Oui. Bien qu'il semble que ce soit moi qui vous ai trouvée.
C'est lui. Le hacker.
« Prouvez-le » envoyé-je néanmoins.
Après quelques instants, je reçois une série de lignes que je parcours des yeux, estomaquée. C'est la carte d'identité du virus.
C'est vraiment lui.
Malgré l'étrange excitation qui m'envahit, je reste lucide. Je parle avec un meurtrier. Avec ma cible, plutôt. J'ai moi-même un statut d'ancienne criminelle, alors qu'il soit qualifié de meurtrier n'est qu'une information comme une autre. Ce qui importe, c'est que ma cible m'ait contactée. Ce qui me semble complètement insensé.
« Pourquoi me contacter ? Tu ne devrais pas être occupé à tuer des gens, voler leurs données, ce genre de choses ? »
Je n'ai pas arrêté. Mon virus se propage toujours.
« Tu sais que tu tues des êtres humains ? Le gouvernement va t'enfermer à perpétuité une fois que quelqu'un t'aura trouvé. Peut-être ce quelqu'un sera-t-il moi »
Je ne tue pas d'êtres humains.
Je fronce les sourcils.
« L'homme du bar, la victime de la KnochenStraße sont des humains »
Non. Ce sont des machines greffées sur des corps de chair. Je tue des systèmes technologiques.
« Nous restons humains. Nous sommes des êtres vivants. »
Les androïdes aussi sont vivants. Pourtant, sont-ils réellement humains ?
Qu'est-ce qu'être humain, de nos jours ? Avoir des émotions ? Les androïdes en éprouvent. Avoir des organes, un cœur, un cerveau ? On les remplace à tour de bras par des systèmes artificiels. Alors dites-moi si je tue de vrais humains, ou de simples machines perfectionnées. Pour ma part, j'estime ne tuer rien d'autre que des amas de câbles et de données. Des ordinateurs.
« Nous restons humains. »
Vous vous répétez.
Je pince les lèvres. Cette conversation me met mal à l'aise, surtout après mes réflexions sur notre dépendance vis-à-vis des SEN.
« Pourquoi m'avoir contactée ? »
J'étais curieux de connaître ta manière de penser. Mais tu me parais attachée aux mensonges proférés par le gouvernement. Tu ne vois pas que le monde se peuple de robots, que les soi-disant humains disparaissent. Que tout devient machine. Même moi, je suis devenu une machine de métal et de plastique. Alors j'ai décidé d'exploiter mes nouvelles possibilités.
L'hypocrisie que je lis dans ces mots me tire un rictus méprisant.
« Dans quel but ? »
Rendre ce monde aux vrais Hommes. Et pour cela, il faut ouvrir les yeux de ceux qui peuvent encore voir la vérité. Je n'arrêterai pas mon virus. Les SEN sont l'instrument de la métamorphose des êtres en robots. Alors ils disparaitront. Peu à peu, inexorablement, sans que personne ne puisse rien y faire.
Et lorsqu'enfin les humains en seront libérés, j'aurai réussi.
Un bref signal de mon SEN m'apprend que je ne peux pas répondre à ce correspondant. Mes doigts se serrent et je peste contre ce foutu hacker hypocrite. Quelle machine cherche à détruire ses semblables ?
Et ce charabia sur l'humanité...
Je reste persuadée que nous sommes encore humains. Même affublés d'organes artificiels, de systèmes ultra-perfectionnés, nous restons humains.
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le Coeur des Hommes
Science FictionSyna vit à Berlin-Zwei, une mégalopole technologique où elle gagne sa vie grâce à ses capacités en informatique. Logée chez Petra, une mécanicienne bourrue, la jeune femme s'accommode d'une existence dépourvue de but. Elle se laisse porter par le t...