Chapitre 2

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Télépathie: La télépathie est la capacité de communiquer par la pensée avec d'autres êtres qui en sont dotés. La communication inter-espèce semblerait plus compliquée à atteindre, selon le seul cas avéré à ce jour.


«Anastasia!Éloigne-toi du bord s'il te plaît», cria une voix d'homme.

La dénommée Anastasia se retourna pour observer son père, qui se tenaient debout sur le palier de leur maison. Elle marmonna un vague «J'arrive» à son intention, puis jeta un dernier regard au 'monde d'en bas'. Quand elle voyait ces gens grouiller, tout petits vu du Dôme, dans leur bidonville, elle se détestait, elle et sa famille de riches. Elle passa sa main sur le dôme de verre frais qui les protégeaient de la crasse, de la maladie et de la pauvreté qui régnaient au sol. Après un moment de réflexion, elle se dit que malgré leurs privilèges insensés, elle avait bien de la chance d'être protégée de toute cette saleté. Elle n'y survivrait sans doute pas. Ses désirs de justice venaient de s'estomper tout à coup.

Elle tourna la tête et chercha du regard son père. Celui-ci était allé s'asseoir sur un des bancs qui se trouvaient dans la forêt artificielle de leur dôme. Avant, elle adorait cet endroit et sa verdure: quand elle était petite, elle aimait jouer à se rouler dans l'herbe vert tendre avec sa belle robe blanche, et lorsqu'elle rentrait, toute tachée, sa mère la grondait gentiment avant de lui donner son goûter et lui faire prendre son bain. Quand elle eut été un peu plus grande, toutes deux s'installaient sur ce même banc où elles se racontaient les derniers potins du dôme, ou parlaient d'histoires de filles en riant de bon cœur. Elle adorait ce banc. Tout de fer forgé, celui-ci l'avait accueilli d'innombrables fois sans jamais faillir.

Mais maintenant, tout avait changé. Sa mère était partie, embarquée avec une violence inouïe par les autorités. Anastasia se souvenait encore parfaitement de la manière dont elle se débattait entre les bras de son père pour tenter d'aller libérer sa mère de la poigne des soldats. Elle se souvenait aussi du coup violent que sa mère avait reçu à la nuque pour qu'elle arrête de bouger, des gouttes de sang perlant de ses lèvres roses entrouvertes. Et tout cela ici même, dans leur bois, leur havre de paix à toutes les deux. Ana ne l'avait appris que plus tard, mais sa mère avait été infectée par Palamoria, avant même que la maladie soit découverte et annoncée au public.

Et voilà qu'elle aussi avait été atteinte par la maladie, il y a cinq jours à peine. Ses yeux étaient déjà entièrement dorés et ses longs cheveux habituellement roux commençaient à se parsemer de mèches noir corbeau. Selon son père, la maladie s'était développé à une vitesse inouïe chez elle, certainement à cause du fait que sa mère avait elle-même été atteinte. Dans peu de temps, elle allait donc développer son fameux «don», ce qu'elle ne voulait absolument pas. Son père avait déjà assez payé de sa personne pour la cacher des forces de l'ordre, il ne fallait pas qu'en plus elle se mette à faire flamber une forêt ou qu'elle soulève leur maison.

Une main tiède et puissante se posa sur son épaule, et la jeune fille sursauta. Elle leva les yeux et observa son père qui avait profité de son inattention pour se lever et s'approcher d'elle. Il avait les traits tirés par l'âge, la tristesse et l'inquiétude.

«Ana, ma chérie, il va falloir refaire ta couleur, elle commence déjà à s'estomper», soupira-t-il en prenant une mèche des cheveux de sa fille entre ses doigts.

En effet, pour masquer ses symptômes, Anastasia utilisait une teinture pour garder la couleur habituelle de ses cheveux et mettait des lentilles de contact colorées vertes par-dessous ses lunettes. Malheureusement, si la combine pour cacher ses yeux fonctionnait plutôt bien, on ne pouvait pas en dire de même pour ses cheveux. Les mèches noires réapparaissaient à une vitesse phénoménale sous la teinture rousse, si bien qu'en trois jours la jeune femme avait dû se faire deux couleurs.

Anastasia entra donc dans leur riche demeure. Elle détestait tout ce qu'il s'y trouvait. Tout transpirait le luxe et le superflu, et cela l'insupportait de plus en plus au fil du temps, surtout sachant la misère qui se trouvait à leurs pieds. Vivre dans le Dôme était déjà suffisant, pourquoi en plus y ajouter tout cet excès de richesses? Malgré tout,à chaque fois qu'elle partageait ce ressenti avec son père, il lui rappelait oh combien elle appréciait de vivre dans ce luxe quand elle n'était pas saisie par ces élans de culpabilité.

«Tu ressembles tellement à ta mère sur ce point-là! Toujours à lutter contre une quelconque injustice,» commentait-il en riant à chaque fois.

Grommelant intérieurement face à ce paradoxe qu'elle ressentait, elle se dirigea vers la salle de bain du rez-de-chaussé, dotée d'une grande baignoire-jacuzzi, d'une double vasque et d'un immense miroir. Il était bien vrai qu'elle appréciait tout particulièrement ce confort, mais tout de même...

Elle se baissa, ouvrit les placards et en décrocha le fond. Son père avait fait en sorte de créer un double fond afin de dissimuler toute trace de la maladie de sa fille, comme les colorations et les lentilles. La jeune fille se saisit de la boite et en sortit le nécessaire pour recolorer ses cheveux.Le même attirail était placé dans chacune de leur salle de bain, et ils en possédaient bien plus que nécessaire.

Quelques minutes plus tard, les cheveux enroulés dans une large serviette, elle se rendit dans sa chambre, au 1er étage. Elle poussa la porte, entra et se jeta sur son grand lit. C'était le seul luxe qu'elle ne se refusait pas, de posséder un lit immense. Elle y avait posé des tonnes de coussins plus moelleux les uns que les autres, ainsi que quelques peluches. Sa préférée était celle de la licorne, douce et moelleuse, que sa mère lui avait offert pour ses 17 ans, il y a quelques mois.

Anastasia la prit et la serra contre son cœur, soudainement triste et terriblement lasse. Elle sentit ses yeux s'emplir de larmes, et se laissa aller à ses sanglots. Elle ne pleurait que lorsqu'elle était sûre d'être seule, car elle voulait paraître forte aux yeux de son père, comme lui-même le faisait pour sa fille. Malheureusement, cet effort lui était coûteux, car tout lui rappelait sa mère: le vieux banc dans la forêt, ses peluches, tout faisait remonter un souvenir joyeux mais douloureux.

«Mais comment va faire ma mère...»

se lamenta une voix féminine avec un accent étrange.La jeune fille rousse, assise dans son lit, chercha d'où venait la voix, mais il n'y avait personne. Elle secoua la tête. Voilà qu'elle se mettait à entendre des voix maintenant.

«Elle est si malade...»

«Bon sang Ana, arrête d'imaginer des voix, on dirait Jeanne d'Arc! Se dit la jeune fille en son for intérieur. À moins que... y a-t-il des dons de télépathie recensés?»

Ana se leva et se dirigea vers son ordinateur portable posé sur son bureau, la peluche toujours serrée contre son cœur. Sans même prendre la peine de s'asseoir, la jeune femme tapa dans la barre de son moteur de recherche «Palamoria liste des dons recensés».

Son ordinateur était un peu lent, mais il datait de 2063. Anastasia ne voulait pas qu'on lui paye les nouvelles technologies hors de prix et avait récupéré le vieil appareil que sa mère avait délaissé au profit d'un plus récent. Même s'il n'était pas de toute première jeunesse et qu'Ana aurait parfaitement pu se payer un modèle dernier cri, elle était ridiculement attachée à celui-ci.

Quelques minutes plus tard, la machine lui donna enfin la liste qu'elle recherchait. Les dons étaient classés en différentes catégories: les élémentaires, qui comprenaient les pouvoirs comme la maîtrise du feu, de l'eau ou du vent par exemple, les métamorphes qui pouvaient se transformer en animaux ou en d'autres humains ou créatures, et les pouvoirs dits «d'esprits», comme la télékinésie, la lévitation, la téléportation, la télépathie... Il existait également la catégorie des guérisseurs, qui possédait le don de soin, et celle des physiques, dans laquelle les personnes atteintes développaient une caractéristique liée au corps, comme la rapidité ou la force.

«La télépathie est donc bien un des Dons...» pensa Ana en voyant le terme dans la liste des dons «d'esprit». Elle se demanda si elle devait annoncer à son père que son don s'était développé, mais elle-même n'était pas certaine que cela soit le cas.

Une autre question lui taraudait l'esprit: qui était donc cette jeune femme dont elle entendait la voix?

Elle décida de retourner sur son lit pour se reposer. Après tout, elle avait peut-être imaginé cette voix, et rien ne prouvait que c'était une manifestation de son «Don».

PalamoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant