ?

-Je n'ai pas d'âge. J'existe juste. Mon plus vieux souvenir remonte au Moyen-Âge.

Ça m'a fait bizarre. Oui, je la voyais jeune- mais déjà, rien que sous sa « réelle » forme, elle approchait plus la vingtaine qu'autre chose (du moins, autant qu'un presque-succube peut avoir un âge apparent). Mais ç'aurait été comme.... Voir Alyasà sortir avec quelqu'un de vingt-cinq ans. C'était mauvais !