Chapitre 17 Sang et eau

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Eskel se réveilla brusquement en se redressant sur ses coudes. Son cœur battait anormalement vite, sa respiration était saccadée et des sueurs froides coulaient sur son front et ses tempes. Il se sentait sale, poisseux et mal à l'aise. Il regarda précipitamment autour de lui mais la panique, telle un voile noir obscurcissant sa vision, l'empêchait de se concentrer et de retrouver ses esprits. Il avait l'impression d'être encore dans son cauchemar car il entendait encore au fond de lui les hurlements désespérés de la femme de son rêve.

Encore à moitié allongé, le grand brun avait l'impression de suffoquer. Les battements de son cœur, beaucoup trop rapides par rapport à sa constitution, lui donnaient la désagréable impression d'avoir un tambour qui résonnait derrière les tympans. Il se redressa avec peine et s'adossa contre le montant du lit. Tout en gardant les yeux fermés, il inspira et expira lentement en se concentrant sur son souffle.

Au bout de plusieurs minutes de méditation éprouvante, le sorceleur finit enfin par retrouver peu à peu son calme et sa respiration habituelle. Quand il se sentit prêt, il ouvrit les yeux. Ses pupilles se dilatèrent normalement et la pièce lui apparut alors dans son ensemble.

Le feu s'était éteint et il ne restait que quelques braises rougeoyantes dans l'âtre. Il devait être aux alentours de deux ou trois heures du matin car dehors, le ciel était d'un noir d'encre. La lune était invisible en raison des nuages bas de la montagne.

Encore à moitié endormi, il se fit cependant une réflexion.

Pourquoi ai-je encore fait un rêve sur mon enfance ?! Je deviens dingue... Je n'arrête pas de penser à ma mère ces derniers temps... Bah, arrête de te tracasser avec ça, mon pauvre Eskel... Cette histoire a eu lieu il y a bien longtemps... Que tu le veuilles ou non, rien ne peut changer le passé...

Le sorceleur se sentit soudain accablé par le poids de ses remords et de ses regrets. Il eut le sentiment de n'être plus qu'un résidu d'homme, un vieil infirme fatigué, las et torturé. La culpabilité de certaines de ses actions passées vint de nouveau le tourmenter.

Il n'était pas rare pour Eskel de passer certaines nuits éveillé, assailli par le poids des remords. La tristesse et la mélancolie étaient de cruelles mais fidèles amies qui l'accompagnaient depuis tellement d'années que le sorceleur ne savait même plus comment vivre sans elles.

Jamais il n'avait osé s'en ouvrir à ses autres frères, ni à même à Vesemir.

Après tout, les sorceleurs ne sont pas censé éprouver d'émotions et de sentiments...

Pensa-t-il, contrit.

Le grand brun enfouit son visage dans ses mains et laissa ses doigts parcourir le début de son cuir chevelu.

Progressivement, ses doigts continuèrent leurs ascension sur ses tempes pour s'arrêter presque sur le derrière de sa tête. Ses cheveux étaient agglutiné et poisseux à cause du sang et de la sueur du précédent combat mais il n'en avait cure.

Ses deux mains se crispèrent nerveusement et se refermèrent en agrippant une grosse poignée de cheveux collés entre eux. Il serra fort et tira de toute ses forces en arrière tout en se recroquevillant sur lui-même.

Ahhhh ! Pourquoi maintenant ?! Pourquoi penser à tout cela, mon pauvre Eskel... Que faut-il que je fasse pour que ces souvenirs me laissent enfin en paix ?!

Au bout de plusieurs minutes, Eskel se mit à trembler d'épuisement. Ses doigts toujours crispés sur son cuir chevelu meurtri se desserrèrent avec difficulté puis la faiblesse le saisit. Ses bras tombèrent, ballants, le long de son corps.

Le grand brun, pantelant, resta assis dans le lit sans bouger dans l'obscurité, seul avec ses réflexions, jusqu'à ce que l'aube commence à poindre à l'horizon. Les dernières braises du feu finissaient de se consumer dans l'âtre. Le soleil n'allait pas tarder à darder ses premiers rayons.

Les aventures du sorceleur EskelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant