Message aux habitants du quartier de LichtHund. Veuillez éviter la KnochenStraße.
Je répète.
Message aux habitants du quartier de-
— Tu as des infos ? C'est quelque chose de croustillant ? La KnochenStraße est plutôt fréquentée ces jours-ci...
Je soupire et bois une autre gorgée de ma boisson pétillante. L'alcool descend presque langoureusement dans mon œsophage, alors que je détache mes yeux de l'écran qui illumine un coin du bar. Devant moi, Kam, la barmaid, termine l'essuyage d'un verre à la forme irrégulière et appuie ses coudes de métal sur le comptoir, rivant ses prunelles vert d'eau dans les miennes. Ses doigts de titane s'entrecroisent sous son menton et elle penche la tête, dans l'expectative. Je souffle bruyamment.
— Je ne sais pas tout. Tu me prends pour qui, là ?
— Une hackeuse de génie qui adore fouiller la Toile. Allez, tu dois bien savoir quelque chose...
Je fronce le nez. Je viens ici pour me détendre, pas pour dépeindre la vie des gens à tout va ! Même si je l'avoue, j'ai déjà eu recours à cette source d'informations étonnante qu'est Kam. Elle discute avec tout le monde, écoute tout le monde, et raconte ses histoires à quelques privilégiés. Dont je fais partie, depuis que je me suis écroulée, ivre, sur son comptoir, et qu'elle a décidé d'aider ma pauvre carcasse à rejoindre l'atelier de Petra en échange d'un dépannage informatique le lendemain. Je suis revenue plusieurs fois dans ce bar, et je sais que j'y serai bien accueillie. Kam parvient à maintenir une ambiance agréable dans son établissement, ce que j'apprécie, alors que les autres bars tombent dans la violence des ivrognes. Bon, il se pourrait que la quantité astronomique de limonade améliorée que je consomme à chaque visite pèse aussi dans la balance.
Je croise son regard attentif et soupire.
— Eh bien, je ne passe pas mon temps à jouer l'espionne. Donc je ne sais pas.
Elle m'offre une moue dubitative, puis se détourne lorsqu'un bruit de verre brisé retentit non loin. Elle fusille aussitôt le client du regard et marche à grands pas vers l'homme terrorisé qui recule, les yeux écarquillés.
— Je... j'ai pas fait exprès, bafouille-t-il.
— Ah ouais ? Vous allez me rembourser ce verre quand même. J'ai passé trente minutes à le fabriquer, celui-là ! Je me fous que vos mains soient aussi maladroites que le chiot de ma voisine. Allez, ça fait trente marks.
Ce ton ne m'étonne plus ; Kam n'a aucun filtre et on ne peut pas dire que ce soit sa douceur ou sa gentillesse qui attirent les clients dans son bar.
Je porte mon verre à mes lèvres sans plus faire attention au pauvre type que la dragonne Kam s'apprête à dépecer. A vrai dire, l'androïde ressemble à un colosse de métal et on pourrait croire qu'ils ont placé une tête de femme sur un corps d'homme dans la chaîne d'assemblage, mais c'est ainsi que Kam désirait son corps. Elle ne le cache d'ailleurs pas et porte toute sorte de prétendus t-shirts échancrés — à mon humble avis, ce sont plus de simples bandes de tissu qu'elle pose sur ses épaules. Et ce soir, elle a même poussé jusqu'au minishort. Le tout couvert de paillettes argentées et balayé par quelques mèches vert clair.
Je l'ai toujours trouvée impressionnante.
— Je vous jure que je sais pas ce qui m'a pris ! Je buvais juste et d'un coup, tout a tourné, et...
— Je me moque de vos excuses. Je fabrique tous ces verres moi-même alors si vous pouviez me donner trente marks maintenant, ça me permettrait de continuer mon travail ! Je suis occupée.
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le Coeur des Hommes
Fiksi IlmiahSyna vit à Berlin-Zwei, une mégalopole technologique où elle gagne sa vie grâce à ses capacités en informatique. Logée chez Petra, une mécanicienne bourrue, la jeune femme s'accommode d'une existence dépourvue de but. Elle se laisse porter par le t...