Partie II - Effet boule de neige - Chapitre 1

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Partie II -  Effet boule de neige


         L'hiver se termine enfin et je dois reconnaître que je suis plutôt fière de moi. Pas une seule fois je n'ai regretté d'être seule, bloquée au beau milieu de cette forêt. En six mois, nous avons subi deux autres fortes tempêtes et à chacune, mon chalet a été mon repère et mon refuge. Il a tenu le choc, mais maintenant que les jours rallongent, il y a beaucoup de travaux. Quelques rondins sont à changer, la toiture à revoir et une fenêtre à réparer. Ce n'est pas grand-chose au vu de la puissance du vent cet hiver. Sauf que je ne peux pas le faire seule et que les habitants de Hughes ont eux aussi beaucoup à faire.

En cette saison, la vie reprend petit à petit en Alaska. Les gens retournent chasser, les avions peuvent de nouveau nous livrer de manière régulière et les chalets reprennent un peu vie. Alors, je sais que je devrais me débrouiller moi aussi par moi-même, mais mon père me tuerais sur place s'il se rendait compte que j'ai commencé sans lui.

Assise sur la première marche du perron, je regarde mon chien courir comme un fou autour de notre maison. Lui aussi peut enfin se défouler beaucoup plus et je crois qu'il apprécie vraiment la vie ici. Pas de limites, la nature à perte de vue et aucune contrainte. Il ne lui manque plus qu'un copain pour jouer.

          Quand Bob entend mon père arriver, il se redresse de toute sa hauteur et remue de la queue en attendant qu'il vienne se garer près du chalet. A peine est-il descendu de son quad que mon chien lui fonce dessus.

— Il n'y a plus assez de neige sur la piste ? je lui demande pendant qu'il se débat avec mon berger allemand complètement hystérique.


C'est vrai que la neige commence à fondre et que le chemin qui mène jusqu'ici est beaucoup moins praticable en motoneige, mais je pensais qu'il y en avait encore assez.

— Oh non, elle est partie aussi vite qu'elle est arrivée !

Il s'approche de moi et me prend délicatement dans ses bras. J'aime ces moments où le bourrus laisse place à un papa poule. J'apprécie aussi la chaleur de ces bras que je connais par cœur. Il y a six mois, c'est ceux-là même qui m'ont réconfortée et bercée pendant des heures entières. Pendant que j'essayais de faire disparaître le vide qu'un homme avait laissé dans ma vie.

— Alors, on attaque ?

Mon père reprend ses distances et se met immédiatement au travail. Il va décharger la remorque de son quad et je lui viens en aide en évitant de croiser son regard mécontent.

— Laisse-moi donc faire. Vas plutôt me préparer une tasse de café.

Alors, au lieu de rétorquer que je peux l'aider, je le laisse s'occuper avec ces outils en tous genres pendant que je vais en cuisine.

A mon retour de New York, après la tragédie qui a frappé ma vie, mon père était déjà protecteur envers moi. Je voyais ses yeux inquiets posés sur moi, la souffrance sur son visage de voir sa fille dans cet état, alors que lui-même se battait contre la souffrance. Il n'était pourtant pas aussi démonstratif que ma mère et interiorisait beaucoup. Seulement, depuis deux semaines qu'il peut de nouveau venir me voir à sa guise, il est devenu presque étouffant. « Winter, ne porte pas ça, c'est lourd ! », « Winter, repose-toi et mange correctement ! » ou encore « Hors de question que tu ailles chasser, penses au bébé ! ». Voilà à quoi j'ai le droit chaque jour depuis qu'il sait que Noah a laissé une partie de lui ici, en Alaska. De tout ce que j'aurais pu imaginer, ce bébé est bien la dernière chose à laquelle je m'étais attendu.

Si au départ je voulais simplement effacer cet inconnu débarqué en pleine tempête de ma mémoire, dès que j'ai compris que je n'étais plus seule, tout a changé. J'ai accepté qu'il ait été plus qu'un simple homme de passage dans ma vie.

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