Chapitre 7. Vouglans, le monstre du barrage

5 0 0
                                    

" Vouglans, le monstre du barrage" (conte fantastique)

Assurément, au terme de la saison estivale, et sans effrayer outre mesure les populations, on peut affirmer aujourd'hui, preuves à l'appui, que le monstre du Loch Ness, lui-même, est présent régulièrement dans les profondeurs du lac de Vouglans.

Comment le sait-on, me demanderez-vous ? De qui se moque-t-on encore, lanceront les rationalistes ?

Les preuves en sont tangibles. Et l'on sait désormais que, quittant ses eaux écossaises, le monstre le plus célèbre de l'hémisphère nord vient en villégiature sur la retenue de Vouglans. Ne croyez pas qu'il n'y ait que les hommes pour faire du tourisme, ce serait faire preuve d'une grande naïveté.

Au terme de cette enquête dont nous livrons les principaux éléments dans ce rapport, nous pouvons rappeler que toute la lumière n'a pas été faite sur la manière dont le monstre passe du Loch Ness à Vouglans. Cet aspect particulier de la question que nous remettrons à une date ultérieure impliquerait d'une certaine façon Noé lui-même. Autant dire que nous touchons alors aux sphères spéciales concernant les déplacements insolites du vivant sur Terre. Et là, il nous faudrait avoir des entrées en Haut Lieu pour prétendre obtenir de l'info.

Pour l'heure, nous allons relater ces indices concordants montrant comment le monstre s'est discrètement fait une place au sein des trente-deux kilomètres de la retenue d'eau du barrage. Evidemment, même si l'on est un monstre énorme, vous imaginez qu'au sein de cette masse d'eau de 1 600 hectares, longue d'une trentaine de kilomètres, il est de fait fort difficile de détecter une telle présence. Or c'est bien cet anonymat discret que vient rechercher la bête du Loch Ness lorsqu'en été, les prospections des touristes et savants troubleraient quotidiennement son repos écossais.

Pourquoi Vouglans dans le Jura me direz-vous ?

La réponse est simple. Analysons la situation : 39 km, c'est la longueur du Loch Ness, 35 km, celle de Vouglans. Le volume du Loch Ness est de 750 millions de M³, Vouglans quant à lui en contient 605 millions ; en conséquence, le monstre n'est pas dépaysé et retrouve en ce vaste lac, ses habitudes, une température qui lui convient tout à fait. De plus il jouit dans ce Jura toujours lointain et mystérieux, d'une discrétion que cherche tôt ou tard toute célébrité quelle que soit sa nature.

En réalité, différentes manifestations étranges que l'on a pu relever au fil de ces dernières saisons attestent de la présence réelle du monstre. Certes ces faits, pris isolément, ne sont guère évocateurs, c'est pour cela que jusqu'à présent tout est passé inaperçu, mais combinés au terme d'une enquête minutieuse, nous avons sous les yeux les preuves tangibles de ce que nous soupçonnions.

Tout d'abord, certitude avérée, d'après l'anatomie scientifiquement documentée à propos des dinosaures, nous savons que le monstre a une petite tête : la photo exclusive que nous avons obtenue à plusieurs reprises au Saut de la Saisse le montre. Cette photo vous est présentée comme « La » preuve incontestable.

La bête se faufile entre les marmites, par mimétisme prend une apparence minérale, et lorsque le niveau du lac est assez bas, vous ne pourrez pas manquer de l'apercevoir, pétrifiée, alors qu'elle observe attentivement les rives ... les rives et les riverains.

Bien entendu, on peut répertorier méthodiquement en cet endroit, comme en d'autres d'ailleurs, le nombre de barques qui disparaissent mystérieusement chaque année.

Quel rapport, peut-on s'interroger ?

Pour faire simple, et ne pas éveiller les soupçons, ces volatilisations d'embarcations sont enregistrées en gendarmerie sous la mention de « barques dérobées ». Or il n'en est rien, ces disparitions singulières, bien localisées, répétées, toujours selon le même rituel, ne sont que la manifestation de l'animal qui, nuitamment bien entendu, aux nuits sans lune de préférence, comme on a pu le noter, s'en vient prendre quelque repos à proximité des berges. Alors pour se désennuyer, car le monstre s'ennuie comme tout être vivant solitaire, et comme nous le faisons nous-mêmes en mâchonnant un brin d'herbe lors de promenades, lui, se saisit d'une barque comme d'un cure-dent, la sectionne d'un coup d'incisive ; parfois il recrache un moteur qui ne doit pas avoir bon goût et mâchonne dans la fraîcheur de la nuit ces frêles embarcations.

On sait par les statistiques qu'il apprécie autant le bois que les coques en polystyrène, qu'il ne mange jamais les cadenas et les câbles. C'est un premier aspect, bien sûr, or il y a beaucoup plus inquiétant.

Cahier de ContesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant