Gâchette.

Porte fermée...

- ... Il est où ?
L'incompréhension se lit sur le visage d'Ally.
- Je l'ai détaché. Je réponds avec un timbre audible.
- ... Elle écarquille les yeux, fais volte-face, se retrouve dos à moi, je l'entends inspirer profondément. Soudain Ally renverse sa tête en arrière et sa colonne vertébrale suit le mouvement. Elle éclate en un cri rageur. Puis, la fureur passée, se rue par le couloir de sortie de secours, celui par lequel M. Nontron est passé, avec la colère comme carburant vu comment elle a fusé avec une rapidité éblouissante.
Je reste là. Je ne comprends pas... J'ai pourtant bien fait, non ? Je ne l'ai pas tué, un être humain ne peut pas enlever la vie à un de ses congénères, si ?
Prise de cours par la terrifiante réalité, je cours pour la... Ou plutôt les rattraper.
Je me guide par des coups, des chocs étouffés, que je devine être de pressants et silencieux appels aux secours.
Au détour d'un couloir, proche de la porte menant à une rue de la ville, l'homme en costard est plaqué contre le mur par ma petite amie.
- Quelle ironie ! À un cheveu de ta liberté ! Tu ne croyais pas que j'allais te laisser sortir... ? Si !?
Une lueur de folie sauvage brille dans les pupilles de ma compagne. Le père sursaute.
- Écarte toi. C'est la première fois que j'ordonne quelque chose à Ally.
-... Ni Ally ni Monsieur Nontron ne répond. Personne ne fait un geste.
- ÉCARTE TOI ! Je hurle, le sang battant à mes tempes. Ally prend le col de l'homme, frappe une dernière fois son dos contre le mur, brutalement, puis se décale.
- Tu sais très bien pourquoi je fais ça !
- Parce-qu'il a vu nos visages... ? Il  ne connais ni nos noms ni nos prénoms. Ils ne sait rien, laisse lui une chance de partir.
-... Non. Répond Ally
- Pourquoi ?
- J'ai fais quelque chose de mal ? Questionne l'homme d'affaires.
- L'ouvrir. Déclare-t-elle sans un regard pour le suppliant.
- ... Tu aurais aimé qu'on te donne une chance de t'en sortir, de sortir de chez elle. Fais le pour lui.
Je joue sur la corde sensible mais je n'ai pas d'autres choix...
Ally ferme lentement les yeux. J'entrevois une lumière d'espoir.
Un rire sonore et ironique retentit.
C'est celui d'Ally.
Pourquoi ironique, me direz-vous ? Pour ça :
- Oui, c'est vrai. Tu as parfaitement raison, ma belle... Elle s'avance vers le prisonnier.
« Oh... Attendez. Je crois, en tout cas, il me semble... Qu'on ne m'a pas donné de chance ! Aucune, même infime, de m'en sortir. Et toi, l'vieux, tu veux savoir où elle est, ta fille !?
- ... Aucun de nous deux ne répond. Je suis tétanisée. Lui, terrifié.
- Elle est LÀ ! Finit ma copine.
Cette dernière soulève son T-shirt et montre les fameuses marques blanchâtres que j'avais essayé d'apaiser avec de tendres caresses.
Je baisse la tête, les yeux remplis de larmes, la gorge nouée.
Je m'écroule, rongée par la culpabilité. La culpabilité de ne pas avoir pu l'aider, la comprendre, la calmer. Le choc étouffé de mes genoux contre le sol semble étonnamment doux, comparé au cri furieux d'Ally.
- Chiara ! Crie-t-elle.
Des bras s'enroulent autour de mes épaules, une tiédeur humaine vient réchauffer quelque peu mon coeur en miettes et glacé.
Je relève la tête et, malgré le corps d'Ally bouchant ma vision, je vois l'homme glisser lentement au sol, son dos râper et suivre la pente du mur pour venir s'échouer par terre, dans la poussière.
Il n'est pas mort.