*Estella*
Assise dans un confortable fauteuil dans une pièce qu'on nous avait présenté comme la Salle Vénitienne, je me rongeais littéralement les ongles. Pour tenter de penser à autre chose que ma possible (ou non) admission, je laissai mon regard vagabonder dans l'endroit où je me trouvais.
La Salle Vénitienne était une grande pièce à l'atmosphère chaleureuse. Ses murs rouges était parsemés de magnifiques tableaux et d'autres décors. Des meubles en bois sans doute précieux, des fauteuils et une cheminée complétaient le mobilier.
Je regardai les autres filles également dans la salle. Certaines semblaient très à l'aise, parlaient entre elles, pratiquement sûres de leur réussite ou ne s'en préoccupant pas. D'autres, comme moi, se renfermaient sur elles-mêmes, fixant le bout de leurs chaussures, gênées.
Je croisai les doigts, espérant de tout mon cœur que je serais choisie. C'était la seule option. Si je n'obtenais pas ce poste, mon père et moi risquions de mourir rapidement de faim.
Priant pour que le sort me soit favorable, je me remis à fixer le vide, espérant...*Blanche*
Cela faisait près de deux heures que les entretiens s'étaient achevés et mes parents n'étaient toujours pas décidés. Ils parlementaient, se disputaient, l'un préférant l'une, l'autre une seconde, et puis non, et si...
Cela me sembla être le bon moment pour entrer dans la discussion:
― Père ? Mère ? Puis-je me permettre...
― Quoi encore ? aboya Frédéric, exaspéré. Ne vois-tu pas que nous sommes occupés ?
― Je pensais que... Pourrais-je donner mon avis ? Après tout, ce sera ma demoiselle de compagnie.
― Qui est la personne que tu pense qualifiée pour ce travail de la plus haute importance ? questionna Marguerite, une pointe de mépris dans la voix.
― Je pensais à... Estella Veller.
― ELLE?! explosa mon père. De toutes les filles présentes dans cette maison tu as choisi la plus misérable ?!
― Mais... On pourrait au moins... Essayer ! De toute façon, vous allez finir par toutes les renvoyer en prétendant qu'aucune ne convient, comme toujours ! Est-ce que vous voulez que j'aie une demoiselle de compagnie ? Non, vous vous en fichez. Alors laissez-moi l'engager, comme un test. Vous pouvez vous le permettre, vous avez bien assez d'argent.
Mes parents échangèrent un regard, l'air dubitatif, puis mon père conclut:
― Très bien, si tu souhaites finir mal suivie... C'est ton choix. Nous allons l'annoncer aux candidates.
Un sourire soulagé et satisfait aux lèvres, je suivis mes parents en direction de la Salle Vénitienne où patientaient les dix candidates. Où patientait Estella.
*Estella*
Des pas dans la pièce attenante et une soudaine agitation me tirèrent de mes pensées. L'heure du verdict était arrivée. Toujours aussi majestueux, les trois membres de la noble famille Selanne entrèrent dans la pièce, qui sembla tout de suite plus belle et plus rayonnante. Après ce qui me sembla une éternité, Monsieur Selanne prit enfin la parole:
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Juste avec toi
Roman d'amourParis, 1902. Estella vit avec son père dans un minuscule appartement, depuis la mort de sa mère. Chaque jour, elle doit travailler pour aider son père à payer les factures. Jusqu'à cette annonce, sa candidature envoyée, et enfin la lettre. Un mois...