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Je m'assois dans la chambre 232, sur la chaise a côté de Calvin Moore, et le regarde.

Il a reprit des couleurs depuis deux semaines, et ses constantes sont de plus en plus bonnes.
Étonnamment puisque les médecins ainsi que moi-même ne croyions plus à son réveil.
Je me lève pour aller chercher de quoi lui nettoyer le visage et prendre soin de ses cicatrices en lui appliquant la crème hydratante prescrite par le médecin .
En me ré-approchant du patient, l'air s'est chargé de tentions, d'électricité.
Mon coeur s'affole, et je ne sais pas pourquoi.

-Je vais nettoyer votre visage, ça vous fera du bien, je lui chuchote à l'oreille.

Je prends un gant que j'humidifie et lui nettoie son beau visage.
"Annie, stop !" me lance ma conscience, toujours en colère contre moi depuis que docteur play-boy est venue dans mon lit.

Je lui lave le cou. Je sens son coeur qui bat, légèrement plus vite que d'habitude, le monitoring s'accélère très légèrement.

-C'est un peu froid, c'est normal. Dès que vous vous réveillerez, on pourra vous doucher correctement avec une eau bien plus chaude.

Je remarque que ça barbe à drôlement poussée, je demanderais à ce qu'elle soit rasée demain.

-La, je ne parle plus au patient mais à vous  en tant qu'humain. Vous en savez plus qui quiconque dans cet hôpital sur moi. Alors ne vous avisez pas de le répéter, si vous en souvenez, bien sur.

Ce qui est très rare.

Rien ne change sur son visage. Toujours sans expression, vide. J'aurai tellement apprécier voir un léger sourire.

-Des fois, j'aimerai que vous me répondiez .

Quand je m'adresse à lui, c'est tout le temps en chuchotant. Mais quand je parle au patient, je lui parle distinctement.
Je n'ai pas réussit à le tutoyer, son visage et sa prestance m'intimide, je n'arrive pas à savoir pourquoi.

Je me demande ce qu'il fait comme métier. Je le vois bien médecin ou grand P-DG d'une entreprise, faisant peur à ses employés. Je suis sûre que c'est un bourreau des coeurs, qu'il en a vu des femmes nues.

"Mais à quoi tu joues ???" me lance ma conscience. Oui c'est vrai. A quoi je pense moi ? Ce n'est pas sérieux. Heureusement qu'il n'entend pas mes pensées.

Je me rassois à côté de lui sur la chaise, fatiguée de ma journée, et fatiguée que personne ne me réponde. Je parle quand même à un homme dans le coma. Mes histoires sont le cadet de ses soucis.

Je ferme les yeux quelques minutes, enfin ce qui me semble quelque minutes.

Je me réveille en sursaut, 3h30. Non. Ce n'est pas possible, j'ai dormit plus d'une heure ? Je me lève d'un coup pour aller voir mes patients.

Monsieur Henri dort profondément en ronflant, ses constantes n'ont pas changé, madame Robinson dors aussi, elle est si calme la nuit, dieu merci, et j'entre dans la chambre de monsieur Clay.

-Vous ne dormez pas ? Je l'interroge avec douceur.

-Vous non plus...

Il me regarde avec un regard triste, et il sourit. Première fois que je le vois sourire, et première fois qu'il me regarde.

-Ça ne va pas ?

-Je ne veux pas mourir. me répond-il avec les larmes aux yeux.

-Est-ce le cas, là, maintenant, tout de suite ?

-Non, bien sûr que non, dit-il dans un sanglot.

-Et bien alors. Je lui souris et m'approche de lui, pour pouvoir lui parler face à face et lui donner ses médicaments contre la douleur. Il se raidit.

-Vous me mettez mal à l'aise.. me dit-il en baissant les yeux et se triturent les mains.

-Ah bon ? j'ai les yeux ronds et ma tête est surprise.
Mais pourquoi ? Vous voulez m'en parler ? Comme ça je pourrais peut-être faire les choses autrement car quelque chose vous dérange surement ?

-Oui... non je...

Il ne me regarde pas dans les yeux, il tourne la tête pour m'éviter.

-Regardez moi, je ne vais pas vous faire de mal. Je vais même prendre soin de vous Monsieur Clay. Vous me laissez vous donner vos cachets ?

-Non, c'est ça le problème. Votre regard mademoiselle Derpend, votre regard me déstabilise.
Et il lève de petits yeux apeurés vers moi. Je le regarde, pleins d'amour, pour le mettre en confiance.

-Quand vous me regardez comme ça, j'ai l'impression d'être l'homme de votre vie. Et ça me met mal à l'aise. Et je réfléchissais à ça avant que vous veniez.

-Vous préféreriez que je vous regarde méchamment, ou même pas du tout ?
Cela me rends triste, rien que l'idée de mettre mal à l'aise un patient, bien que ce ne soit pas réellement ma faute, me touche.

-Non ! Surtout pas !

-Et bien alors..
Je lui sourie tendrement et lui fais un de mes regards spécial patient de compassion, il ouvre une fois de plus ses yeux, apeuré et détourne le regard.
Il me tend son bras pour prendre ses cachets

-Bonne nuit Monsieur Clay.

Et je m'en vais de sa chambre, il me regarde partir.

Ce n'est pas la première fois que l'on me dit que j'ai un regard déstabilisant.
Les étudiants que j'ai pu encadrer m'ont souvent demandé à quoi je pensais en les regardant faire les soins, mes collègues également.
Mais je ne fais pas exprès, c'est comme ça, mon regard change en fonction de mon humeur et c'est quelque chose qui me trahit toujours, bien que mon père m'ait toujours mis en garde là-dessus car il me disait que l'on pouvait lire dans mes yeux comme dans un livre ouvert.
Mais j'ai beau avoir essayé de faire autrement, lutter contre ça, j'ai beaucoup de mal.
Et je n'arrive pas à faire de la demie mesure, puisque sinon je me ferme complètement et l'effet n'est pas forcément mieux, je dirais même pire.

Je continue à marcher pour aller voir d'autre patients et voir si il y a des traitements de préscris pour 4h du matin.

RegardsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant