Chapitre 11

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J'y suis. Je fixe l'écran où s'affiche le message de Kam.

Ce n'est qu'une liste. Une liste longue, recensant des androïdes compétents en informatique. Parmi eux se cache très probablement le hacker que j'ai juré de trouver. Et s'il n'y est pas, au moins, je pourrai mener l'enquête.

Dans mon esprit, une tempête se lève. L'enivrante quête de vengeance qui guide ma vie progresse. Bientôt, j'aurai mis la main sur ma cible.

Je lâche un souffle tremblant d'anticipation. Elle est loin de se douter de ce qui l'attend.

Je lève les yeux de l'écran et m'assure d'être seule dans la chambre. Azur est en bas, il prépare de simples pâtes nature pour notre souper. J'entends les bruits caractéristiques de l'eau qui bout, des assiettes dont il dresse la table. Avec seulement deux places.

Un pincement au cœur m'étreint, alors que je songe à ce que je m'apprête à faire. Il n'a pas mérité ça, mais je n'ai pas d'autre choix.

Je me lève de mon lit et approche de mon coin du bureau. J'en ouvre le tiroir et en tire une lame, laquelle reflète brièvement mon visage blême et émacié, aux cernes creusés et violacés. J'ai le regard fou. Je m'en moque.

Sans prendre le temps de réfléchir, je la plante dans mon poignet, dans la chair tendre et pâle qui cache un petit bout de métal renfermant toutes mes données personnelles. Renfermant mon identité.

Le sang coule sur le sol, goutte depuis mon bras, mais je serre les dents. La douleur est moins forte que ce à quoi je m'attendais.

J'extirpe la puce en retenant une grimace, puis la pose sur le bureau, encore collante de fluides. Je lève le couteau taché d'écarlate et l'abats sur le métal, le brisant en deux.

Je n'existe plus.

*

Le bandage blanc est déjà coloré de rouge, alors que je remonte la lanière de mon sac sur mon épaule. Ma veste me colle la peau, la capuche cache mon visage alors que je me faufile dans la ville vers les quartiers périphériques. Mes pieds écrasent les flaques d'eau sale, les passants ne font pas attention à moi et je finis par m'arrêter devant une façade de béton craquelé.

« Adams Blut », clament les lettres à demi décrochées. Les fenêtres, toujours aussi opaques, ruissellent de pluie.

Je soupire et pousse la porte, pénétrant dans la pièce surchauffée à l'atmosphère puante de sueur.

*

Azur.

Tout d'abord, je suis désolée.

Je suis partie. J'ai trouvé un moyen d'atteindre le hacker. Alors je vais le trouver. Tu te doutes que je ne le laisserai pas en vie. C'est pourquoi je ne veux pas t'impliquer.

Je vais disparaître et tu vas probablement m'en vouloir. Je suis désolée, mais j'ai besoin d'accomplir cette vengeance. Sinon, je vais devenir folle. Mais peut-être le suis-je déjà. Je ne sais pas. J'en ai assez.

Prends soin de toi. Je sais que sans ID, tu vas avoir quelques problèmes, mais tu trouveras bien parmi tes talents une manière de les contourner. J'ai confiance en toi.

Mais n'essaie pas de me retrouver. Je serai fichée comme meurtrière, alors mieux vaut te tenir à l'écart.

J'aimerais pouvoir te serrer dans mes bras.

S.

J'ai longtemps cherché mes mots, mais finalement, j'ai envoyé mon dernier message à Azur.

Dorénavant, je ne pourrai sans doute plus entrer en contact avec lui.

Ça fait mal de l'abandonner. Je me révèle aussi pourrie que ses parents, finalement.

Un lourd soupir franchit mes lèvres, alors que je me recale dans la chaise que j'occupe au fond du bar « Adams Blut ». Là, attablée dans l'ombre d'une alcôve, personne ne vient me parler ou ne me fixe trop longtemps. Je suis presque invisible.

C'est d'ici que je commencerai ma traque. C'est ici que débute ma chasse.

Je tuerai ce fumier moi-même. Ça ne me fait plus ni chaud ni froid de me salir les mains, ma vie n'a de toute manière plus aucun sens. Le peu d'équilibre que j'avais s'est écroulé.

J'avale une gorgée de mauvaise bière en grimaçant. Heureusement que ça ne coûte presque rien.

— Mad'moiselle ?

Le tenancier, un colosse aux bras métalliques, me lance un regard suspicieux. Je lui retourne une mine sombre, agacée d'être dérangée.

— Quoi ?

— Y a quelqu'un qui vous d'mande.

Je plisse les yeux. Personne ne pourrait savoir que je suis ici. Pas aussi rapidement.

Néanmoins, la curiosité est plus forte que ma prudence. Je me lève et suis l'homme jusqu'à l'arrière du bar, la main discrètement posée sur ma dague sous mon manteau.

Mais lorsque je vois qui se tient dans l'ombre d'une ruelle, mes yeux s'écarquillent.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

Azur m'observe sans rien dire, puis fait un signe de tête au barman, qui nous laisse seul sans protester. Les yeux bleus de l'adolescent reviennent se poser sur moi, alors que je cherche en vain une explication.

— Je suis ici chez moi, Syna.

— Comment ça ? m'exclamé-je en approchant de quelques pas vifs.

— Mes parents. Je sais qui ils sont. Je l'ai toujours su en vérité, mais je ne pouvais pas retourner chez eux.

— Quoi ? Mais...

— Ils contrôlent ce quartier. Et ils m'ont mis à la porte parce qu'ils me croyaient trop faible pour survivre dans ce charnier. J'ai gardé le secret parce que ça ne servait à rien de te dire tout ça. Mais si tu ne m'avais pas emmené, je serais probablement mort.

— Pourquoi me dire tout ça maintenant ? soufflé-je, complètement perdue.

Azur laisse un sourire étirer ses lèvres. Un sourire doux qui me fait pourtant penser à un serpent.

— Parce que je compte bien les éjecter à mon tour. Et je veux t'aider. Mon existence même relève de l'illégalité et je suis le fils de criminels mafieux. Alors m'associer à une future assassin, je ne suis plus à ça près...

Une inexplicable joie m'envahit à ces mots. Sans prendre la peine de me retenir, je viens le serrer dans mes bras, faisant fi de l'habituelle considération qui m'en empêche. L'adolescent accepte l'étreinte sans rien dire, puis vient saisir mon poignet et passe deux doigts sur le bandage imbibé de sang séché.

— Viens, il faut s'occuper de ça. On planifiera le reste plus tard.

Et nous nous enfonçons ensemble dans la nuit de Berlin, suivis du spectre ricanant de la vengeance...





Hey ! 

Tout d'abord, merci d'avoir lu cette nouvelle jusqu'au bout :D

J'ai beaucoup aimé développer cet univers et Syna, un personnage un peu différent de mes protagonistes habituels... mais je l'aime bien haha. 

J'espère que ça vous a plu de découvrir cette courte histoire :)) N'hésitez pas à laisser une petite trace de votre passage, ça me ferait très plaisir ! Et c'est une incroyable source de motivation <3

Si vous désirez découvrir le reste des histoires que je partage avec vous sur mon profil, je vous y accueillerai avec un grand plaisir <3  


La bise <3

Tsun

le Coeur des HommesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant