Sous la lune froide, glaçon jaune suspendu sur la neige, il y a le tigre rouge aux griffes bleues, effilées comme des lames d'acier. Le tigre au repos sous le couloir aérien du Grand Nord. L'orage menace ; cette nuit, un avion tentera-t-il de passer ?
Le tigre sait patienter.
Cette nuit, il ne feulera pas, il attend. Il sait qu'à quelque distance, la panthère patiente également. Invisible dans le noir, muette comme lui, elle se tient là sous le couloir aérien. Par instant la foudre raye le ciel jusqu'à la lune suspendue et pâle. Traversera-t-elle le Boeing qui d'ordinaire passe vers trois heures du matin.
Le plateau, enseveli sous la neige, demeure désert ; trop à l'écart, trop loin, trop loin de tout ce qui pourrait vivre. Inaccessible à l'homme pour six mois encore. Le tigre et la panthère le savent, si l'avion vient à chuter, pour tout l'hiver, ils auront pitance assurée. Mais le destin passe et souvent n'octroie rien lorsque l'orage ne se fait que mise en scène grandiose pour illuminer l'étendue blanche ; la Nature pour elle-même se met en beauté. Une fois cependant, il y a deux ans de cela, l'aéronef est tombé. Une fois seulement ... pour les fauves, ce fut un bel hiver. Il faut apprendre la patience.
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Cahier de Contes
ContoSi le conte semble désorganiser le réel et le rationnel, ce n'est qu'une apparence, c'est juste pour en reprendre le contrôle de manière inopinée, le fissurer un instant afin de l'éclairer autrement. En une courte histoire, ce qui aurait pu tenir d...