Texte bonus - Pour le Scoobygang 2 (Ja)

600 45 4
                                    

Alors que de délicieux effluves se mêlent au son de casseroles en provenance de la cuisine, Joon-ha escalade les genoux de son grand-père sur le canapé.
— Papi, raconte-moi encore comment tu as sauvé Mami ?
L'enfant adore cette histoire, si romantique, si héroïque, qu'il ne se lasse jamais de réclamer à son grand-père lorsqu'il vient passer quelques jours à Pohang. C'est mieux qu'un livre, parce que c'est vrai, parce qu'il y a mille anecdotes qui entourent le récit, parce qu'on peut creuser ce dernier pour savoir de quelle couleur étaient les fleurs... Parce que c'est son propre grand-père et non un personnage, et qu'il en est si fier, comme son père avant lui — si fier d'être le petit-fils d'un héros de la guerre. Les conflits armés, il le sait déjà, ne sont jamais jolis, mais parfois, de belles histoires y naissent quand même, comme celle-ci.

Un peu plus tôt, sa grand-mère et lui sont rentrés du marché aux poissons, où le froid de l'hiver tempérait les senteurs de la marée. Le lundi suivant, sa mère viendra les chercher en voiture pour rejoindre l'aéroport ; tous les quatre s'envoleront alors pour le Viêtnam, comme chaque année. Les cinq degrés de décembre s'évanouiront dans le climat plus chaud de Haïphong où, avec un peu de chance, les shorts et les t-shirts ornés de chiens deviendront la tenue par défaut du séjour.

Joon-ha était fier également — comme chaque fois — de parcourir les rues en compagnie de sa grand-mère pour aller faire les courses. Le sens du devoir accompli, grâce au sac porté lui-même pour le ravitaillement et un succulent déjeuner, mais surtout le temps passé en compagnie de cette personne qu'il chérit.

Mami est d'une douceur qu'à part chez elle, on ne trouve que dans les contes ; le petit garçon ne se lasse jamais de savourer cette gentillesse, au soleil de laquelle il s'épanouit. Elle est extrêmement belle, aussi, habillée comme dans un livre d'images, avec son chignon piqué d'une fleur assortie aux couleurs de ses jolies robes et son visage qui ressemble à celui d'une poupée. Elle pourrait avoir l'âge de sa mère — d'ailleurs, parfois, les gens qui ne les connaissent pas le croient.

Pour l'heure, Mami cuisine un bon repas, tandis que l'enfant se blottit entre les bras de son formidable grand-père, qui rit.
— Je me demande si, quand tu seras plus grand, tu auras toujours envie de m'entendre tout le temps répéter la même chose !
— Je suis déjà grand, proteste Joon-ha avec une petite moue. Et bien sûr que oui ! Et en plus, ce n'est pas « tout le temps » : je ne suis plus venu depuis des mois ! Ça fait longtemps que je n'ai plus entendu ton histoire, Papi.
— C'est vrai, tu es déjà grand. Le temps passe si vite. Et on est sacrément contents de te retrouver après tous ces mois ; tu nous as beaucoup manqué.
Papi tapote la cuisse de son petit-fils, alors que ce dernier se pelotonne davantage encore contre lui. Ici, il se sent en sécurité, comme si rien d'autre que l'amour ne pouvait l'atteindre.

— Bon, alors, cette histoire...
Monsieur Ryeo inspire avant de se plonger dans ses souvenirs. Ceux du temps où, trois décennies auparavant, jeune médecin militaire fraîchement sorti de formation, il a été déployé au Viêtnam où la guerre entre les communistes et les élus de l'Occident déchirait le pays. Au milieu des blessures et des atrocités, du chaos, des débris, il a déniché par hasard une splendeur — Kieu signifie après tout « beauté » — qui a effacé à elle seule la noirceur de ces années ensevelies sous la poudre et le sang.

— N'oublie pas les détails quand tu pointes ton pistolet vers les méchants pour leur dire de laisser Mami tranquille !
— Oui, oui, j'y viens, ne t'en fais pas !
Il sourit.
— Je sors mon pistolet, même si je n'avais pas encore tiré une seule balle avec lui depuis que j'étais là. J'avais eu l'entraînement avant de venir, bien sûr, mais moi, mon rôle était de soigner plutôt que de tuer. Et bref, sur le moment, je ne me sentais pas du tout assuré ; c'est peu de le dire ! J'étais sûr que tout ça allait trèèèès mal finir. Que j'allais me faire zigouiller. Mais il fallait que j'essaie : je ne me voyais pas rester les bras croisés alors que Mami allait être emmenée de force par ces cochons. Je n'en menais vraiment pas large, mais je ne pouvais pas laisser faire ça sans tenter quelque chose. Ça n'aurait pas été digne d'un homme. Alors, j'ai essayé d'empêcher mon arme et ma voix de trembler, et je leur ai crié...
— « Laissez-la et reculez, ou je tire ! », complète Joon-ha d'une voix vibrante d'admiration face à tant de courage.
— « Laissez-la et reculez, ou je tire ! », répète monsieur Ryeo en hochant la tête. Kieu — Mami a levé les yeux vers moi à ce moment-là, et je crois que c'est à cette seconde précise qu'en plus de tout le reste, nous avons eu le coup de foudre l'un pour l'autre. Comme dans un film.
— C'est vrai, Mami ? demande le petit garçon en haussant le ton, afin que sa grand-mère l'entende au milieu des bruits de cuisson.
L'idée enchante son cœur tendre, fan de romances magiques, d'autant plus qu'il sait, parce qu'il l'a entendu tant de fois, qu'elle va être confirmée par la principale intéressée.
— C'est vrai, mon petit prince, répond sa grand-mère, de son timbre mélodieux d'oiseau chanteur de Hanoï. Le repas est presque prêt.

I-dolls 3rd Star⭐ Edition - Textes bonus Voie LactéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant