Chapitre 12. Le Noël de Léa

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- Jeannot ! Jeannot ! criait mon père contre l'obscurité qui venait.

- Il ne peut pas être bien loin ! Il ne peut pas être loin ! Jeannot, il a de petites jambes.

Pour me rassurer je me répétais sans cesse ces mots tandis que nous avancions par le chemin pris d'ordinaire pour aller à la cascade de la Quinquenouille.

Il était presque dix-huit heures, le jour baissait très vite, c'était limite ; nous avions les yeux écarquillés et les flocons comme du coton s'accrochaient à nos cils. Du faisceau de sa lampe, papa balayait tous les fourrés au bord du chemin.

Rien. De plus en plus, s'installait le silence oppressant de ces nuits de neige quand tout s'étouffe sous une couche de ouate.

Dans cette direction, nous connaissions un chêne où logeait une jolie chouette effraie ; au pied de l'arbre il y avait un trou suffisamment grand pour qu'un enfant s'y cache. L'été, c'était une belle cachette quand on jouait.

Parvenus au pied de l'arbre, papa s'empressa de regarder.

-Non, Jeannot n'est pas là.

La voix de mon père devenait moins assurée, tremblante.

Je pensais en moi-même : le pauvre, il est par là. Sûr, il est venu par là. Alors nous avons fouillé les buissons.

Et soudain vers un grand cynorrhodon qui portait encore ses fruits rouges sous la glace, il y eut comme un sanglot. Un sanglot d'enfant. Maintenant il faisait nuit. Là, enfoui sous les épines, c'était bien Jeannot. Notre Jeannot, tout recroquevillé, transi de froid et déjà tout blanc de neige.

Il sanglotait répétant à l'infini : « ma maman ! Je veux revoir ma maman ! Ma maman ! »

Mon père le prit dans ses bras, l'enveloppa dans sa parka. Je saisis la lampe pour le retour à la maison.

C'étaient toutes les étoiles d'argent à dessiner qui lui avaient causé cette peine. Sa maman était parmi les étoiles ; on le lui disait souvent pour le consoler ; lui était parti la retrouver, là au bout du chemin quand on voit le ciel tout près et qu'on réussit presque à saisir une étoile entre ses doigts. Jeannot voulait embrasser sa maman, il le répétait. Le répéta sans cesse avant de finir par s'endormir, épuisé.

Au moins son rêve pouvait le rassurer, pour quelques heures, il était avec sa maman. Jeannot dans son sommeil était heureux. Je l'ai bien vu, il souriait, comme sourit un enfant.

Il était délivré de sa peine.

Juste après l'Epiphanie, il a fallu aussi démonter la crèche. Jeannot m'aidait à envelopper chaque santon que nous rangions dans une boîte jusqu'au prochain Noël. Mais cette année, tout ne fut pas emballé. Je gardai Marie pour la placer dans ma chambre au coin de la table. Je pense qu'elle pouvait veiller sur nous, je pourrais ainsi plus facilement lui adresser mes prières. Et pour Jeannot, je choisis le plus grand des anges, avec une belle robe bleue, des ailes blanches. Nous l'avons suspendu au-dessus de son lit, il peut le voir chaque soir. Nous avions décidé que c'était son Bon Ange Gardien, c'est ainsi que nous l'avons baptisé.

Mon frère avait promis qu'il ne se sauverait plus, avec cet ange qui veillait sur lui, ce serait plus facile.

Quand il serait trop triste, la maman d'Emilie lui avait dit de venir vers elle. Cette belle amitié, c'était rassurant pour tout le monde.

Enfin pour mettre vraiment Jannot en sécurité, Léa finit par briefer le chat Zoé lui demandant officiellement de veiller sur lui. La chienne Fiduline avait déjà fort à faire à rassembler les bêtes, lui, pouvait bien se rendre utile à la famille et suivre Jeannot.

Curieusement Zoé comprit exactement son rôle, et dès ce jour, il suivit Jeannot de près, ne le laissant jamais seul trop longtemps. Où Jeannot jouait, Zoé se tenait perché à proximité ; Jeannot dans la maison, Zoé se trouvait là à sommeiller d'un oeil, à veiller de l'autre sur le petit frère. Léa en fut très satisfaite ; elle savait désormais que le chat pouvait donner l'alerte. De toute façon, Zoé restait libre sur le temps de l'école pour courir les bois ou chasser la souris dans les greniers. Ainsi comme chacun accomplissait sa tâche, tout le monde avait retrouvé une harmonie permettant de vivre sereinement. 

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