I - Chapitre 2

56 9 1
                                    

          Il n'est pas rare que je me réveille en pleine nuit, mais jamais parce que je suis appelé sur mon talki-walkie. Il me faut quelques secondes pour comprendre ce qu'il se passe et dès que j'entends la voix de mon père, je saute sur mes pieds.

— Winter ! C'est papa, réponds-moi !

Il semble agité et tout de suite je m'imagine tout un tas de scénarios. Est-ce qu'il va bien ? Est-ce que ma mère a un problème ? Un habitant de Hughes ? D'une main tremblante j'attrappe l'appareil et j'appuie sur le bouton avant de parler.

— Ici Winter, je t'écoute.

Je vérifie tout de même que je suis sur le bon canal et j'attends une réponse. Pendant ce temps, je remets du bois dans la cheminée et observe les flammes avaler le bois.

— Il y a une tempête qui vient de se déclarer à trente kilomètres au nord de Hugues, elle arrive droit sur toi et semble assez forte. Des vents à presque cent kilomètres à l'heure. Je viens te chercher !

— Papa ! je m'exclame.

Il y a des tempêtes régulièrement ici et j'en ai déjà passé plus d'une dans ce chalet. Certes je n'étais jamais seule, mais je suis capable de lui résister. Il est impossible pour moi de retourner vivre chez mes parents. Bien que mes rapports avec mon père soient les mêmes, c'est avec ma mère que cela se complique. Elle essaye de me réconforter, de m'aider, mais elle ne fait que raviver les souvenirs douloureux. Alors je ne peux pas y aller.

— Hors de question que tu reste en haut.

— Ça va aller, papa. J'ai ce qu'il me faut pour tenir plusieurs jours ici, j'ai tué un élan hier et j'ai suffisamment de bois. Ça va aller.

Je mets près de dix minutes pour le convaincre de me laisser au chalet. J'entends de la tristesse dans sa voix et aussi de la déception, mais je ne peux pas faire autrement. Il faut que j'arrive à me sortir de ce tourbillon d'émotions négatives avant de me focaliser sur ceux qui restent.

          Pendant les heures qui suivent, je rentre un maximum de bois dans le chalet et l'entrepose le long d'un mur, près de la cheminée. Je décroche un morceau de viande qui pourra me durer plusieurs repas et le place dans un vieux frigo qui ne marche plus depuis des années, servant de placard. Il ne fait plus de froid, mais empêche la chaleur de la cheminée de périmé les aliments trop rapidement. Ensuite, je commence à placer des planches en bois à chaque fenêtre que je cloue à même le bois du chalet. Les prochains jours vont être durs et pénibles, mais je suis sereine. Même Bob sent que quelque chose se prépare. Il me suit à la trace et observe la forêt qui commence à s'animer.

Le vent se lève et il devient de plus en fort. Avec lui, des gros flocons de neige et je redoute déjà le travail qu'il y aura à faire pour déblayer les alentours du chalet.

— Aller viens, Bob, il faut qu'on se mette à l'abri.

J'ai fait tourner le groupe électrogène une bonne partie de la journée et j'ai pu recharger deux batteries. Elles ne me permettront pas d'avoir la télévision, il n'y en a pas ici, ni d'allumer la lumière, seulement pour brancher ma radio et recevoir les informations. J'aurais besoin de savoir où en est la tempête, combien de temps elle durera et si je dois m'attendre à des dégâts. Mon père n'a pas tendance à parler pour rien et grossir les choses, mais je serais rassurée d'avoir un second avis.

          Depuis deux jours, je passe mes journées entre mon petit canapé et mon lit. Je lis, écoute la radio et mange. Le reste du temps, je tente de trouver le sommeil. La météo n'est pas bonne et je redoute que cela devienne pire. Si j'étais plutôt confiante au départ, je le suis de moins en moins. Les grands sapins autour de la propriété bougent beaucoup et j'ai la trouille qu'un tombe sur le chalet. Si cela arrivait, ce serait une catastrophe.

Wild HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant