*Estella*
― Voilà, ma chérie, je dois y aller. Nous poursuivrons plus tard ! Ce fut un plaisir !
Je remerciai Madame Selanne, et sortis de la pièce.
Je n'étais pas sitôt dehors que Blanche arriva, l'air très excité.
― Stella!!!!! J'ai trouvé quelque chose !
Puis, jetant un regard aux quelques domestiques qui s'activaient dans le couloir, elle chuchota:
― Suis-moi.
Nous arrivâmes bientôt dans sa chambre. Un peu gênée, je regardai autour de moi. D'habitude, je ne venais ici que pour mon travail. Et à ce propos...
― Blanche, ne devrais-je pas être en train d'aider les autres domestiques ?
― Non. J'ai besoin de toi ici, et tu es supposé m'obéir, personne ne se posera de questions.
― Bien, mais que se passe-t-il donc de si important ?
Blanche semblait avoir du mal à contrôler son exaltation.
― Je flânais dans les couloirs, et je suis passée devant le bureau de mon père. Je t'épargnerai les détails, mais toujours est-il que j'ai maintenant en ma possession...
Elle marqua une pose.
― Le journal de mon père !
Je manquai de m'étouffer.
― Tu as fouillé le bureau de ton père ?! m'étranglai-je. Et tu lui a volé un document ?!
Blanche parut un peu embarrassée, mais rien ne semblait pouvoir porter atteinte à son excitation.
Elle se leva, chercha un moment dans son armoire, et se releva en brandissant une liasse de papiers froissés au dessus de sa tête.― Le voilà !
Je restai interdite.
― Tu es sûre qu'il s'agit bien de ce que tu crois ?
― Oui, pratiquement ! J'ai reconnu son écriture, et le contenu ressemble vraiment à un journal !
― Tu l'a lu? interrogeai-je.
― Non, seulement vu un ou deux mots, vers la fin. Je t'attendais, répondit-elle avec un léger sourire. J'ai le pressentiment que cela te concerne principalement.
Je devais avoir l'air très surprise, car Blanche éclata de rire.
― Allez, viens, j'ai vraiment hâte de connaître le contenu de ces pages ! s'exclama-t-elle.
Je m'assis donc docilement à ses côtés, nous ouvrîmes le journal à la première page, et je commençai à lire.
Le jeudi 19 mai 1864
Quelle affreuse journée ! Je devais me confier à quelqu'un, et étant donné l'absence d'une personne qui veuille bien m'écouter, je me vois dans l'obligation d'écrire mes maux sur un être fait de papier et relié de cuir.
Aujourd'hui, ma mère a fait une de ses crises. Elle semblait comme folle, c'était terrifiant. Elles sont de plus en plus fréquentes et violentes depuis le départ de Père.
Notre voisin, Monsieur Jean a dû intervenir. Il a tenté de calmer Mère et à fini par l'enfermer dans sa chambre. Puis, il est venu vers moi et m'a déclaré:
― Ma petite, je suis vraiment navré. C'est pour ton bien, tu sais... Il faut que tu partes. Elle est trop violente. Un jour où l'autre, elle te fera vraiment mal, ou peut-être même pire. Voici l'adresse d'amis à moi. Ils n'ont pas d'enfants, mais ils en ont toujours souhaité. Tu seras bien avec eux.
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Juste avec toi
RomanceParis, 1902. Estella vit avec son père dans un minuscule appartement, depuis la mort de sa mère. Chaque jour, elle doit travailler pour aider son père à payer les factures. Jusqu'à cette annonce, sa candidature envoyée, et enfin la lettre. Un mois...