Départ vers le Temple et mort du Roi.

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      Le Palais du Luxembourg est envisagé, pour accueillir la famille royale, mais il est difficile à protéger, tout comme l'hôtel de Noailles, proposé par le prince de Poix. C'est en définitive la lugubre et médiévale tour du Temple, dans le Marais, qui obtient tous les suffrages. Soyons certains que si la Bastille n'avait pas été détruite au lendemain du 14 juillet 1789, elle aurait été choisie, ne serait-ce que symboliquement. Ainsi, au soir du 13 août, le Roi, la Reine, les deux enfants et leur gouvernante Madame de Tourzel, ainsi que Madame Elisabeth soeur du Roi et la princesse de Lamballe, la fidèle amie de Marie-Antoinette, prennent tristement le chemin de la tour, sous les "Vive la Nation !" de la foule.

     L'enclos du Temple et sa triste bâtisse qui sert de prison et trouvent à la limite du Paris d'alors. Le donjon, flanqué de quatre tours, est entièrement illuminé en ce soir du 13 août ; comme pour fêter le déclin de la monarchie et la prise de pouvoir par le peuple. Marie-Antoinette, qui a toujours dit son aversion pour cette résurgence de l'architecture médiévale, craint plus que tout d'y être enfermée. Par le passé, elle a même demandé au comte d'Artois, son beau-frère de la faire abattre. Aujourd'hui, elle regrette que son voeu n'ait pas été exaucé.

    L'installation est précaire. En attendant mieux, on entasse la famille royale dans trois petites pièces, meublées chichement de grabats plein de vermine. Deux valets fidèles lui sont affectés. Peu à peu, Madame Elisabeth et la Reine prennent les choses en main et organisent leur vie au mieux. Mais tous sont en permanence surveillés par vingt gardes placés à l'extérieur et trois autres de faction à l'intérieur. Des hommes qui, la nuit venue, les enferme et couches dans des lits mis en travers de leur porte. Partie des Tuileries à la hâte, sans autres habits que ce qu'ils ont sur eux, Marie-Antoinette et les siens reçoivent assez vite des rechanges et de lingerie commandée à l'extérieur, ainsi que quelques meubles. Le Roi, qui dort seul dans une "chambre" au dernier étage, a quant à lui la "joie" de découvrir dans l'une des pièces de la prison une bibliothèque de mille cinq cents volumes. Il va lire un ouvrage par jour, n'ayant rien d'autre à faire, si ce n'est que s'occuper de l'éducation des enfants.

     De leur côté, les dames passent leurs journées, elles aussi, à instruire les enfants et à faire de la broderie et des travaux d'aiguille. Le régime de cette détention est assez souple. Les commandes de vêtements, et même de fards sont honorées, les repas dignes d'une bonne table. Seule ombre à se tableau, les insolences et les humiliations quotidienne des gardes, issus du rang des émeutiers. Insultes, graffitis obscènes, menace et espionnage sont le lot quotidien. En outre, Madame de Tourzel et la princesse de Lamballe sont très vite emmenées pour être emprisonnées ailleurs, en attente de leur procès. Ce sont deux amies qui partent, et chacun se doute qu'on ne les reverra jamais.

      En septembre 1792, dans un climat de tension et de panique extrêmes face à la présence de troupes étrangères sur le sol français, des sans-culottes massacrent tout se qui se trouve dans les prisons et églises. Cet effroyable carnage constitue la page la plus sombre de la Révolution. La famille royale ignore tout ce qui se passe, car seul lui parvient l'écho du tocsin. Mais que faire du monarque et des siens, alors que la Révolution a aboli la monarchie et que dans leur fureur, les révolutionnaires sont allés à Saint-Denis, dans la basilique où sont enterrés les Rois de France, pour violer leur sépulture et jeter les os à la rue ? Que faire d'un Roi vivant quand on déterre les morts ?

Le 11 décembre on emmène à Marie-Antoinette son fils, qui jusque alors résidait avec son père en haut de la tour. Louis, quant à lui, part pour son procès, dont peu d'échos parviendront au Temple....

     Le 20 janvier 1793, les gardes introduisent le monarque déchu dans la cellule de Marie-Antoinette et des enfants. Un regard à son mari, elle comprend que tout est terminé, que cette rencontre est la dernière et que sous peu on le conduira à l'échafaud. Celui que, jusqu'à peu elle raillait pour son embonpoint, son manque d'énergie et sa faiblesse, n'a jamais été autant un mari qu'en cet ultime instant. Jamais il n'a été un père plus aimant. Jamais cette famille n'a été autant unie dans le malheur et le désespoir qu'au moment de ces adieux. Le 21 janvier, lorsque le couperet tombe sur celui qui pense-t-on alors devrait être le dernier des Rois de France, c'est aussi le dernier lien qui retenait la France de l'Ancien Régime que tranche la Révolution.

  

Marie-Antoinette.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant