I - Chapitre 6

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Noah

          Je parle littéralement dans le vide et plus elle m'ignore, plus j'ai envie de lui hurler dessus. Sauf que j'ai compris son petit manège et si je continue de me comporter comme un con, elle finira par me mettre à la porte de chez elle.

— Ok, je lâche dans un souffle. Je m'excuse.

Ses yeux se lèvent sur moi et je ne peux que plonger dans ces derniers. Ils ont une couleur un peu spéciale. Un mélange entre le marron et le vert, avec des éclats un peu plus clairs. Je crois que c'est les plus beaux yeux que j'ai vu. Pourtant, j'en ai vu du monde dans ma vie. A chaque fois qu'elle me regarde, je me sens déstabilisé, percé à jour et j'ai la sensation d'être un imposteur. De ne pas mériter ma place sur terre et de mentir à tout le monde, pourtant il y a aussi le calme qui me saisit quand elle me regarde. Cet apaisement qui englobe mon âme et qui soulage mes maux.

Si je n'avais pas toute ma vie qui m'attendait à New York, je crois que je resterai ici. Juste pour la tranquillité de mon âme.

— Bob allait se battre avec un loup, finit-elle par m'apprendre.

J'ouvre de grands yeux et je ne peux m'empêcher de regarder le berger allemand tranquillement installé sur son coussin. Il est imposant et impressionnant, mais pas de taille à se battre avec un animal sauvage.

— Tu l'as fait fuir ?

— Je l'ai tué.

Je vois bien qu'elle n'est pas heureuse d'avoir dû le faire et elle préfère tourner la tête pour ne pas voir le jugement dans mes yeux. Jugement qu'elle ne découvrira pas. Bien au contraire, je suis impressionné qu'elle ai gardé un tel sang froid dans une situation comme celle-ci.

La voyant passer un pantalon épais, remettre ses bottes et son manteau, je commence à m'agiter de nouveau.

— Hé, tu vas où là ?

J'ai parlé assez fort et ce qu'elle doit prendre pour une agression, n'est qu'une marque d'inquiétude. Je ne connais pas cette femme et je devrais me foutre de son sort, sauf que ce n'est pas le cas. Même si je veux rester ici, ne pas retourner à ma vie, je suis foutu tout seul dans ce chalet. Elle, elle connaît les alentours et surtout le chemin pour rentrer au village. J'essaie de me persuader que je ne m'inquiète pas pour elle, mais j'échoue comme un con.

— Relaxez-vous, je reviens !

— Arrêtes de me vouvoyer, je grogne entre mes dents.

Au lieu de s'énerver, de m'envoyer chier, Winter m'offre un sourire timide avant de quitter le chalet. Mon cœur accélère comme un débile à la vue de ses lèvres étirées. Je passe mes mains sur mon visage pour tenter de faire le point dans ma tête. Pourquoi je réagis ainsi pour un simple sourire ? Aucune foutue idée ! La seule chose que je sais, c'est que je ne supporte pas ne pas avoir de réponse aux questions que je pose. Et cette nana est une chieuse quand il s'agit de m'ignorer.

          Assis sur le canapé, le pied légèrement surélevé, je gratte la tête de Bob venu réclamer des caresses. Nous attendons que sa maîtresse rentre, mais voilà déjà une heure et demi qu'elle est partie et je commence à me demander s'il ne lui est pas arrivé quelque chose. J'ai essayé de faire à manger, mais je ne connais pas la moitié des produits que j'ai trouvé dans le placard, alors j'ai lâché l'affaire. Il y a des restes de la veille, seulement bouffer de l'élan commence à me lasser. Je sais qu'on est en plein cœur de l'Alaska et que le choix est limité. Je ne demande pas non plus un repas gastronomique, juste de quoi changer un peu.

Je m'ennuie comme un rat mort, essayant de lire ce foutu livre et de me concentrer sur les mots devant mes yeux. A chaque fois que je lis une ligne, je regarde la porte d'entrée en tendant l'oreille. Si elle ne revient pas durant la prochaine demi-heure, j'irais la chercher. Je sais que c'est du suicide, que je risque de me perdre et de me mettre en danger, mais c'est peut-être elle qui l'est actuellement.

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